Mai : Personnage, fiction, roman
Une chronique mensuelle de Frédéric Lefebvre en hommage à Pierre Pachet.
Mai 1992. Une feuille de programme de la « Revue parlée » du Centre Pompidou à Paris. Une de ces feuilles volantes qu’on peut prendre au guichet d’information au rez-de-chaussée. Elle annonce une soirée conçue par Pachet, intitulée Quelques personnages [1]. Il la présente lui-même :
Voici ce que je prévois pour le 11 mai. Quelques personnages devrait être une soirée courte : une petite heure, peuplée par une dizaine de textes, chacun faisant parler un personnage qui sortirait du noir pour venir s’expliquer, face au public, sur ce qui le fait être tel qu’il est, sur l’idée qu’il se fait de sa singularité. Deux comédiens, un homme et une femme, liraient l’un après l’autre ces monologues, et auraient donc à incarner successivement plusieurs personnages.
Et Pachet ajoute : ces personnages « ne dialogueraient pas, mais mon espoir est qu’entre leurs diverses positions individuelles se révélerait un espace commun, et qu’on sentirait dès lors entre eux des possibilités de malentendus, de conflits, de divergences, et le partage d’une même énergie pour être soi ».
Les comédiens s’appellent Catherine Dasté et Christophe Allwright.
Il est prévu que Claude Mouchard, écrivain et universitaire, ami de Pachet, vienne ensuite sur scène pour réfléchir sur cette lecture à haute voix.
« Venir s’expliquer ». Et non pas venir se raconter – ou raconter.
On pense à Liouba Mourjenko, dans cet appartement de la banlieue de Moscou en 1982, quand Pachet et Soizic sont venus rencontrer les proches de deux dissidents. Son mari, Alexeï, est emprisonné dans un camp dans l’Oural. Pachet voudrait en savoir plus sur lui. La question semble dérouter la jeune femme : « Qui il est ? Oui, quel genre d’homme ; essayez de le décrire, de nous permettre de faire connaissance avec lui. Tous les hommes ne sont pas les mêmes, ne se retrouvent pas par les mêmes voies dans la même situation. Quelles études, quel métier, quel caractère [2]. »
L’autre femme présente, Pelagia, parle « sans distance » de son fils Iouri, faisant entendre une « plainte essoufflée ». Mais Liouba veut « être sûre d’avoir bien compris la question » ; Anna, la femme qui les accueille, doit intervenir, tenter de convaincre Liouba : « Alors, silencieuse, intimidée, rougissante, elle demanda à réfléchir. Et pendant que Pelagia parlait, l’écoutant à peine, revoyant le cahier sur lequel elle avait écrit déjà, avant de venir, elle préparait ce qu’elle allait dire. Son silence était bon, plein de dignité, de sérieux, et d’amour. Comme si elle avait voulu reprendre la mesure de ce qu’est la vie d’un homme [3]. »
On pense à Jonathan Barnes, Gisela Striker, Myles Burnyeat, etc., ces collègues universitaires à Oxford, où Pachet assiste à un séminaire d’études grecques (en 1979). Pachet prend des notes, rédige ce qu’il appellera plus tard des « croquis » [4].
Sur la prise de parole. Pachet remarque une façon de faire commune aux universitaires formés à Oxford. C’est un « art de prendre la parole sans faire violence à quiconque », une façon d’intervenir dans le débat en s’appuyant sur un certain son, « un "am" caractéristique » : « Le "am" annonce ce qui va suivre, donne le temps de s’y préparer, c’est aussi un geste de courtoisie, qui demande permission aux autres de prendre la parole, en les assurant qu’on a pris suffisamment de soin pour préparer ce qu’on va dire. On ne fait pas irruption dans le débat, on frappe …’ "am" …’ avant d’entrer [5]. »
Les portraits – physiques, moraux, intellectuels. Celui de Barnes : « Jonathan Barnes […] est habillé légèrement, coquetterie ou absence de frilosité (passion ?) ; et si c’est coquetterie, c’est aussi style, qui se montre avec bonhomie comme la recherche du style ; il dit, un soir au pub, avec les étudiants trop proches et des vitrines remplies de centaines de bouts de cravates régimentaires ou scolaires : "Il faut un langage avec panache, mais sans pédanterie" ; et le dire, avec un bon rire jeune ! [6] »
Celui de Burnyeat : « Myles affiche son origine populaire, ses mains rouges d’ouvrier aux ongles courts et sales, ses pull-overs troués qui ne font pas étudiant, sa chevelure, sa bouche de footballeur anglais, incurvée à contre temps en son milieu. Il y a en lui de la force, on s’écarte quand il intervient, par confiance que s’il le fait, et s’il insiste, c’est qu’il a décelé dans ce qui vient d’être dit une faille, "a flaw", une paille qui va permettre, lui permettre, de remonter à l’origine du malentendu. » Pachet pense à la foule d’un match de football à Manchester : « la passerelle de fer menant au stade, les inscriptions à la peinture noire sur les murs de briques, la foule qui déferle joyeuse, les policiers à cheval », etc. Puis : « Myles Burnyeat transporte cela avec lui, il pose sur la table devant lui quand il va parler une immonde valise de carton pâle de fatigue qui contient ses livres, sa richesse à lui. Il doit savoir qu’il est brillant, qu’il est boursier, qu’il est admiré et aimé […]. Il brûle [7]. »
Ou bien on pense aux poètes français réunis à l’Université Paris VII (où enseigne alors Pachet) pour une journée autour de Rimbaud (en 1984). Pachet présente les travaux publiés et veut rendre compte aussi de la présence de ces cinq hommes dans cette « salle austère », sur « un campus universitaire qui n’est pas d’une grande beauté ». De leur présence et de leur différence : « les différences mêmes entre leurs voix, leurs façons de parler, le rythme ou l’intonation de leur lecture ». Pachet rédige alors de brèves introductions « qui, en présentant chaque poète et son œuvre, veulent faire entendre à nouveau sa voix, son intonation, le rythme de sa parole et de sa pensée, et comme la situation de sa parole poétique dans le champ immense des possibilités de dire » [8].
Jacques Réda, par exemple : « Jacques Réda parle d’une voix sonore, avec un fond de rocaille dont il sait user, qu’il sait rendre par instants plus sensible, par exemple pour une inflexion plus moqueuse ou carrément parodique. D’autres cachent leur sensibilité ; lui a l’élégance de cacher son intelligence, discrètement et comiquement, sous ces inflexions rustiques [9]. »
Ou Michel Deguy : « Quand il lit ses propres poèmes – ce qu’il n’a pas fait cette fois-là – c’est comme précipitamment, avec pudeur. Mais son exposé sur Rimbaud, il le disait en argumentant, faisant entendre les italiques, les tirets, tout l’aspect démonstratif de sa pensée. Puis, par moments, cette accélération à nouveau, signalant une zone d’incandescence plus vive. Son Rimbaud est voué à l’ultra-rapide, ses éclairs faits de disjonctions et de recompositions que Deguy analyse patiemment, pédagogiquement. Puis à nouveau souffle sur lui une rafale d’impatience. Pensée rythmée s’il en fut [10]. »
Une série de personnes (de personnages) : une forme déjà éprouvée par Pachet.
Et des références littéraires importantes : Baudelaire – auquel Pachet a consacré un livre, Le Premier Venu – et les cinquante poèmes en prose du Spleen de Paris, où ce sont comme « différents visages du moi social qui se succèdent et dialoguent » (« La solution de Baudelaire est belle dans Le Spleen de Paris, de petits morceaux en série, avec entrecroisements, rencontres, retour provisoire de ce qui a été délaissé ») ; et Canetti, qui évoque, dans le deuxième volume de son autobiographie, ce que Pachet appelle « cette passion pour les paroles qu’on écoute, pour ces "masques acoustiques" si singuliers auxquels toute la sensibilité se donne » (Le Flambeau dans l’oreille), et qui compose un livre fait de cinquante brefs « caractères », cinquante « personnages qui défilent », où chacun, « enfermé dans la pose particulière de sa parole, d’où découlent ses gestes et son mode de vie, ne fait que réagir à sa façon » à une situation qui « nous est […] commune : celle du monde contemporain comme grand pandémonium de paroles » (Le Témoin auriculaire, traduit en 1985) [11].
2.
Henri Thomas, Un détour par la vie. Un roman de 1988. Un des livres de Thomas que Pachet apprécie et commente bientôt dans une étude. L’histoire, qui se déroule dans l’avant-guerre et la guerre, d’un personnage appelé Henri Blécher, qui « partage », dit Pachet, « des traits biographiques avec Thomas, lui aussi fils d’institutrice dans les Vosges ». Le personnage quitte Strasbourg et abandonne ses études auprès d’un professeur de philologie, pour Paris, où il vit une aventure avec Laetitia, une étudiante roumaine, qui rédige une thèse. Les romans de Thomas sont « indiscrets », dit Pachet, au sens où ils attirent « l’attention sur les secrets que chaque vie enveloppe instinctivement » ; ils « reviennent sur des choses tues et qui font mal, sans doute au romancier lui-même » (dans Un détour par la vie, c’est le rapport difficile de Blécher avec sa mère veuve, le deuil de son père, peut-être une vision morbide de prisonniers allemands de la Première Guerre mondiale déterrant des cadavres). Mais ces romans sont aussi « discrets » : « ils atténuent délibérément leurs effets, se soucient peu de souligner leurs délicates trouvailles, laissant au lecteur la peine et le mérite d’en découvrir la valeur » [12].
Pachet s’intéresse aux procédés littéraires de Thomas : comment il mêle « fictif et réel », roman et témoignage (par exemple, Le Parjure, le premier livre de Thomas lu par Pachet, est à la fois « roman » et « esquisse biographique révélatrice » sur le critique littéraire Paul de Man, dont Thomas transpose l’histoire du « parjure » (au sens américain du terme, perjury : de Man, professeur aux États-Unis, a « omis de dire la vérité » sur sa vie en Europe pendant la guerre, sur sa participation à un journal collaborationniste, de même que le personnage du Parjure omet de dire qu’il est déjà marié). Ou bien comment Thomas intervient dans son roman (Un détour par la vie), faisant soudain « surgir la figure de "l’auteur" » dans la narration, dans l’histoire. Pachet cite Thomas : « Laetitia est en danger, l’auteur n’en veut plus, il l’a jetée aux mains de l’ennemi. » Puis il commente : « L’écrivain regarde son personnage, il se dédouble encore pour se regarder dans son personnage de romancier, et constate avec un détachement sans joie sa capacité à se détacher », etc. Ainsi, Pachet traque les signes, les « amorces », ce qui lui semble être une « allusion voilée » (dans une phrase du roman, il voit une allusion « à l’énigmatique écrivain juif roumain Max (ou Maurice ?) Blecher », publié par Maurice Nadeau) [13].
C’est aussi qu’il s’intéresse à la singularité de Thomas, qui est à la fois romancier et universitaire (même brièvement : « il a […] un peu enseigné dans une université américaine »). Thomas, tout en exprimant sa « méfiance à l’égard de ceux qui prétendent "enseigner la littérature" », montre pourtant une proximité avec l’université : d’une part, « ses travaux de critique ou d’histoire littéraire apportent toujours quelque chose de neuf, d’exact, de précis – et pas seulement la finesse d’appréciation d’un écrivain » ; d’autre part – relation « plus intime, plus romanesque », dit Pachet –, ses intrigues et ses personnages appartiennent souvent à ce monde, ou ne le quittent pas facilement : Blécher tombe finalement amoureux d’une jeune fille qui « travaille sur Tristan Corbière » et rédige un mémoire (de même que dans Le Parjure et Le Gouvernement provisoire, des personnages sont universitaires ou « travaillent souvent en bibliothèque »). Commentaire final de Pachet (qui se présente lui-même comme « universitaire »), méditant sur cette « étrange proximité avec le sérieux, le calme, la gravité un peu ridicule du travail universitaire, si attirante pourtant… » : « Les intrigues de certains récits de Thomas disent qu’on n’en finit pas aisément avec l’espoir d’un savoir authentifié, d’une parole guidée, dont on ne serait pas seul à soutenir – en tremblant – les assertions [14]. »
Pachet n’est pas romancier. Il vient de publier un monologue fictif de son père, sous l’appellation « roman » (Autobiographie de mon père) ; mais depuis ses débuts il a envisagé son travail d’écriture comme celui d’un essayiste, un « phraseur » ou un « moraliste ». Avec un problème particulier à résoudre, qu’il expose au début des années 1970 : « ces phrases qui me hantent et viennent se proposer à mon choix sont […] des phrases entendues plus que des phrases inventées » ; ainsi, dit-il, « n’ayant pas comme le romancier, ou l’auteur de dialogues, la ressource d’attribuer à Tel ou Tel les phrases qui lui reviennent, il me faut tout prendre à mon compte, au prix d’une constante dissimulation » ; le problème ne se poserait pas de la même manière s’il était diariste : « si j’adoptais la forme du journal intime ou de bord, me servant du temps comme d’un garde-fou, je pourrais tendre à une plus grande vérité et mieux distinguer ce qui m’est donné de ce que je rends ». Réfléchissant aussi sur la notion d’« enregistrement, de « notation », sur cette pratique ou cette forme littéraire consistant à laisser derrière soi des « notes matérielles et périssables » (il s’y refuse alors), il envisage au contraire, dans le « monologue » de son père malade, la « maturation d’un style sans reprises, pure perte de substance cérébrale, qui ne pose de jalons ni ne se construit mais va par réaction en sens à peu près inverse de son échappement » (c’est la dernière partie d’Autobiographie de mon père, ce sont les toutes dernières pages) [15].
Quant à la réflexion sur le genre au sens large (littérature, roman, fiction), Pachet la place alors volontiers sous le signe des Grecs anciens : Homère, Platon, Aristote. Platon est un maître de la fiction (même si Pachet n’emploie pas alors le terme) ; les personnages de ses dialogues : « réels ? imaginaires ? », se demande-t-il ; est-ce qu’ils « ont existé et ont effectivement parlé », ou est-ce que « Platon, au contraire (mais ceci n’exclut pas cela), les a fait sortir de son imagination » ? Et Aristote fournit les « distinctions » nécessaires – et peut-être suffisantes ; Pachet cite l’historien Paul Veyne paraphrasant Aristote : « l’historien et le poète ne diffèrent pas par le fait qu’ils font leurs récits l’un en vers et l’autre en prose […], ils se distinguent au contraire en ce que l’un raconte les événements qui sont arrivés, l’autre des événements qui pourraient arriver » (en d’autres termes, ce sont les catégories du réel et du possible, soumises à des critères différents : le vrai ; le vraisemblable) [16].
Quand Pachet discute ensuite des romanciers (Camus, Faulkner, Gombrowicz, Grossman, Handke, Hugo, Mailer, Mishima, Musil, Nabokov, etc., jusqu’à Henri Thomas et Naipaul, à la fin des années 1980), ou quand il lit les linguistes, les théoriciens de la lecture et de la littérature, les critiques, il ne semble pas s’écarter de ces distinctions ou de ces catégories d’origine. Ainsi, les notions grecques fondamentales sont aussi les nôtres : mimèsis (« imitation », représentation) ; muthos (« récit », « conte invérifiable ») ; lekton (« ce qu’on veut dire ») ; pathos (pathétique – le mot grec est souvent employé tel quel) ; poiètès (créateur, « écrivain » – « pour prendre un terme moderne », dit Pachet) ; catharsis (« purgation ») [17]. Pachet se place, en gros, dans « la tradition représentative et mimétique de la littérature », qui « entreprend de restituer, de peindre, d’exprimer des éléments présents dans la réalité contemporaine » (à la différence du « genre fantastique », auquel il se dit « ordinairement rétif »). Platon, contrairement à ce que peut faire penser une lecture rapide (ou une tradition d’interprétation), n’exclut pas le poète « mimétique » (l’écrivain) de sa cité idéale : dans un certain contexte, il fait dire à son « personnage de Socrate » (qui est à lui-même ce que le personnage de « Marcel » est à Proust, dit en substance Pachet) que « dans cette cité, un homme capable "de se prêter à tout, et d’imiter toutes choses" n’aurait pas sa place, parce que ses poèmes nuiraient à l’éducation des guerriers capables de maintenir la cité dans son état le meilleur ». Et Aristote, ou plus précisément un « faux Aristote » après lui (qui ajoute quelques pages à la Poétique), fonde la tradition qui veut que « l’homme de génie », le « créateur », soit au fond un « mélancolique » (ce n’est donc pas un thème de l’époque romantique – un thème qu’on pourrait croire en effet, dit Pachet, « inventé vers 1815 ou 1820 ») [18].
Les notions et les mots de « littérature », de « fiction », de « roman », évidemment plus modernes (Pachet fait remarquer que le mot « fiction » n’était pas employé dans les années 1940 et 1950, qu’il s’est répandu dans les années 1960), ne remettraient pas en cause ces notions anciennes. Pachet essaie en particulier de clarifier la notion de fiction (il s’appuie sur l’usage en anglais, qui distingue mieux « fiction » et « non-fiction », tandis qu’il n’y a pas de contraire de « fiction » en français). La fiction n’est pas un mensonge : « l’auteur de fiction ne ment pas » ; c’est une « feinte », il est question de « feindre » ; l’auteur, éventuellement le comédien sur une scène, le narrateur, le lecteur feignent ensemble ; c’est « un ensemble de conventions », dit le linguiste John Searle (cité par Pachet). Pachet cite encore une phrase de Searle : « Si l’auteur d’un roman nous dit qu’il pleut dehors, il n’adhère pas sérieusement à l’idée qu’il pleut dehors au moment où il écrit. » Et il cite aussi celle-ci, qu’il médite, qui a son importance : « En gros, c’est aux lecteurs de décider si une œuvre est ou non de la littérature, alors que c’est à l’auteur de décider si c’est ou non de la fiction [19]. »
3.
Un entretien important, au début des années 1990 (dans La Quinzaine Littéraire). Pachet fait le point sur son dernier livre, Les Baromètres de l’âme, sur la naissance du journal intime au tournant du XVIIIe et du XIXe siècle ; et aussi sur son désir de fiction.
Un « livre privé », dit Pachet, à propos des Baromètres de l’âme. Michel Chaillou lui avait passé commande d’un livre sur « La douleur de l’intime » ; il devait porter sur le journal intime et la correspondance ; finalement c’est un livre sur « la naissance de cette forme » – qui rappelle aussi le sens du mot : « est intime ce qui est au plus profond, ce qui est plus intérieur que l’intérieur même » (le mot latin d’origine est au superlatif). C’est une invention simultanée qui intéresse Pachet, « chez des individus qui s’ignorent mutuellement » ; Maine de Biran, Benjamin Constant, Stendhal, Amiel sont parmi les fondateurs. L’objectif de Pachet : étudier dans cette forme d’écriture « la nécessité où nous sommes d’être des individus, c’est-à-dire de nous arracher au fond commun, de nous rendre dissemblable de notre semblable » [20].
L’individu dont traite ce livre, c’est « l’homme moyen moderne ». Dans cette conception (dont Pachet voit l’origine dans une certaine pensée religieuse, le nom de Fénelon joue ici un rôle important), l’individu ou le « moi » est « essentiellement inconsistant et inconstant », et « inscrire le travail sur soi dans l’ordre des jours » devient une nécessité. Un double sentiment commun à ces premiers diaristes : le « rien intérieur », « l’inconsistance atmosphérique de l’homme intérieur », son « impalpabilité » ; et la « variabilité sans règle », le « renouvellement », l’« inconstance » de l’homme et de son esprit. L’idée aussi que le sujet « est "un autre" pour lui-même », que « le rapport de soi à soi […] n’est pas spontanément donné » ; l’écriture du journal, cette façon d’« extérioriser pour soi » (ou « pour un cercle d’intimes ») ce qui est non pas « intérieur » mais « intime » (la distinction est chez Vigny), c’est un moyen pour le diariste, par l’opération de relecture en particulier, d’être « relié à lui-même par son langage » [21].
Stendhal se distingue dans cet ensemble, au point que Pachet se demande s’il n’y a pas un « malentendu » à le ranger dans cette étude (« il est d’une autre espèce que les diaristes »). Car lui a un vrai problème de protection de son intimité : longtemps militaire, il a des « indiscrets » autour de lui (il n’a pas une « maison de famille », il n’est pas dans « le stéréotype de l’homme public […] aspirant au repos », comme Maine de Biran, par exemple). D’ailleurs, il n’écrit pas son journal en continu (mais plutôt à l’occasion d’une « préoccupation », d’une « situation » temporaire) : il lui faut un « thème », il semble répugner « à tenir un journal sur rien ». Pour lui, c’est aussi un « laboratoire » de l’écriture, du « style », dit Pachet : « il s’est exercé au long de ses journaux à trouver le ton juste, à inventer la désinvolture et le négligé, le naturel » ; Stendhal cherche ce qu’il appelle parfois la « sténographie » – une « écriture assez rapide et assez déliée pour capter la grâce naturelle », dit Pachet [22].
L’analyse va plus loin : Stendhal est vraiment différent, dans ce que Pachet conçoit comme la combinaison d’un « espace » et d’une « parole ». Il prend l’exemple de Maine de Biran dans les premiers temps de son journal, encore plein d’« inexpérience », de « raideur » : « Au lieu de parler franchement et directement à son journal […], Maine de Biran, gêné comme la première fois qu’on a à parler devant un magnétophone, lance une parole trop forte, qui se justifie trop, comme si des lecteurs cachés demandaient qu’il les apostrophe. » Puis il trouvera son ton de « sérieux » (comme une parole moins forte). Avec Stendhal, le problème est différent : il y a les « indiscrets » ou la « surveillance » autour de lui, mais il y a aussi « l’opinion » (l’opinion publique) ; dans son « irrépressible besoin » de « dire le vrai », son désir de lever les « obstacles » à la « sincérité », « en lui et hors de lui », Stendhal voudrait s’adresser à « des êtres dont il ne connaît ni ne peut imaginer le visage et les pensées », dont il ne connaîtrait pas les « préjugés » (Pachet commente ici une page de la Vie de Henry Brulard, où Stendhal voit un encouragement à être « vrai » dans le fait de s’adresser à un lecteur du futur). L’analyse de Pachet réunit plusieurs thèmes qui lui sont chers (dont la critique d’un usage dégradé du mot « opinion », pour désigner ce qui est en réalité son contraire : « une réserve de force ou de violence », muette, qui voudrait « abolir toute parole ») :
Ce que Stendhal découvre […] équivaut à un renversement complet de perspective par rapport à l’opposition entre le privé et le public. Sa parole privée, s’essayant dans les cahiers […], ne chuchote pas, comme le fait celle de Maine de Biran ou d’Amiel. Elle sonne, appelle, interpelle, dans un espace libre et net, bien que parcouru de regards et de voix. En se cabrant, en se ressaisissant et se reprenant, elle libère l’espace où elle sonne, elle le désencombre. Car ce qui obère l’espace de la parole n’est pas que d’autres pensées y vivent, mais que ces pensées puissent être anticipées, qu’elles soient connaissables et surtout qu’elles coagulent en ce pouvoir de l’opinion dont Stendhal, à l’orée du XIXe siècle, commence à sentir le poids [23].
Et Henri Thomas, Naipaul – du côté de la fiction, du roman.
Thomas et ses romans – eux aussi sont « indiscrets », « font entrer dans une zone de la vie que chacun garde pour soi » ; ainsi, « la fiction du Parjure allait au plus intime, montrant une vie coupée en deux, un homme qui fuit sa propre vie, thème essentiel du romancier » (ce récit, situé aux États-Unis, Pachet l’a lu après son propre séjour aux États-Unis dans les années 1960, et il lui a semblé que ce livre savait mieux que lui ce qu’il était « allé y chercher »). Des romans caractérisés par « leur instabilité, leur légèreté » : « Leur construction n’est jamais massive, elle doit pouvoir toujours laisser place au caprice, à l’incertitude. À peine des chapitres, plutôt des pauses, des re-départs, des réorientations légères. Ou, en termes de contenu : pas de longues analyses psychologiques, de descriptions étendues, mais un fil qui serpente, des plages de vision vite emportées (même si plus tard elles reviennent, donnant au récit sa cohérence fine, sans la figer) [24]. »
Les romans de Thomas n’expliquent pas, dit Pachet (« Ils ne cherchent pas à expliquer, ni à tout dire »). Ceux de Naipaul, au contraire, que Pachet lit maintenant assidûment, sont proches de l’« investigation » (et peut-être de plus en plus proches de l’essai, comme Naipaul l’évoquait à propos de son « maître » ou « grand devancier » Conrad, dans une étude mentionnée par Pachet : Conrad – dit Naipaul – a peu d’imagination, il analyse plus qu’il ne raconte, la fiction n’est pour lui qu’« un vernis appliqué sur les faits », telle nouvelle est en réalité un « essai romancé ») [25].
Naipaul, dans L’Énigme de l’arrivée, racontant sa propre installation dans la campagne anglaise et ses difficultés d’écrivain, raconte d’abord comment il croit arriver dans un « univers stable », lui qui vient d’un « monde instable, en pleine mutation » (l’ex-colonie Trinidad), avant de comprendre son erreur : « il découvre et nous fait découvrir peu à peu que ce monde rural et résidentiel de la campagne anglaise est, comme tout monde humain, habité par la mort, par le changement et l’instabilité ». Dans la première partie du roman, en particulier, Naipaul montre comment les paysages, les techniques agricoles, les gestes, etc., changent et disparaissent – de même que les personnages de Jack, Pitton, Bray, etc., d’abord aperçus comme des silhouettes dans un paysage (Pachet cite une phrase du roman : « Jack n’avait été d’abord à mes yeux qu’une silhouette dans le paysage, rien de plus »), gagnent peu à peu en complexité, mais aussi en « individualité », qui n’est pas une « réalisation » mais un « effort tâtonnant » (l’individu n’est pas « une somme, un total », plutôt « un reste », dit Pachet). Les personnages du roman, qu’ils soient des « petites gens » comme Jack, Pitton, etc., ou des « figures » qui ont a priori « plus d’importance sociale », comme le propriétaire du domaine où le narrateur-Naipaul loue un logement, sont décrits dans la même instabilité : les uns doivent « se faire, s’imposer et apparaître à leurs propres yeux dans la confusion de choix sans clarté » ; les autres sont saisis « dans un état de décadence, de désagrégation caractéristique ». L’individu, comme le suggère aussi le « travail sur soi » de Naipaul, raconté également dans le livre, « c’est ce qui se donne à soi-même dans l’étonnement, dans une surprise ». Où l’on retrouve (exprimées autrement) les notions d’inconsistance et d’inconstance étudiées par Pachet dans les journaux intimes : « L’individu selon Naipaul semble compact et, en un sens, impénétrable à force de densité. Mais c’est qu’il est constitué d’un noyau qui, lorsqu’il "prend" vraiment, ne comporte presque plus de matière. Je veux dire qu’il ne cesse de devenir autre que ce à partir de quoi il s’est formé, et presque autre que soi-même [26]. »
La leçon est une leçon de « psychologie » : « dans le cadre défini par Naipaul il s’agit d’autre chose que de la souffrance du "moi" », dit Pachet ; il ne s’agit plus seulement « de la confrontation entre les personnes, de ce qu’elles croient être au regard d’autrui et de ce qu’elles imaginent qu’autrui est » ; mais d’une sorte de confrontation plus abstraite : Naipaul fait voir chaque personnage-individu « confronté brutalement à une idée en quelque sorte abstraite par définition, dépourvue de contenu en tout cas, à un devoir-être effrayant qui pèse sur chacun » (le premier chapitre du livre Un à un, où Pachet réunit ces réflexions sur Naipaul, est intitulé « Être seul à être soi »). C’est le problème de l’individu moderne, tel que Pachet le reconstitue, l’interprète (par l’histoire, la sociologie, la psychologie, la littérature) : « un individu qui prend seul en charge la charge d’être » [27].
Leçon de littérature ? Modèle à imiter ? Désir de fiction ?
Sans doute pas un désir de journal intime, comme Pachet l’explique dans l’entretien donné à La Quinzaine Littéraire : « je ne suis pas assez concentré sur moi-même, sinon de façon successive et temporaire » [28].
Mais avec Naipaul, une inflexion : « Il me sert à ajuster ce que je peux attendre de la littérature [29]. »
Pachet exprime son désaccord avec Kundera (L’Art du roman), qui rejette les biographies d’écrivains et associe étroitement l’esprit du roman à l’esprit de l’humour : « Il se comporte en idéologue de la littérature qui élabore une contre-doctrine, au lieu de se soumettre à ce qu’il lit » (Pachet lui reproche d’oublier les larmes, dans l’anecdote sur Kafka « riant aux larmes en se lisant devant des amis »). Avec Naipaul, au contraire, et en se retournant sur ses propres livres, Pachet est d’accord : « il m’indique une dimension de fiction, de projection dans le possible à laquelle j’aimerais pouvoir accéder. De quoi j’ai peur, Le Voyageur d’Occident, Autobiographie de mon père, m’amènent à imaginer que ce n’est peut-être pas inaccessible [30]. »
4.
Quelques personnages est un texte de fiction. Ou bien il se présente comme tel.
Après la soirée de lecture au Centre Pompidou, en 1992, le texte, peut-être remanié, est publié dans la revue L’Infini. Chaque monologue est introduit par la description codifiée du personnage : « Homme, la soixantaine, tailleur » ; « Femme, la cinquantaine, professeur de lycée » ; etc. [31]. Pas de nom ou prénom.
Huit monologues (quatre hommes et quatre femmes).
Quelques personnages est-il conçu seulement pour la scène (ou la radio), pour être lu à haute voix (ou dit, joué) ? Et donc pour être entendu ?
Ce qui est sûr, c’est que Pachet l’a publié.
Et il n’y a peut-être pas de différence, pour lui, entre lire et écouter, lire et entendre (lire en silence, mentalement).
D’ailleurs, la lecture silencieuse implique les cordes vocales, fait-il remarquer : « on ne lit ni avec ses mâchoires, ni avec sa langue, ni avec ses ongles » ; mais avec « les organes de la voix », qui sont « mobilisés sinon vraiment actifs » [32].
Un exemple de la façon dont Pachet aborde ce sujet. Il évoque Canetti (qu’il commente régulièrement à partir de la fin des années 1970). Il s’interroge, lisant Le Territoire de l’homme (un recueil de réflexions), sur l’effet de cette lecture. Il lui semble qu’on peut lire ce livre comme un « recueil d’aphorismes », sans se soucier de leur « liaison ». Mais les phrases cochées par Pachet semblent agir : elles « ont voulu se rejoindre, parler de leur origine commune », dit-il. « Comment nommer ce qui se trouve ainsi indiqué : un tout ? une "personnalité" ou une "voix" ? » Puis Pachet s’intéresse au style, ou plutôt au « ton » de Canetti. Dans un des essais réunis dans La Conscience des mots, il estime que Canetti « trouve le ton d’extraordinaire simplicité qui sera ensuite celui de ses mémoires » ; dans un autre, Canetti semble « s’effacer » derrière « ce qu’il rapporte » ou « celui qu’il cite », pourtant « on y entend surtout le ton de sa voix écrite » – et Pachet précise, qualifie ce ton : « le choix scrupuleux des mots, le goût d’une densité sans éclat, exactement délimitée, proche de la pensée commune mais ne la laissant pas en repos » [33].
Un autre exemple : Pachet évoque la « pratique de la lecture » de Claude Lefort. Quand il étudie un discours de Robespierre à la Convention (un exposé oral, à l’origine), Lefort naturellement « lui prête voix pour se le faire entendre », il « le scande pour reconstituer l’effet oratoire ». Mais Pachet pense que Lefort va plus loin et généralise ce « théâtre intime de la lecture ». Dans une étude sur un pamphlet de Sade (Français, encore un effort si vous voulez être républicains), Lefort développe une conception oratoire (orale ? jusqu’à quel point ?) de la lecture. Pachet cite les mots de Lefort : « interprétation sensible », « mettre le ton ». Et il commente, semblant faire sienne la conception de Lefort : « il y a […] une parole à faire ressurgir du texte » ; lire l’écrit, « c’est aussi incarner, prêter voix à ce qui veut la vôtre, recréer des circonstances et un ton » [34].
Ou bien, un peu plus tard, à propos de Georges Perros (mort alors depuis une vingtaine d’années). Perros est cet ancien comédien qui « a fait du théâtre un instrument de connaissance, par l’audition des textes, l’observation des coulisses, l’exercice respiratoire ». Perros lit à haute voix les textes littéraires qu’il commente avec ses étudiants, à l’université. Ce faisant, dit Pachet, il fait entendre « le ton de la voix » propre à chaque écrivain. Il matérialise – il extériorise – une écoute, au sens propre du terme, qui a lieu aussi dans une autre pratique, la lecture silencieuse, mais au sens figuré, immatériel : en lisant pour lui, en silence, intérieurement, des auteurs, Perros « les écoute et les regarde », dit aussi Pachet [35].
Dans Quelques personnages, on entend – au sens figuré, intérieurement – un certain ton, une certaine voix. Quelque chose de commun aux monologues.
On peut aussi évidemment les lire à haute voix pour soi-même. Ou on peut imaginer Pachet les lisant, avec cette voix singulière, grave, remarquable – métallique, lui dit-on, mais il n’est pas tout à fait d’accord [36].
Quoi qu’il en soit, on entend – dehors, dedans – une unité [37].
5.
Quelques remarques sur les protagonistes de Quelques personnages. Comment chacun d’eux, en prenant la parole (dans la lecture à haute voix) ou en se faisant narrateur (dans le texte écrit), tente de s’expliquer – en se racontant, si nécessaire.
Deux sont des professeurs dans le secondaire ; un est « animateur culturel » ; un employé ; un artisan (le tailleur) ; trois femmes sont sans profession (ou retraitées). Deux ont « la trentaine » ; la plupart « la cinquantaine » ou plus [38].
Les définitions qu’ils cherchent pour s’expliquer à eux-mêmes leur façon de vivre et de sentir – « Chaque individu se distingue d’un autre de son espèce par la manière fondamentale dont il sent sa vie », dit Maine de Biran (cité par Pachet) –, ces définitions ont quelque chose d’abstrait, de philosophique ; réunies, elles ressemblent à une liste de sujets des Propos du philosophe Alain, par exemple : « impatience », « honnêteté », « paresse », « dévotion active », « emprunt », « inconsistance », « curiosité » (Pachet admire Alain, il a eu un de ses élèves comme professeur en khâgne). Mais la démarche est d’abord concrète : c’est une description – une auto-description – de quelques cas (dans un registre qui ressemble alors parfois à celui de la médecine : « J’ai peut-être une maladie du moi, une inconsistance essentielle », dit l’un des personnages – avant de se rétracter un peu plus loin : « peut-être n’est-ce pas une maladie du tout »). C’est une gymnastique intellectuelle qui va et vient du concret à l’abstrait, du particulier au général ; en empruntant des raccourcis, en passant rapidement de l’un à l’autre : « Une vie, ou plutôt ma vie », dit l’un des personnages ; « Je vais à contre-courant de l’époque », dit un autre [39].
Il y a un effort, une tentative, une progression marquée : « si je veux rendre clair ce que je vise là, je dois en dire plus » ; ou bien : « Ce n’est pas exactement cela », suivi un peu plus loin de : « Ce n’est pas encore cela ». L’objectif, ce sont bien des « explications ». C’est le vrai : « à vrai dire », « Mais la vérité est que » [40].
Cette démarche est celle de Pachet. C’est d’abord lui le « psychologue amateur », comme il se définit volontiers. Mais parfois cette démarche de progression presque méthodique semble en affinité avec le personnage évoqué. Le personnage de « Femme, la cinquantaine, professeur de lycée » a une histoire personnelle, qu’elle évoque, faite d’enfance, d’école, d’un lieu « entre ombre et soleil », puis d’un éloignement physique et d’un sentiment de détachement, d’être « séparée » : « Quel est le sens de la force qui me poussait à m’écarter des autres […] ? » Et c’est son histoire ultérieure, sa volonté de « faire revenir » le souvenir, les choses, qui rendent possible, vraisemblable, sa démarche de personnage : « A présent je peux me dire ces choses-là, y penser. La passion de mon enfance s’est rapprochée de moi, et c’est elle que je rencontre lorsque me reviennent ces souvenirs hallucinés de rues au soleil, d’odeurs flairées au long des rues [41]. »
Tandis que pour la « Femme âgée, retraitée », la situation semble plus artificielle – et Pachet le reconnaît, en joue, souligne cette artificialité (cette fiction). Cette femme avait un esprit « vif, méthodique », un « don » pour les études, mais sa vie de femme mariée l’a conduite ensuite à se dévouer – « je me suis beaucoup dévouée » –, à « être utile ». Le personnage qu’elle est ici s’interroge, au milieu de son monologue, sur ce changement de parcours : « pourquoi ou comment en suis-je venue à inverser, apparemment, l’orientation de ma vie ? » Mais elle reconnaît aussi – Pachet reconnaît – que ce n’est pas le genre de questions qu’elle se pose : « Curieusement, si je me pose la question (mais je ne me la pose jamais, je n’ai jamais eu de place pour cette question, cette hésitation), j’ai envie de dire qu’au fond je suis restée fidèle à mon élan initial [42]. » C’est la fiction qui veut que le personnage parle, réfléchisse de cette façon.
Ce sont deux exemples où la fiction et le réel se combinent, s’additionnent (comme dans les romans de Thomas). Le personnage de « Femme, la cinquantaine, professeur de lycée » tient en effet beaucoup de Soizic, la femme de Pachet. Certains aspects de son histoire et de son caractère, de son individualité hésitante, seront développés dans Adieu. La « Femme âgée, retraitée » tient beaucoup de la mère de Pachet (à laquelle il consacrera aussi un livre, où certains des aspects de ce personnage seront développés : Devant ma mère). D’autres proches, et Pachet lui-même, sont aussi derrière certains des personnages.
Y a-t-il des transpositions, comme celle que Pachet a envisagée avant de publier Autobiographie de mon père ? Face au changement de l’opinion vis-à-vis des Juifs, à partir des années 1970, face à ce qu’il appelle dans un entretien cette nouvelle « compassion massive », Pachet a envisagé de transformer le personnage de son père en Arménien (« pour me tenir à distance de cette chose-là ») [43]. Mais c’était trop compliqué.
Plus tard, à propos de l’écrivain juif roumain Mihaïl Sebastian, Pachet rencontrera un cas analogue : Sebastian a tenu un journal, dans les années 1930 et 1940, pour dire ses difficultés croissantes, l’ostracisme qu’il subit, avec l’antisémitisme de la société puis de l’État ; mais il écrit aussi dans le même temps un roman d’amour autobiographique (L’Accident), où « le mot "juif" n’est jamais prononcé ». « Quel repos ! », dit Pachet, qui s’interroge : « "Passer au roman", qu’est-ce ? Passer à autre chose ? Transposer ? S’accorder un répit ? "Sublimer" ? Transformer la douleur de l’abandon en rage, en énergie créatrice, en force de travail ? [44] »
Entre le journal intime et la fiction. Les personnages ici s’interrogent sur eux-mêmes, s’observent, se décrivent, tentent de s’expliquer leur individualité – comme les auteurs de journaux intimes étudiés dans Les Baromètres de l’âme. Et comme Stendhal en particulier (tel que Pachet analyse ses écrits intimes), ils parlent comme dans un espace ouvert, dégagé. C’est la condition (et la conséquence) de la sincérité. Ils semblent s’adresser à une humanité indéfinie, à un universel, au monde : « Je dis cela en confidence, au passage, à personne », dit l’un d’eux, vers la fin de son monologue (le premier, comme s’il s’agissait de poser une modalité commune, un mode d’énonciation valable pour la série). Un autre personnage (la « Femme âgée, retraitée ») médite sur l’exactitude et l’utilité qu’elle veut mettre dans ses actes, dans sa vie ; cette « exactitude », dit-elle, « c’est se prouver à soi-même que l’on est plus que ce qu’on est, c’est le prouver à personne en particulier, au grand témoin du monde » [45].
Ils sont sans orgueil – ou sans vanité.
Le premier, le tailleur impatient, qui a du mal à finir – « je vois la forme de l’objet (ou je crois la voir), son allure, son chic, et le travail de la finition soudain me pèse » –, cet homme qui a vite « hâte d’autre chose », termine son monologue par une méditation : « Je ne suis que périphérie. » Il ne sait pas, ne peut pas aller jusqu’à confectionner « un produit vraiment parfait » ; il prend le risque, il le sait, de « mécontenter » des clients en leur livrant des produits « de qualité un peu inférieure » ; mais il a surtout « peur de la tranquillité », il lui faut cette « course » permanente, alors il préfère multiplier les clients. Méditation finale, paradoxale, provocante : « On ne peut être qu’un individu, pas plusieurs. Pas tous les individus. […] Et quand on accepte pleinement cela, cela ne va pas sans grandeur. Une grandeur se révèle au sein de ce qui est partiel, limité, médiocre, dans le refus même de la grandeur. » Mais c’est une chose qu’il faut dire rapidement, sans s’appesantir : en poursuivant, « cela deviendrait complaisant » (vaniteux) [46].
Le sixième, celui qui se présente comme « un imitateur », dont les gestes « sont d’emprunt » : « Où que je cherche en moi l’authentique, je suis déçu : rien n’est de mon fonds. » Sa démarche, le geste d’enrouler une boucle de cheveux autour d’un doigt quand il est perplexe, sa façon de fumer, son écriture : tout est « copié ». Il voudrait être « quelqu’un que l’on imite », au contraire, mais il ne peut qu’imaginer l’allure de cet homme, de ce « double intérieur ». Méditation finale, qui est une hypothèse (une fiction dans la fiction) : l’hypothèse d’oublier enfin, dit-il, au moins pour un moment, « cette tension qui me gouverne et m’oblige à me conformer à un modèle » ; ce serait une forme de « plaisir » (modeste et élevé à la fois) : « Personne ne pourrait prévoir mes réactions, elles me surprendraient moi-même [47]. »
Ces personnages représentent donc – pour certains au moins – une sorte d’inconsistance ou une sorte d’inconstance. Ils disent autrement, dans la part de leur propos qui est d’explication, d’analyse, ce que Pachet dit par ailleurs dans ses essais ou ses études sur des auteurs (dans son travail d’universitaire, où il produit un savoir).
6.
Pachet expérimente, explore. La séquence temporelle au tournant des années 1980 et 1990 semble riche en tentatives, en explorations aux frontières. L’entretien donné à La Quinzaine Littéraire, puis les « Leçons de poétique » données à la Villa Gillet à Lyon (en 1995-1996, reformulées dans L’Œuvre des jours), n’en donnent qu’une idée incomplète.
Pachet semble se risquer aux frontières de la littérature, de la fiction, du roman, pour les éprouver.
La littérature. Pachet va lire tel livre remarqué par la critique pour sa « réussite d’écriture » ; c’est l’autobiographie de François Jacob, médecin et biologiste (La Statue intérieure). Oui, c’est une « belle histoire », dit Pachet, « de passion et de courage » ; et Jacob a sans doute voulu « devenir écrivain » (c’est ce que Pachet comprend, à certains « signes »). Mais ce n’est pas un bon livre : « trop de clichés, d’énumérations sans surprise, comme si une pellicule de style convenu et de pudeur séparait constamment le lecteur des événements qu’on lui raconte, des émotions évoquées » (de plus, dans la première partie du livre, les noms de la plupart des personnages sont remplacés par des initiales). Qu’est-ce qui ne va pas ? Jacob donne lui-même un élément de réponse : il vit « dans l’avenir, dans le projet » ; il se dit méfiant « à l’égard des souvenirs, de sa capacité à les évoquer efficacement » (Pachet le cite : « la mémoire ne restitue pas la vie et son déroulement ») ; il constate que la vie agitée, inquiète, du chercheur, devient dans son récit (dit-il) « une histoire froide et triste ». Commentaire de Pachet : « Ces aveux sont perspicaces, ils touchent paradoxalement à la littérature dans le moment où ils en disent l’impossibilité. La "statue intérieure" de François Jacob reste invisible, hors d’atteinte de ses phrases. Mais le lecteur la perçoit à distance, dans son retrait, orgueilleuse, exigeante, comme douloureusement raidie [48]. »
La fiction. Il y a les livres troublants et attirants de Thomas. Ceux de Rushdie (auxquels Pachet consacre aussi des études, dans Un à un). Ou ceux de Jude Stéfan (un ami de Pachet), poète mais aussi prosateur, qui semble disperser dans ses livres des « fragments d’une histoire de sa vie », « déformés » (« le nom de sa femme Édith est ainsi désigné-effacé » ; la « mort réelle du père », selon les termes de Stéfan, est évoquée dans un livre intitulé Faux journal). Ces fragments de « confidence », dégagés de leur « fonction documentaire », peuvent ainsi servir « de point de départ au jeu pervers de la fiction, qui à la fois trompe et dit qu’il trompe, mais sans vraiment détromper » – et qui est source de plaisir. Mais il faut être précis avec cette notion, dit Pachet, se méfier de son extension : ne pas suivre Nietzsche (Pachet le cite : « Le moi est devenu une légende, une fiction, un jeu de mots »), ne pas croire à cette conception « du moi comme fiction » (que Pachet rencontre, par exemple, chez le critique Pierre-Yves Pétillon). Oui, l’identité personnelle peut sembler « insaisissable », « fluctuante », mais elle n’est pas pour autant une « illusion » (« il existe des réalités qui, pour être difficiles à saisir ou à définir, n’en sont pas moins réelles ») [49].
Le roman. Il est nécessaire. Dans Lajja (la honte) de Taslima Nasreen, sur les persécutions de la minorité hindoue au Bangladesh, c’est l’image, la « trouvaille riche de sens », plus efficace que l’argumentation des « articles militants » : comme le personnage d’Oblomov (dans le roman de Gontcharov), le personnage de Suranjon entre en léthargie, envahi par le sentiment de « honte » (« la honte d’être persécuté, la honte d’être faible, la honte de voir les autres se comporter de façon inhumaine »). Dans Soir bordé d’or d’Arno Schmidt, c’est la fidélité au réel, à sa « simultanéité » : « le roman saisit à merveille […] le disparate des choses, le laisser-aller toujours surprenant, caractéristique de notre monde, la rencontre entre des plans de réalité d’origine et de qualité tout à fait hétérogène ». Mais le roman « court des risques », dit aussi Pachet. Dans les derniers romans de Naipaul, comme L’Énigme de l’arrivée (si important pour Pachet en un sens), le roman risque deux fois : il risque de « donner trop d’importance au regard du narrateur qui en est l’ossature », et aussi de « se dissoudre dans des personnages trop falots, trop instables, trop temporaires » [50].
C’est peut-être l’occasion d’une réflexion plus générale. Pachet avance, dans Un à un, une thèse : il lui semble que « l’écrivain moderne (qui répond à l’appel du moderne) est plus poète que jamais, plus lyrique qu’épique, plus attentif que jamais à la nécessité de construire le monde sur le sable des chaos intérieurs ». Il invoque alors Rilke – capable de « rendre visibles les formes où la vie mentale veut se reconnaître et auxquelles elle prête sa fluidité » (et qui par ailleurs « n’esquive jamais son devoir d’être qui il est ») [51].
Et il y a cette autre lecture importante : Anton Reiser de Karl Philipp Moritz, un roman de la fin du XVIIIe siècle. Pachet a déjà découvert ce livre dans un extrait traduit dans une anthologie du romantisme allemand (La Légende dispersée) – un extrait « génialement » placé en tête du recueil, dira-t-il plus tard. Un roman traduit ensuite en 1986, auquel Pachet consacre une étude dans les années 1990. Il est enthousiaste. Anton Reiser, c’est le roman qui aborde les problèmes de l’inconsistance et de l’inconstance, qui donne « des formulations saisissantes de la conscience moderne de l’individualité » ; le personnage (autobiographique) comprend l’individualité « non comme une possession, mais comme une réalité instable », il « ressent son être-soi comme une sorte d’altérité » ; et Pachet cite une phrase de Moritz (qui souligne) : « la conscience d’être un personnage insignifiant, noyé dans la foule » [52]. Ce qui lui semble préfigurer Poe et Baudelaire (le thème de « L’homme des foules » de Poe, repris par Baudelaire, a joué jusque-là un rôle important pour Pachet).
7.
Pachet ne devient pas romancier.
Il dira plus tard, à plusieurs reprises, dans des entretiens, son incapacité : « Je ne sais pas me lancer dans l’espace de la fiction. C’est-à-dire couper le lien avec ce qu’on connaît, ce qui est attesté, sauter dans le vide, et faire vivre des personnages, des paysages, des intrigues. Je ne m’en sens pas capable. Pourquoi faire semblant ? [53] »
Cependant la parenthèse de fiction de Quelques personnages ne se referme pas tout à fait : Pachet écrira au moins un autre texte radiophonique ou théâtral d’imagination (L’Éternité de la douleur) ; dans Sans amour, un livre sur des femmes âgées, seules, il reprendra certains des procédés de la fiction.
Plus tard, il avouera aussi un autre désir (qui prolonge toutes ces séries de personnes ou personnages prenant la parole, qu’ils soient décrits, qualifiés ou représentés). Le désir de parler devant un public, à la manière du stand-up. Dans un entretien : « Je me sens plus proche du music-hall que de toute autre forme d’expression. Parce que l’exercice du music-hall, celui que les Américains appellent stand-up comedian, "le comédien qui fait face au public", au fond, c’est ce que j’aurais aimé savoir faire. Je me sens très proche de cette forme de distraction et d’exercice que je respecte beaucoup, par lequel on capte l’attention, sans être simpliste, en faisant sentir toute la multiplicité qui est là vivante, mais en l’adressant [54]. »
« En un sens, je me sens meilleur à l’oral qu’à l’écrit », dit alors Pachet [55].
[1] Le titre est sans doute un clin d’œil au dessinateur Sempé, qui publie alors des recueils thématiques intitulés Quelques enfants, Quelques manifestants, etc. Pachet mentionne Sempé parmi les dessinateurs publiés par The New Yorker, une de ses lectures préférées (« Le New Yorker », Le Nouveau Commerce de la Lecture, n° 28-29, 1986, p. 2).
[2] La Violence du temps. Fiodorov et Mourjenko camp n° 389/36, Seuil, 1982, p. 95.
[3] Ibid., p. 95-96.
[4] « Cinq rencontres à Oriel Collège, Oxford », Agenda de la Pensée Contemporaine, n° 19, 2010, p. 48.
[5] Ibid., p. 46, 48.
[6] Ibid., p. 41.
[7] Ibid., p. 43-44.
[8] « Avant-propos » et « Présentation », in Pierre Pachet (dir.) Des Poètes d’aujourd’hui lecteurs de Rimbaud, 34-44, Université Paris VII, 1984, p. 4-5.
[9] Ibid., p. 50.
[10] Ibid., p. 7-8.
[11] Le Premier Venu. Baudelaire : solitude et complot, édition revue et augmentée, Denoël, 2009, p. 100 (1re édition 1976) ; De quoi j’ai peur, Gallimard, 1979, p. 20 ; « L’ouïe fidèle de Canetti », La Quinzaine Littéraire, n° 437, 1985, p. 17.
[12] « L’Indiscret », La Nouvelle Revue Française, n° 442, 1989, p. 14-15.
[13] Ibid., p. 14-15, 17, 15.
[14] Ibid., p. 17-18.
[15] « Les idées de la nuit », Le Nouveau Commerce, n° 17, 1970, p. 36 ; « La médiocrité », Le Nouveau Commerce, n° 24-25, 1973, p. 58 ; « Les idées de la nuit », op. cit., p. 36-37 ; « Essai pour retrouver le débordement de pensées causé par une tasse de thé hier à Clermont-Ferrand », Les Cahiers du Chemin, n° 13, 1971, p. 39.
[16] « Platon le drogué », Les Cahiers du Chemin, n° 2, 1968, p. 39-41 ; Compte rendu de P. Veyne, Comment on écrit l’histoire, Le Nouveau Commerce de la Lecture, n° 1, 1971, p. 7.
[17] « Note du traducteur », in Platon, La République, traduction de P. Pachet, Gallimard, coll. « Folio », 1993, p. 12 ; « Vérité des mythes, mythe de la vérité », La Quinzaine Littéraire, n° 394, 1983, p. 21 ; « Précurseurs stoïciens », Critique, n° 251, 1968, p. 418 ; « Platon dit, Platon pense que », Le Magazine littéraire, n° 447, 2005, p. 48 ; Compte rendu de E. Gans, Essais d’esthétique paradoxale, La Nouvelle Revue Française, n° 303, 1978, p. 132.
[18] « Réalisme de Schmidt ? », La Main de Singe, n° 4, 1992, p. 12 ; « L’âpre parfum de la fiction », La Quinzaine Littéraire, n° 604, 1992, p. 5 ; « Note du traducteur », op. cit., p. 12 ; « Platon dit, Platon pense que », op. cit., p. 46, 48 ; Compte rendu d’Aristote, L’Homme de génie et la mélancolie, La Nouvelle Revue Française, n° 432, 1989, p. 88-89.
[19] « De brillants essais rassemblés avec rigueur », Critique, n° 478, 1987, p. 215 ; « Ce qu’on peut apprendre des linguistes pour l’analyse littéraire », La Quinzaine Littéraire, n° 397, 1983, p. 21-22.
[20] Entretien avec J.-P. Salgas, La Quinzaine Littéraire, n° 570, 1991, p. 14 ; Les Baromètres de l’âme. Naissance du journal intime, édition revue et augmentée, Hachette, coll. « Pluriel », 2001, p. 14 (1re édition 1990) ; Entretien avec J.-P. Salgas, op. cit., p. 14 ; Les Baromètres de l’âme, op. cit., p. 16 ; Entretien avec J.-P. Salgas, op. cit., p. 14.
[21] Les Baromètres de l’âme, op. cit., p. 66, 16, 66, 70, 94, 12, 70, 103, 150, 65.
[22] Ibid., p. 128, 119-120, 66, 129, 122, 127, 133.
[23] Ibid., p. 121, 63-64, 72, 120-122 ; « La justice et le conflit des "opinions" », Passé Présent, n° 2, 1983, p. 217-218 ; Les Baromètres de l’âme, op. cit., p. 121.
[24] « L’Indiscret », op. cit., p. 14-16.
[25] Ibid., p. 14 ; L’Œuvre des jours, Circé, 1999, p. 99 ; Un à Un. De l’individualisme en littérature (Michaux, Naipaul, Rushdie), Seuil, 1993, p. 68, 109. L’essai de Naipaul, « Les ténèbres de Conrad », figure dans Le Retour d’Eva Perón.
[26] Ibid., p. 77, 117, 115, 29, 114, 94, 90.
[27] Ibid., p. 87, 7, 28.
[28] Entretien avec J.-P. Salgas, op. cit., p. 15. La situation changera plus tard, à partir de la maladie de sa femme : il commencera alors à tenir un journal intime.
[29] Idem.
[30] Idem.
[31] « Quelques personnages », L’Infini, n° 52, 1995, p. 14-15.
[32] « Un problème social sérieux : la lecture », La Quinzaine Littéraire, n° 542, 1989, p. 21.
[33] « Les aphorismes d’Elias Canetti », La Quinzaine Littéraire, n° 280, 1978 ; « Canetti : une parole de vie », La Quinzaine Littéraire, n° 420, 1984, p. 8.
[34] « La reformulation chez Claude Lefort », in C. Habib et C. Mouchard (dir.), La Démocratie à l’œuvre. Autour de Claude Lefort, Editions Esprit, 1993, p. 300-302. L’essai de Lefort, « Sade : le Boudoir et la Cité », figure dans Écrire. À l’épreuve du politique.
[35] Compte rendu de G. Perros, Papiers collés II, Les Cahiers du Chemin, n° 19, 1973, p. 101 ; « Avant-propos » (avec Yaël Pachet), in B. Parain et G. Perros, Correspondance (1960-1971), Gallimard, 1999, p. 11-12.
[36] On peut entendre Pachet sur ce sujet dans un entretien avec A. Perraud sur France Culture en 2013 (vers le début).
[37] Il ne s’agit plus ici de qualifier des façons de parler singulières (comme à propos des universitaires à Oxford, ou des poètes réunis autour de Rimbaud) ; et pas non plus d’imiter ou représenter des façons de parler (comme à Troyes en 1977, au procès de Patrick Henry, où Pachet décrit des scènes vues : cette mère avec sa petite fille, dans la rue, qui « parle d’une voix saccadée, répète en chantonnant théâtralement "L’assassin de Troyes, l’assassin de Troyes" », etc. (De quoi j’ai peur, op. cit., p. 119). Il s’agit d’inventer un ton qui convienne au propos, et à tous les personnages.
[38] « Quelques personnages », op. cit., p. 21, 18, 23.
[39] Les Baromètres de l’âme, op. cit., p. 69 ; « Quelques personnages », op. cit., p. 14, 17-18, 21, 24, 26, 24, 19-20.
[40] Ibid., p. 21, 25-26, 19, 25.
[41] « L’oubli au cœur de la conversation intime », La Faute à Rousseau, n° 54, 2010, p. 28 ; « Quelques personnages », op. cit., p. 15-16.
[42] Ibid., p. 20-21.
[43] Entretien avec G. Moreau, Les Moments Littéraires, n° 18, 2007, p. 14.
[44] « Un grave chagrin d’amour dans la Roumanie de 1934 », La Quinzaine Littéraire, n° 838, 2002, p. 11.
[45] « Quelques personnages », op. cit., p. 15, 20.
[46] Ibid., p. 14-15.
[47] Ibid., p. 21-23.
[48] « Une belle vie », La Quinzaine Littéraire, n° 479, 1987, p. 12-13.
[49] « L’émotion et l’ennui », in Jude Stéfan, Le temps qu’il fait, 1993, p. 82-83 ; « De brillants essais rassemblés avec rigueur », op. cit., p. 215 ; « Un cas singulier », La Quinzaine Littéraire, n° 775, 1999, p. 7.
[50] « La force de Taslima Nasreen », La Quinzaine Littéraire, n° 654, 1994, p. 5 ; « Réalisme de Schmidt ? », op. cit., p. 12-13 ; Un à un…, op. cit., p. 117.
[51] Ibid., p. 24.
[52] « Sobriété de Jean-Christophe Bailly », Europe, n° 1046-1048, 2016, p. 35 ; Les Baromètres de l’âme, op. cit., p. 32, 37-38.
[54] Ibid., p. 232-233.
[55] Ibid., p. 232.