Des enfants, des caves et des tabous
(Ce texte reprend une conversation que nous avons eue après avoir joué la pièce de théâtre, avec les mères du Club des Parents. Il sera lu par ces femmes lors de la restitution de cette résidence. En attendant, nous l’avons parcouru ensemble et ce fut un moment d’émotion intense ; des histoires personnelles se sont libérées, comme si le texte avait permis de pratiquer ces brèches dans l’épaisseur le vie ordinaire.)
Des enfants, des caves et des tabous
(Une conversation entre nous)
Pour un motif qui ne fut pas véritablement démontré, trois adolescentes, Madjougou, Khadidja et Emilie, attirèrent un adolescent de leur quartier, Joey, dans la cave d’un immeuble, avant de le frapper avec une barre de fer. Le jeune homme fut ensuite attaché à une chaise et frappé de nouveau par les trois filles à tour de rôle jusqu’à causer sa mort par hémorragie interne.
Le 19 décembre 2014, dans le cadre d’un projet avec l’AVVEJ–rencontre 93, les personnes du club parents ont créé une pièce de théâtre consistant à rejouer le procès impliquant les trois inculpées.
Scène 1 : des questions… et des réponses qui font peur
– Père 1 : Juste après la pièce, nous avions l’impression d’avoir un peu mieux compris les personnalités de Madjougou, d’Emilie et de Khadidja. Il faut dire que nous nous étions inspirés des véritables auditions des trois adolescentes, si bien que nos représentations avaient des …˜…˜airs de vérité’’. Lorsque nous en avons reparlé entre nous, un peu après, il s’est produit quelque chose de surprenant : même lorsque nous n’étions pas d’accord, nous avions l’impression de parler d’une seule voix, comme si jouer ensemble avait fait de nous les …˜…˜complices innocents’’ des trois tueuses – comme si nous avions été nous aussi dans la cave, derrière elles, mais sans pouvoir agir. Ce serait cela, le pouvoir magique du théâtre ? Comme nous sommes toujours quelque part dans la cave avec elles, nous nous posons des questions que se sont sans doute posées les juges avant nous.
– Mère 1 : Ont-elles voulu tuer Joey ?
– Mère 2 : Pourquoi ce meurtre a-t-il été qualifié en homicide involontaire ?
– Mère 3 : Nous sommes des parents. Comment ne pas nous identifier à ceux de Joey ?
– Mère 4 : (scandalisé) C’est incroyable ! Un an ferme pour Madjougou, c’est trop peu !
– Mère 5 : Oui, mais c’était involontaire.
– Mère 6 : Elles ont pourtant voulu le tuer, non ?
– Mère 7 : Elle ne voulait pas tuer Joey, mais le punir, l’impressionner… La preuve : elles ont cherché à le détacher.
– Mère 8 : Peut-être qu’elles ont essayé de courtiser Joey…
– Mère 9 : Il y a aussi les gestes déplacés de Joey sur Khadidja, qui justifieraient leur vengeance…
– Mère 10 : C’était un traquenard…
– Mère 4 : Je suis maman et je ne souhaite ça à personne, mais je m’attendais à ce que ce soit plus sévère, trois ou quatre ans au moins…
– Mère 6 : Quatre ans dont trois avec sursis pour Madjougou… Elle s’en sort vraiment bien !
– Mère 9 : Mais la peine est divisée par deux.
– Mère 5 : Après tout, au tribunal, ils l’ont fait passer pour la meneuse, mais au fond on n’en sait rien.
– Mère 7 : Khadidja ne voulait pas tuer Joey, mais elle a eu un problème. Alors elle en a parlé à Madjougou, qui est forte et qui pris les choses en main.
– Mère 1 : Comme aucune des trois n’a eu d’affection dans sa famille… Elles ont compensé avec l’amitié.
– Mère 10 : (un peu scandalisée) C’est l’amitié qui les aurait menées là ?
– Mère 2 : (un peu scandalisée) L’amitié aurait été le déclencheur du crime ?
– Mère 3 : Peut–être que nous avons peur de comprendre ce qui s’est réellement passé…
– Mère 8 : C’était si près et si loin de nous…
Scène 2 : les familles fabriquent aussi des assassins
– Mère 1 : Khadidja ne pensait pas avec sa tête, plutôt avec ce qu’on lui avait appris… Son esprit était encombré d’autres paroles : celles de ses frères, celles de son père. Et ces paroles se mélangeaient dans son esprit et ne laissaient pas de place pour des pensées personnelles. Lorsqu’elle est tombée amoureuse de Joey, puis lorsqu’elle a été violée par lui (comment savoir ?), avec sa tête encombrée de paroles, elle ne pouvait plus agir. Elle était privée de son libre-arbitre. Elle ne savait plus ce qu’elle voulait. Alors elle a regardé Madjougou prendre les choses en main à sa place. Les paroles de ses frères et de son père continuaient de se mélanger dans son esprit. C’est comme ça que les familles fabriquent des assassins.
– Mère 2 : On fait toujours subir ce qu’on subit… Imaginez Madjougou chez elle, qui observe la violence de son père sur sa mère et qui résiste autant que possible. Mais elle ne peut rien contre lui. Il est plus fort, plus agressif. Peu à peu, elle se remplit la tête de cette violence. Elle n’a plus que ce langage-là : celui des insultes et des coups. Mais contrairement à Khadidja, elle sait ce qu’elle veut : tuer son père, qui constitue une menace. Alors, peu à peu, elle transforme la violence comme un tueur à gage fabrique son arme. Elle devient une bombe à retardement.
– (les mères en chœur) Les familles fabriquent quelquefois des assassins.
– Mère 3 : La mère d’Émilie se prostitue peut-être. En tout cas, elle boit. Elle fait des rencontres sans lendemain… (regard qui s’embrume et se perd dans le vague) Émilie, je ne la connais pas, mais elle me fait pitié, parce qu’elle n’a jamais eu d’éducation ni d’affection… Elle n’a pas d’autre famille que cette mère…
– Mère 7 : Elle n’a pas de repère et sa mère n’en a pas non plus. Qu’est-ce qu’on transmet, finalement, de façon consciente ou non ? Comment être sûr ? Si vous dites « noir », votre enfant finira par dire « blanc ». Ou bien il réinventera des tonalités de gris que vous ignorez. Les trois adolescentes ont inventé des nuances de noir.
– (les mères en chœur) Certaines familles déploient des trésors d’inventivité pour fabriquer des assassins. Le plus terrible, c’est qu’elles n’en savent rien.
Scène 3 : la colère et la raison
– Mère 5 (air songeur) Madjougou « a été emportée par sa colère ». C’est étrange, on dirait que cette colère existe comme une personne qui aurait réellement enlevé Madjougou. Comme si une mauvaise fée ou une sorcière habitait en elle et l’accompagnait depuis son enfance, guettant le moindre de ses faux-pas. Madjougou n’a rien vu venir, et elle a été emportée dans les limbes. Ici, la justice des hommes ignore les sorcières, mais chez certains peuples, en Nouvelle-Guinée, il existe des sorcières volantes dont on se méfie beaucoup, parce qu’on sait qu’elles ont le pouvoir maléfique d’emporter les âmes. La colère est une sorcière qui vit en chacun de nous, et nous passons nos vies d’enfant, d’adolescent, de parents à lutter contre elle.
– (mères en chœur) Pour apprendre à vivre, nous devons tenir les sorcières à distance.
– Mère 6 : Madjougou a cédé à la colère. Pourtant, elle était …˜…˜la plus sensée’’, entre guillemets. Évidemment, c’est difficile de soutenir que cette adolescente violente et meurtrière était …˜…˜sensée’’. Mais la raison existe aussi dans les caves lugubres et dans les halls tristes des immeubles sans avenir. La raison peut exister n’importe où, jusqu’à se confondre avec la folie.
Scène 4 : être parents
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– Mère 4 : Pour moi, excusez-moi, mais l’homicide involontaire, je n’y crois pas. Je pense à Joey, la victime, qui pourrait être mon fils. (air affirmé) Dans cette affaire, être parent est incompatible avec le verdict d’homicide involontaire !
– Mère 8 : (air songeur, un peu triste) Madjougou avait 16 ans… Bien sûr, prendre une barre de fer, c’est violent. Mais elle voulait peut-être juste lui donner une bonne leçon… Je pense à elle aujourd’hui. Elle pourrait être ma fille… (pensive) Non, dans cette affaire, être parent est compatible avec le verdict d’homicide involontaire.
Scène 5 : normalité
– Mère 9 : Je cherche quelque chose de normal dans cette histoire.
Émilie voulait attirer Joey… J’imagine qu’elle voulait le séduire comme n’importe quelle fille veut séduire un garçon et qu’elle n’a simplement pas supporté cette idée. Il y a des filles qui ne veulent pas qu’on leur résiste. Ça existe.
– Mère 10 : À vrai dire, nous cherchons tous quelque chose de normal dans cette histoire. Mais peut-être qu’il n’y a rien de normal. Peut-être qu’il n’y a jamais rien eu de normal dans cette histoire.
– Père 1 : Madjougou a simplement le caractère trempé…C’est bizarre, je viens de dire ça comme si je parlais de ma propre fille qui aurait fait des bêtises au collège, des petites choses sans importance. J’ai dit ça pour me rassurer, pour me convaincre que Madjougou n’est pas le monstre qu’a décrit le procureur, mais une très jeune fille qui n’a pas été aidée par les circonstances. Voilà ce que je pense vraiment. Notre humanité ne nous fait jamais mentir.
Scène 6 : extraterrestres
– Mère 1 (air étonné) Et les attouchements, ce n’est plus d’actualité ? Il n’y a aucune trace des sévices sexuels de Joey, ce qui aurait pu expliquer la vengeance des adolescentes.
– Mère 2 : Elles n’ont pas déposé plainte. Elles n’ont pas osé. Elles se méfiaient de la police et se sont finalement résignées à agir elles–mêmes. En dehors des lois, tout paraît simple. Ça arrange tout le monde de penser ça…
– Mère 3 : Pourtant, dans cette affaire, rien n’est simple, même en dehors des lois. Surtout en dehors des lois.
– Mère 7 : Comment rendre la justice sans comprendre ce qui se passe dans les caves ? Se priver de cette compréhension, c’est comme juger des extra–terrestres !
– Mère 8 : Comme on ne comprend pas les extra–terrestres, on les fait facilement passer pour des barbares qui ne sont même pas dignes d’être étudiés. Comme ça, le problème devient très simple. Trop simple…
– (En chœur) Mais Madjougou, Emilie, Khadidja ne sont pas des extra–terrestres !
Scène 7 : injustice
– Mère 4 : Je pense à quelque chose…
– Mère 5 : Quoi ?
– Mère 4 : Joey était juste un peu moins pauvre que les trois adolescentes. Pourtant elles l’ont pris pour un gosse de riche !
– Mère 6 : J’imagine les trajets des trois gamines et leur rencontre avec ceux qui ont de l’argent, dans le centre de Paris. La frustration qu’elles ressentent en permanence…
– Mère 7 : Je connais ces adolescents qui vont à Paris en bande, parfois pour faire la fête, parfois pour voler. Pour eux, Paris c’est une ville inaccessible. Ils se sentent exclus. Ils se disent « pourquoi sommes-nous ainsi ? Pourquoi vivons–nous ainsi ? (pause) Pourquoi ne parents sont ainsi ?
Scène 8 : prison
– Mère 8 : Est–ce que la prison va aider Madjougou ? La prison est une violence en soi, non ?
– Mère 9 : C’est en prison que les maladies mentales apparaissent.
– Mère 10 : Elle peut aussi reprendre des études.
– Père 1 : Oui, mais imaginez une jeune fille de 16 ans avec une dizaine d’autres dans la cellule, toutes avec des histoires compliquées… Imaginez la avec comme voisine de lit une mère qui a tué son enfant. Quel est le sens de la prison ?
– Mère 1 : La vertu de pardon ?
– Mère 2 : La réinsertion ?
– Mère 3 : Les prisons françaises sont pointées du doigt par la commission des droits de l’homme. Dans les pays nordiques, il existe une assistance et un suivi psychologique destinées à faire de chaque prisonnier un bon citoyen. Pourquoi pas en France ?
Scène 9 : cachés
– Mère 4 : Les trois adolescentes ont été élevées par rapport à des tabous. Elles ont toujours tout caché de leur vie au point de finir par régler leur compte dans les caves. Oui, c’est ça, elles ont toujours vécu cachées. À moins que d’autres les aient cachées, chacun à leur façon…
– Mère 5 : Les parents de Madjougou l’ont cachée en l’enfermant à 16 ans dans le rôle de la mère de famille !
– Mère 6 : Les parents de Khadidja l’ont cachée en l’enfermant dans le rôle d’une incapable !
– Mère 7 : La mère d’Émilie l’a cachée en l’obligeant à la ramener tous les soirs chez elle lorsqu’elle était ivre morte !
– Mère 4 : Oui, tous ceux-là les ont enfermées, jusqu’au procureur qui les a maintenues dans les ténèbres en les faisant passer pour des barbares. Il est logique, finalement, que cette histoire finisse dans une cave. C’est triste, mais c’est logique.
– Mère 5 : Aujourd’hui, les caves des immeubles servent de squats, mais elles ont au départ été conçues pour y stoker des produits divers : de l’alimentation, des vélos, des affaires qu’on ne sort qu’à certaines saisons de l’année… Comme n’importe quelle cave d’immeuble en fait. Derrière les questions que pose l’affaire Joey, il y en a une autre que nous avons un peu oubliée, mais qui est importante :
– (En chœur) comment un lieu prévu pour stocker des boîtes de conserve peut–il devenir le lieu de tous les non–dits et de tous les passages à l’actes ?
– Mère 6 : Leur sexualité, l’agression sur Khadidja, la vengeance… tout était caché dans les caves. (air étonné) Le plus troublant, c’est de prononcer ces deux mots ensemble, « sexualité » et « agression », de les associer l’un à l’autre comme s’ils étaient complémentaires.
– Mère 7 : Mais les enfants sont élevés comme ça ! Une de mes collègues m’a dit que son mari éteignait la télévision devant les enfants dès que des acteurs commençaient à s’embrasser. J’ai protesté : « C’est pas un film porno quand même ! ». Et puis les enfants, s’il veulent vraiment savoir, ils sauront… Au contraire, ça va créer un tabou. Que Joey ait pu être massacré parce que des tabous se sont accumulés dans l’esprit des trois adolescentes. Voilà ce qui est incroyable et inacceptable !
– Mère 8 : Un jour, je regardais un film où un couple s’embrassait. Mon mari me dit « Éteins ! », puis il dit à ma fille : « Cache-toi les yeux ! ». Il m’a dit que je lui apprenais des sales choses.
– Mère 7 : Qu’est–ce que tu as fait ?
– Mère 8 : J’ai attendu qu’il se calme et j’ai expliqué à ma fille qu’un baiser était naturel.
– Mère 9 : Nous sommes dans une époque où nous devons parler ! Je suis particulièrement déterminée en prononçant ces mots, presque en colère. Ce qui me semble le plus inacceptable, ce sont tous ces tabous qui mènent directement les enfants dans les caves.
Scène 10 : curiosité
– Père 1 : Comment faire pour que les enfants n’aillent pas dans les caves ?
– Mère 1 : Les parents leur cachent tant de choses, alors qu’ils ont tant de questions.
– Mère 2 : Un jour, alors que ma fille avait six ou sept ans, elle m’a dit : « Mon frère et moi, on reste dans le salon et toi tu vas dans la chambre avec papa ! ». Elle nous avait vus. Elle savait… Je ne sais pas comment elle avait fait pour nous voir.
– Mère 3 : Tu croyais qu’elle dormait et qu’elle ne vous voyait pas ?
– Mère 4 : En tout cas, c’est bien d’avoir pu lui en parler.
– Mère 5 : Moi, à son âge je n’aurais pas dit ça à ma mère ! (air troublé) C’est bizarre… en prononçant ces mots, je suis partagée entre une honte revenue de loin et de la fierté.
– Mère 6 : Quand j’étais avec mon mari et que je posais ma main sur son épaule, ma fille me disait …˜…˜enlève ta main’’, et je lui disais …˜…˜non c’est naturel’’… Elle voulait savoir… Dans le regard de l’enfant, les petits gestes de la vie ordinaire sont de puissantes questions.
– Mère 7 : Lorsque un enfant se pose une question, il met en général tout en œuvre pour trouver la réponse. Plus que le chocolat ou les bonbons, la curiosité est le premier aliment de l’enfant.
– Mère 8 : Mais la perspicacité de l’enfant ne suffit jamais à vaincre les silences de l’adulte. Si celui-ci a décidé que les réponses étaient indécentes, il mettra tout en œuvre pour que l’enfant garde lui aussi le silence…
– Mère 9 : … Et comme ce silence devient vite assourdissant, l’enfant, qui ne cesse de chercher des réponses, finit par descendre dans les caves pour les trouver. Quelquefois, il n’est déjà plus un enfant, quelquefois si…
– Mère 10 : Ce que l’enfant trouve dans les caves, ce ne sont pas des réponses, mais d’autres questions. L’affaire Joey, c’est l’histoire d’enfants dont l’esprit est ravagé par des questions sans réponse. Passer à l’acte avec une barre de fer ou autre chose, c’est finir par croire que toutes ces questions ne trouveront jamais de réponse.
– Père 10 : L’affaire Joey est un cimetière de questions sans réponse…
Scène 11 : finir par en parler
– Mère 2 : J’ai deux enfants, deux ados… Je leur ai parlé de sexualité… On parle de ces sujets entre nous.
– Mère 3 : Avec ma mère, on était très proches, mais parler de garçons était impossible. Un jour, elle est tombée sur une lettre d’amour que m’avait envoyé un garçon. Elle en a fait toute une histoire. Pourtant, je n’étais déjà plus une enfant… Une autre fois, elle a trouvé une tablette de pilules. J’avais 20 ans, pourtant. Elle disait : « moi qui pensais que j’avais une petite fille à la maison ! ». C’était comme ça. Si je fumais elle ne disait rien, mais pour les garçons, c’était une autre histoire. Aujourd’hui je parle de plein de choses avec mes enfants et mon mari.
– Mère 4 : Moi, ma mère me donnait plein de conseils. Mais il y avait tellement de choses que je lui cachais… Pour elle, je restais sa petite fille. « Tu resteras toujours mon petit poussin, elle me disait. »
– Mère 5 : Je repense à Émilie. Peut-être qu’elle aimait Joey en silence. Moi, quand j’étais jeune, j’ai aimé en silence… Mais il était interdit d’aimer. Interdire d’aimer ? Et pourquoi pas de parler, de manger, de respirer ?
– (En chœur) Les temps on changé, il faut parler à nos enfants ! Il faut parler clairement !
Scène 12 : Oser parler
– Mère 1 : En parlant de cette affaire criminelle, de nos espoirs et de nos peurs, j’ai l’impression que nous avons un peu sorti Joey et les trois adolescentes de la cave, que nous les avons un peu ramenés dans la lumière. Ça sert à ça, une conversation.
– Mère 6 : Je repense à Émilie. Elle était totalement livrée à elle–même.
– Mère 7 : Elle n’avait même pas 14 ans.
– Mère 8 : (air émue) C’était encore un bébé…
– Mère 4 : Oui, mais un bébé qui frappe avec une barre de fer !
– Mère 9 : L’autre jour, j’ai vu une petite fille à mac do qui frappait ses parents. Ça m’a choquée.
– Mère 10 : Les coups remplacent les mots qui ne sont pas transmis par les parents.
– Père 1 : Quand les enfants sont petits, ils n’ont pas de langage. Donc la seule manière pour eux, de s’exprimer, c’est de pousser, de taper.
– Mère 1 : Oui, les coups remplacent les mots qui n’ont pas été prononcés.
– Mère 2 : Les caves remplacent les mots.
– Mère 3 : Je me souviens qu’avec mes parents, on parlait.
– (en chœur) Oui, nous sommes dans une époque ou nous devons oser parler.