L’économie collaborative de Marianne Rubinstein
Detroit, dit-elle de Marianne Rubinstein vient de paraître aux éditions Verticales.
Écouter Marianne Rubinstein parler de son livre.








Érudit mais allégé, terrifiant mais ludique, son récit parle l’économie comme d’habitude on parle personnages, idylles ou conflits. L’auteure a adopté une forme presque enfantine sur le mode de la comptine, « trois p’tits chats, chats chats, chapeau d’paille, paille paille, paillasson, son son » dont le nom savant est anadiplose ou, plus poétique et adapté à cette forme particulière, « dorica castra », à savoir la reprise d’un même son à la fin d’une unité et au début de la suivante. Elle use de sa dorica castra en toute liberté, joue d’associations de mots, de sons, de dates, d’images — disons qu’elle met en écho les faux hasards de la vie, ses résonances privées et publiques. Il en résulte des étonnements, de la saveur, du léger et du lourd, et un plaisir de lecture non dissimulable.
On en retiendra nécessairement quelque chose, dans sa façon de voir et dans son vocabulaire, le terme « coopétition » par exemple, qui réunit les termes apparemment antagonistes de coopération et de compétition. Mais n’est-ce pas la manière malicieuse ou vicieuse du capitalisme que de créer des coopérations de circonstances avec des partenaires concurrents ?
Puisque la vie, le monde et l’écriture sont poreux, son livre lui-même prend le visage de son « sujet », un partage, une mise en commun des savoirs (ses sources multiples), des ponts qu’elle tend entre le particulier et le collectif, entre les territoires, les genres (fiction, faits réels, autofiction, témoignage, documentaire, documentation, citations, rapprochements, etc.).
Detroit, dit-elle inaugure un nouveau concept littéraire, une forme d’économie collaborative.
D’où l’importance de la virgule, dont MD n’avait pas besoin, toute fusion qu’était sa phrase. MR en a besoin, la virgule sépare et connecte, elle respire, elle s’éloigne pour se rapprocher, petite baguette magique — virgula en latin, mais les jeunes générations s’intéressent-elles au latin ? —, qui administre des coups, l’air de rien.