« Écrire ne collabore pas »
CCP, Cahier critique de poésie, la revue du C.I.P.M publie, dans son numéro 10, d’octobre 2005, un long dossier Pascal Quignard comportant entre autres un disque CD original de l’enregistrement du 2 janvier 1978, où Quignard lit Le Lecteur, "Alain Veinstein étant seul avec moi dans le studio".
Outre dix contributions, parmi lesquelles en particulier celles de Claude Royer-Journoud (une gouache de juin 2005), de Pierre Parlant ou d’Alain Paire, le dossier comporte un très vivant entretien de Quignard et de Marie-Laure Picot, dont le principal intérêt est non seulement d’éclairer les rapports de l’auteur avec l’écriture, les genres littéraires ou la rhétorique - « Ecrire ne collabore pas » - mais aussi avec son propre parcours, depuis l’époque de Hiems (1977) et de sa participation, en tant que traducteur, aux travaux de L’Ephémère.
Bien passionnant de voir Quignard exposer, outre son expérience de la traduction, qui est celle de la « Littérature à l’état pur (...), travail de démembrement et de remembrement perpétuels », sa confiance dans la forme brève et dans le fragment, seuls modes conformes au moderne (« Je définirai le moderne : ce qui ne supporte plus la liaison ») :
La forme brève, non périodique, abrupte sans liaison, sans psychologie, sans égards, sans prophétie, sans séduction cherche une densité qui fait son propre. La liste des Mésopotamiens, des anciens Chinois, des Romains, les haïkus des Japonais, les élégies tronquées, les collages, les fragments décontextualisant le monde oral, désolidarisent l’unanimité politique, regagnent sur l’intensité vitale, sur la vie même, sa titubatio, son instabilité érigeante, temporaire, fragmentaire, pleine d’écarts, d’impatiences, de chancellements, de syncopes".
Voilà bien de quoi, à nouveau, « déstabiliser Monsieur Jourdain »...