Hannah où que tu sois, lève les yeux

Ce n’est pas une injonction, c’est une prière venue du ciel à la fin du film de Charlie Chaplin « Le Dictateur ». Des mots qui semblaient s’inscrire d’images fixes en images mobiles sur les murs de l’exposition « Chaplin et les images »

Offerts à l’émotion, en famille, les yeux levés des visiteurs allaient de salle en salle entre rires et larmes. Une petite femme seule, les yeux rougis resta longtemps dans le dernier espace obscur où trois fins de film déclinaient interminablement la claudication tant corporelle que verbale du petit vagabond rêveur. Il (Charlot) s’éloignait de dos sur la route comme souvent sans se retourner, il (Monsieur Verdoux) titubait vers l’échafaud en paix avec Dieu, mais en conflit avec les hommes, il (Le Dictateur) offrait sa voix d’amour : « Hannah où que tu sois, lève les yeux. »

C’était le dernier jour d’une exposition qui se terminait hier, dimanche 18 septembre dans un Jeu de Paume grouillant. L’avoir manquée est « rattrapable » : restent les films de Charlie Chaplin, les articles de Jacques Rancière et de Giovanni Lista du « hors-série Beaux-Arts », en résonance au texte de 1921 d’Élie Faure.

« Autour de l’apparition de Charlot c’est toute la peinture que ses admirateurs convoquent, toute son animation de l’espace (...) » écrit Jacques Rancière.
Élie Faure convoquait Titien qui fut convoqué par Poussin.
Ce même dimanche les salles Poussin du Louvre étaient quasi désertes, un couple d’amateurs entre Paradis terrestre et Déluge entendait depuis là la voix de la jeune fleuriste aveugle des Lumières de la Ville, s’extasiant : « J’y vois clair maintenant ! »

21 septembre 2005
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