Lucie Taïeb | Orso

Orso m’a dépecée, aussi, ses dents étaient pointues. Elle s’est penchée – mon visage – sur mes blessures et les a pansées, dit-elle. Sur le papier, une encre. M’entourant comme duvet. Plumes de l’oiseau-deux-ailes, effaçant la marque des crocs, refermant l’obscène. Un sang n’est jamais pur (lorsqu’il s’écoule). La retenue n’est jamais suffisante. Elle détourne le regard mais maintient proche : la main. Par une lettre arrivée aujourd’hui. Par une deuxième lettre arrivée aujourd’hui. Lettres sÅ“urs, (botte de foin et Clairsemée). De lumière, dis-je àmon amies. Et de soin, me répond-elle silencieuse, une main fraîche et l’autre qui apaise. Nous serons làtoujours, dit-elle, sans t’appartenir. Que m’importe ce qui appartient, lui dis-je, Orso m’a dépecée, tu t’es penchée sur ma blessure, tu l’as pansée de ton visage et de tes mains, tu m’as écrit au jour le plus tranchant, tu as émoussé ma plus tranchante peine, et je ne saigne plus, regarde. C’est notre miracle, dit-elle. C’est notre miracle, lui dis-je.

13 février 2015
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