Fictions beyrouthines et autres citadines (23)

XXIII


Hussein hésite entre la lumière et le rythme. Il somnole sur sa chaise àmême le trottoir jusqu’àmidi ; il prendra alors ses quartiers d’ombre juste en face. Son chapelet cliquète àpeine, les conversations des passants le bercent et les pétarades des voitures ne soulèvent même pas ses paupières. Ismaïl et Ziad viendront le rejoindre tout àl’heure mais pour l’instant le matin beyrouthin fourmille joliment au soleil.

Une pointe d’inquiétude, une toute petite contrariété empêche le délassement complet. Sa fille est partie en France. Il l’a accompagnée hier àl’aéroport. Il a l’habitude des départs pour l’été mais la dernière fois c’était en juillet 2006, précisément le 6 de ce mois.

Hussein savoure les va et vient nonchalants des jeunes gens qui rient et les parfums des filles qui passent les yeux baissés et néanmoins attentives de tout leur corps. Le brouhaha tranquille et bruyant de Beyrouth ce matin le rassure. Mais n’était-ce pas ainsi le 10 juillet 2006, deux jours avant l’attaque d’Israë l ? Il était assis au soleil, Selma avait téléphoné de Paris.

Les oiseaux du cimetière orthodoxe pépient et Hussein pousse un soupir pour chasser les souvenirs. Le soleil gagne sur le trottoir, la chaleur se fait plus dense ; il est temps de migrer. Ismaë l le hèle et l’attend, installé en face, devant le magasin de Sulayman. Hussein ne demande pas l’avis de son ami quant àce léger malaise sur lequel il ne met pas de mots. Ils ne parleront pas de la Syrie, des militants et d’Israel. Ils y pensent ensemble assis sur leurs chaises au bord du trottoir. Hussein dit seulement qu’il a de bonnes nouvelles de Selma, elle a envoyé un mail àson frère, il fait doux àParis.

Après un moment de silence, Ismaë l marmonne : « Elle est mieux là-bas pour l’instant  ».

Comment se tenir dans l’été incertain ?

10 juillet 2011
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