Liberté d’Ulysse !
Ce n’est pas une anthologie « formolisée » que François Dominique, Jean-Michel Rabaté et Daniel Legrand nous livrent ici avec ce gros volume intitulé ULYSSE FIN DE SIECLE, vers et proses (aux éditions Virgile).
Plutôt les traces vives d’une aventure éditoriale (mais pas seulement puisqu’Ulysse, ce furent aussi des rencontres et des lectures publiques) dont François Dominique nous dit bien que son origine se trouve dans le désir de « faire valoir (...) que la diversité des formes et des œuvres inclut une interrogation portant sur la frontière entre les genres, et même entre les arts ».
C’est ce qui saute aux yeux dès qu’on ouvre le livre. On y découvre bien sûr des textes, pour la plupart inédits, en langue étrangère assez souvent (je pense à Christoph Meckel ou à Joël-Peter Shapiro), mais aussi des lettres (de Tarkos notamment), des manuscrits (Maurice Roche, Roger Laporte, Zukoksky), des dessins (Valérie-Catherine Richez, Christian Rosset, Fulvio Testa), une partition de Jacques Rebotier.
Une vie libre, riche, foisonnante, l’impression d’entrer dans un atelier où se rencontrent deux « modernités » qui pourraient s’ignorer l’une l’autre mais s’étonnent de leur nécessité commune. Celle, plutôt française, qui a Blanchot et Bataille comme initiateurs, et la nord-américaine où Olson, Zukosky et Pound jouent les « lanceurs » ! Du coup le catalogue (c’est un bonheur de lire, à la fin de l’ouvrage, la liste des nombreux livres parus) permet de deviner les alliances secrètes qui fondent la volonté d’éditer tel ou tel, et l’on n’est pas surpris de voir se côtoyer Roger Laporte, Pierre Bettencourt, Franck André Jamme, David Mus et Valère Novarina, Christian Prigent, ou de lire Rilke et Cage !
Aujourd’hui, Ulysse fin de siècle se poursuit au travers de la collection du même nom qu’édite Daniel Legrand. Celui-ci affirme avec François Dominique et Jean-Michel Rabaté, ces rebelles philosophes qui ont réussi à prouver que l’acte d’éditer est un engagement complet et exemplaire, le souci d’une continuité, dans la « communauté de vues et d’intentions », et surtout dans « l’attention soutenue portée au livre en tant qu’objet ». Car, comme il l’explique très bien, « il ne s’agissait pas de ne faire que de beaux ouvrages, mais aussi de porter témoignage du franchissement des limites qui séparaient la littérature et la poésie des autres arts ».
On voudrait tant qu’en ces temps étriqués, ces limites, loin de tout dogmatisme, soient plus souvent franchies !!
Ulysse fin de siècle, vers et proses , éditions Virgile, 20€