Isabelle Fruchart | Installation des livres qui consolent

22 mai 2018.
Unité Ado de Ville-Evrard, au CHI André-Grégoire, Montreuil.

Avec Mariam, notre stagiaire àla Semaine du Son, j’ai apporté les 50 livres.
Les ados les ont sortis des sacs, les ont ouverts, déplastifiés.
Ils ont décidé de les classer par genre. Ça les a obligés àlire les 4e de couverture. Ils lisaient parfois àvoix haute, parfois reconnaissaient un livre qu’ils avaient lu, nous racontaient l’histoire, et parfois nous lisaient la première page.
Je leur ai demandé si dès la première page ils pouvaient dire si le livre était pour eux.
Ils ne savaient pas.

Nous étions réunis dans la salle àmanger. Plusieurs bibliothèques y sont déjàinstallées. Nous avions convenu avec l’équipe d’encadrement, de vider l’une des étagères pour faire de la place, et de ranger les anciens livres en double file dans un autre rayon.
J’ai proposé aux ados de vider l’étagère. P. a balancé les livres par terre.
J’ai dit « Â Oh non, s’il te plaît P., arrête, ça me fait mal au cÅ“ur de voir les livres maltraités  » et je l’ai entouré de mes bras, doucement.
Il a continué.
J’ai dit « Â Arrête, tu les maltraites  ».
Je me suis entendu dire « Â tu les maltraites  ». J’ai pensé qu’il ne pouvait pas faire autrement. J’ai relâché mes bras, en disant « Je vois que tu les maltraites, mais je veux que tu saches que c’est possible aussi de les traiter avec respect. Regarde.  »Â 
J’ai ramassé un livre.
P. a dit « Â Je ne regarde pas  » et il s’est éloigné.
Y. T. V. et L. ont rangé les livres éparpillés au sol.
F. est arrivé et m’a dit bonjour. Je lui ai demandé s’il lisait des livres. Il a répondu non. Il s’est assis et a fermé les yeux. C’était la première fois que j’entendais le son de sa voix.

Sur la couverture de chaque livre, Y. T. V. et L. ont collé une étiquette mentionnant que l’ouvrage était offert par la Semaine du Son.
Ils ont vérifié la bibliographie, pointé en rouge ceux qui manquaient.
Ils ont rangé les livres sur l’étagère en les classant par genre, Y. a rédigé des étiquettes pour chaque genre et a collé les étiquettes sur le rayon.
Alignés, les livres paraissaient beaucoup moins nombreux qu’en pile sur la table.

Y. T. et V. avaient envie d’en lire un. Ils ne savaient pas lequel. Pas L. « Â Pas tout de suite  » a-t-il dit.
Je leur ai proposé des feuilles, des feutres, du scotch.
Ils ont emballé les livres et ont écrit dessus ce qu’ils voulaient pour donner envie de défaire l’emballage.
On n’a pas eu le temps de les emballer tous.
On continuera mardi prochain.

20 juin 2018
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