entendre toujours plus qu’on ne peut entendre
au risque d’y perdre l’oreille
Dire certaines choses sur la manière d’entendre une chanson demande d’attendre le jour où elle se terre. Le chant des giboulées est tenace ce printemps. Elle-même, l’artiste, la météorologue, la jardinière, la choriste, la cycliste, la judoka, le disque blanc rotorelief en bosse ronde et pat de rondelles, glisse sur la surface de la céramique. Pourtant la pluie dure moins longtemps que la sculpture. Pourtant la terre ne boit plus. Tant mieux le sillon flottant grave l’ivresse à perpétuité. La dérive du microsillon n’est rien devant ce que devient l’agencement.
dans le berceau d’un vieux château une promesse vient d’arriver
À fond perdu, à temps retrouvé, à l’émeri, à vis-à-vis, à Whatever Will be Will be, à cercles concentriques et à centre excentrique, à ne les connaître ni “dave ni dada”, à pour anecdote qui palindrome le sillon et à pour de rire qui tournidole la bascule, les choses sont des paroles de chanson. Le disque de porcelaine blanche chuinte des formes fondues en blanc sur le mur de Saint-Loup. En quoi faisant se souvient d’un premier montage qui chantait à l’envers et remontait d’une autre voix à l’endroit. La sculpture sonore tricote au point Jersey. Un volume de spirales annonce le retour du loup blanc.
un point pour saint Joseph un point pour saint Thomas
mais tout pour Siona ah Ceramica ah ah Ceramica Elevationa
Ceramica Elevationa patine la platine. Comme la langue sur le bout de la langue, les petits sons donnent du corps aux stries et de la chair aux noms. La tendresse autrefois satinée d’une voix produit un timbre grisé qui ne fait pourtant pas grise mine. Nul blanc que le blanc du sillon n’aime tant redonner sa blancheur à la partie un peu "old school" des débuts de l’électrophone. Il y a une tête qui lit en avant et qui chante en arrière. « Tu m’as gravé un bien beau disque » disent à l’artiste Catherine Gilloire, Johnny Halliday, Richard Antony, Dave, Bach, Daft Punk, Lucien Bobo et Glenn Gould Variations Goldberg.
souvenirs souvenirs j’entends siffler le train
dans un bastringue le long du quai
Le son de terre devance l’audition, la chanson sédimente les souvenirs. Les paroles cuites reviennent de loin. Elles reprennent le dessus et trébuchent dedans à l’instant d’un sursaut, d’un écart vocal, d’une rayure, d’une craquelure, d’une fente pour faire qu’elles se touchent quand même. Chanter juste au présent n’est pas juste un alignement de sons. Toute chanson est l’expérience d’une Belle Absente. Entre saphir et zéphyr la terre s’ouvre de tout son blanc et durcit son « j’aime » dans le plus doux des vents. Entre aimer et entendre la différence d’un refrain de circonstances.
que sera sera laisssons l’avenir
venir chacun s’y fie poupée de son
Une collection de vinyles noirs vraiment très blancs, de partitions poreuses, de pochettes solidifiées, de chantonnement tralalatralalère et d’électrophones aphones, occupe sans cérémonie le temps variable d‘une chapelle. Un substitut vocal grésille des paroles qui composent en surface de mur un volume de silence. Le tourne-disque monte son diamant sans l’amplification de haut-parleurs mais il ne faut pas coller son oreille contre le fer-blanc pour entendre le chant. La sculpture prend forme là où la forme trouve le son blanc.
4′33″ John Cage 1952
Le sculpteur n’est pas entré dans le disque de céramique comme le fameux calligraphe japonais, il tourne sans cesse autour des “quatre trésors du lettré” pour revenir en faire le tour à la ronde en rond et venir à la rencontre de la spectatrice – la lectrice. L’instant d’une chanson, d’un thème avec variations, d’un contrepoint sans ligne de fuite, l’art d’entendre au présent continu bâtit un mur de disques blancs jouant avec les distances. Kaolin, silice et feldspath refont l’onde des oreilles absolues. Le flux d’airs répète sans fin le motif de la terre blanche.
loin, loin, loin, loin loin, si loin de toi
et le monde n’existe pas