Giuseppe Penone à Beaubourg

Il y a quelque chose de terriblement laborieux dans le travail de Giuseppe Penone, ce qui n’empêche pas ce travail, au contraire, de toucher à la grâce. Non, ce que le travail de Penone contient plus que tout c’est la trace de son propre passage, combien de fois la gouge a du passer dans les veines du bois, en évitant soigneusement les nœuds pour produire ces grandes sculptures dans lesquelles il est donné de voir l’arbre dans la poutre, et par extension la poutre qui est dans l’arbre ? Combien de roses et de ronces épépinées pour produire ces grandes toiles aux inombrables épines, combien d’hélices d’érable ont été cueillies pour former ce tas dans lequel subsiste, fragile, la trace d’un corps écroulé ? Innombrable. Le travail de Giuseppe Penone demande également à notre regard une comparable opiniâtreté, parce que deux rocs aux formes quasi-identiques posés l’un à côté de l’autre seraient vite regardés sans comprendre : quelle est en effet la vraisemblance que deux rocs aux formes si quelconques puissent pareillement se ressembler, jusqu’à l’identique, n’étaient-ce justement quelques variations de couleur. Réponse sans doute : un des deux blocs a été sculpté. Sculptant l’un de ces deux rocs quelconque le sculpteur a reproduit en quelque sorte le travail d’érosion très long &#151 un temps géologique &#151 qui a conduit aux formes du premier roc. Le visiteur entre aussi dans une grande pièce sombre assailli par une odeur très forte de laurier sec, les murs de la pièce en sont couverts, au fond de la pièce une sculpture dorée qui représente deux poumons humains est en fait composée de feuilles de lauriers dorés enchevêtrement qui ressemble tout à fait au tissu même de nos poumons. Et c’est en respirant, à plein poumons que nous ressentons cette pièce.

Les poutres, le travail sur les poutres et les arbres. Une poutre est méticuleusement évidée en épargnant scrupuleusement les noeuds dans le bois. En creusant la poutre de cette façon Giuseppe Penone donne à voir l’arbre qui a contenu cette poutre. Agréable plaisir que celui de notre regard qui fait des allers-retours en pensée entre l’arbre qui a contenu une poutre qui contient désormais un arbre, et cet arbre est en fait l’arbre plus jeune qui en croissant est devenu cet arbre massif dans lequel on a taillé une poutre.

28 août 2004
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