Jean-Louis Maunoury : La Vie exemplaire de Bilal l’Avertisseur, roman
Algérie 1961, Paris 1972, Cayeux-sur-Mer 1983 ou vingt années de la vie de Bilal, né à Al-Qamar (région de Touggourt), fils d’un imam du Sud algérien qui le chasse pour avoir assisté, dit-il, à l’acte de chair, plus probablement parce que sa peau est noire, parce qu’il est de la race de Cham fils de Noé.
Recruté malgré lui par les soldats de l’ALN puis abandonné par eux, raflé, battu puis réquisitionné par les soldats français, sur le point d’être à nouveau abandonné Bilal monte clandestinement à bord du Sidi-Bel-Abbès et débarque à Marseille.
La France n’est pas, ne sera pas la Terre promise.
Etoile, je te parle, si tu es vraiment une étoile, un petit morceau de ciel, montre que c’est bien à moi qu’on t’a donnée, que c’est pour moi que tu es tombée. Parle, par ces lignes que tu fais, par ces dessins que je ne comprends pas, montre-moi quelle vie j’ai eue, quelle mort j’aurai, parle par ces sortes de lèvres, par ce trou de bouche que tu as, sinon je vais te briser, je vais te serrer, te casser dans mon poing, comme on m’a fait à cause de toi...
Frère en délaissement et en solitude, en idiotie et en sagesse d’AQ le héros du romancier chinois Luxun, comme lui instrument qui permet de mesurer le niveau d’acceptation et de refus de l’autre par une société, Bilal est également celui de Nasr Eddin Hodja. Jean-Louis Maunoury a consacré trois recueils de récits à ce personnage de la tradition orientale, repris chez Phébus dans la collection Libretto sous le titre Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja - tout Nasr Eddin ou presque.
Avant La Vie exemplaire de Bilal l’Avertisseur (Robert Laffont, 2004), Jean-Louis Maunoury a publié La pointe du Hoc et Le Saut de l’ange (Gallimard, 1987 et 1988), romans dont leurs lecteurs n’auront pas oublié l’univers onirique, gymnastique et cruel.
Dominique Dussidour