Jean-Marc Undriener | _ligne /1

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parfois ce qui fait défaut
c’est juste pouvoir un temps
se quitter des yeux
et –

dans ce temps même
où à portée de soi pourtant
on est comme décalé

– ne pas ne plus
pouvoir se vivre

se voir
vivre

/

c’est l’histoire elle est faite
comme ça faite de ça
de jours après jours
à plonger dans le sale
sale et de jours cloués
les uns aux autres
serrés

à demander que ça finisse et
quand parce que c’est urgent
et parce qu’il faut et parce qu’on sait
qu’à ce rythme –

/

avec la fatigue qu’il faut dire et dire
qu’elle commence là sans jamais
prendre vraiment fin et sans jamais
lâcher vraiment le corps

ni cette gueule et
ses yeux creux et ses yeux trous
mal visibles entre les cernes

ces yeux – il faut le dire et dire encore
cette fatigue restée là sans dire

/

appuyer là où ça heurte bien
on ne on n’a fait que
ça – appuyer là
on n’a que ça

des années à faire ça
et que ça et comme si

vertige d’appuyer là où ça fait
là où ça fait le plus –

là où ça bée à y passer le bras
même si peu de pouvoir et si peu
de moyens pour faire avec

ce faible bien faible
pour seul os presque mou

/

on voudrait aller
de l’avant – voudrait ça
ne voudrait pas mieux

à se demander si ce n’est pas
soi-même qui tire tord traîne
la tête vers l’arrière l’oriente
vers ce seul point

à mordre et remordre sa chaîne

/

ce temps de bascule
d’un vide vers l’autre

on n’imagine pas la rupture
on n’imagine pas non – ce que
ça provoque quand
des mots lâchés
de trop haut tombent
mal

dans l’oreille du mort

/

c’est alors ainsi ça
va vient depuis
d’un bord à l’autre

et faire mots de tout
ce bois sec on n’a qu’à
on a bien
tenté des fois

de faire autrement
de ne pas faire
tout court

mais rien

/

on revient vient va
avec l’estomac retourné
se retourne tourne en boucle

des heures jours mois
et au bout c’est comme si tout
restait encore et toujours
à ruminer

/

bouche pas une bouche
une ride d’expression
même pas – juste

une fente mal ouverte par
l’habitude des mots et

des mots de moins en moins
pour habiter moins cette
bouche pas bouche

/

la tête quitte son lit retombe
dans la nuit l’autre nuit
la nuit encore

plus dense plus ferme

referme le drap sur la tête serrée
la bouche serrée les yeux serrés
le tout serré

l’envie qui se rétracte

/

quand le front descend presse et
que toute l’eau quitte les yeux
et qu’il n’y a plus
d’eau dans les yeux

juste une pincée blanche
de sel dans les yeux
juste ce

– qu’on dit larme

/


Photo de Jean-Marc Undriener ©

11 janvier 2013
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