Janvier : Lire
Une chronique mensuelle de Frédéric Lefebvre en hommage à Pierre Pachet.
Janvier 1999 : décès de sa femme Soizic. Pachet lui consacre un livre dans l’année qui suit : Adieu. Il est question, dans ce portrait, de traits de caractère et de pratiques : la cuisine, les vêtements et le soin du corps, l’écoute et la pratique de la musique et du chant… Et aussi la lecture.
Pachet raconte comment, jusqu’au dernier moment ou presque, Soizic a aimé lire ; jusqu’à ce retour fatal à la maison, début janvier 1999, lorsque la maladie est incurable. Pour des soins palliatifs, pour être accompagnée dans la mort. Et alors elle ne veut plus lire et répond : « Non. Pour lire, il faut avoir de l’espoir [1]. » Pachet lui fait alors la lecture d’un petit récit de Robert Walser.
Après coup, il s’interroge sur ce moment :
« Pour lire, il faut avoir de l’espoir. » Cette phrase reste pour moi énigmatique. […] Il était trop tard pour lire ? Pas vraiment ; j’imagine que dans des circonstances différentes, vieille et apaisée autant qu’on peut l’être, elle aurait accepté de lire avant de s’éteindre, comme on lit le soir pour aider à s’endormir. On ne lit pas nécessairement pour emporter quelque chose avec soi dans l’avenir, plutôt pour élargir l’envergure du présent dans lequel on vit.
Mais elle, elle était violemment expulsée de la vie. […]
D’ailleurs tant qu’il y a eu de l’espoir, qu’il y a eu de sa part un combat à mener, elle a vécu et donc elle a lu [2].
Et Pachet évoque un moment, quelques mois plus tôt, en avril, où Soizic attendait une opération (pose d’un cathéter pour les futures perfusions) :
L’attente fut longue, plusieurs heures, d’abord dans une sorte de hall peu confortable, puis on nous sépara, et elle continua d’attendre dans une salle spéciale, avec les autres patientes. Cependant, là encore, elle lisait. Elle ne lisait pas pour faire passer le temps, comme on lit des magazines dans les salles d’attente, ni pour oublier. Elle lisait avec sérieux, avec passion, avec cette passion sérieuse qui était au fond de notre accord et de nos désaccords [3].
Plus loin dans le livre, Pachet évoque une autre curiosité partagée, pour la musique et le chant, cette écoute collective des disques qui lui semble caractéristique des années 1960 et 1970 : « Nous n’étions pas […] des "hédonistes" qui se repassaient en boucle leurs plaisirs favoris. Tout était attente, découverte, désir de connaître, de déployer. » En particulier les disques de la chanteuse lyrique Kathleen Ferrier, à la voix singulière, « âpre », qui semblait montrer une voie : « La possibilité d’une beauté liée de si près à la souffrance – d’une souffrance qui ne détruirait pas tout. » Et Pachet tente de reconstituer les émotions propres de Soizic, de reconstituer l’effet de cette voix qui devint pour elle de plus en plus comme un « recours » :
Cette voix lui apprenait quelque chose d’elle-même, un possible, une ligne nettement orientée qui demandait à se faire entendre derrière les hésitations de la vie, les crises, les doutes.
Autrement dit l’espoir d’être soi. Non pas s’affirmer sur le mode du « moi aussi j’existe, écartez-vous pour me laisser une place » (mode qui semble souvent être le mien), – mais plutôt : « j’ai quelque chose en moi, qu’est-ce au juste ? il me faut trouver le silence et la concentration de mes forces qui me permettront de le faire venir au jour ».
Cesser de considérer les autres comme l’obstacle qui vous empêche d’exister, considérer que l’obstacle est en soi : opacité, timidité, penchant à la rêverie diffuse, incertitude [4].
La timidité et la désorientation de Soizic, Pachet les évoque aussi par les livres, par les lectures. Par certains livres auxquels elle avait été attachée dans sa jeunesse : Le Grand Meaulnes d’Alain-Fournier, La Porte étroite de Gide (une histoire de renoncement à un amour partagé, en quête de sainteté). Des livres qui semblent à Pachet emblématiques d’une « crise » plus ou moins continuée :
Elle avait eu, à un moment de son adolescence, le sentiment de perdre pied dans le réel, de perdre le sens du réel. Le sentiment inquiétant de risquer de se perdre dans des rêveries vagues, vaguement mystiques. Elle s’était vue tentée par une inertie qui en un sens lui convenait trop bien, dans laquelle sa vie pouvait se dissoudre, se fondre avant même d’avoir été vécue. Elle avait connu la fascination des amours indécises, idéales. Et elle avait voulu échapper à ce danger avec d’autant plus d’énergie et de détermination qu’elle avait senti que cette fascination n’était pas liée à une crise passagère, à une période intermédiaire de flottement (entre l’enfance et l’âge adulte), mais que la tentation de l’irréel était centrale en elle et ne la quitterait pas aisément [5].
Soizic, à la différence des personnages de ces livres, avait lutté, plus ou moins surmonté ce handicap (que Pachet fait aussi remonter à la « timidité maladive » manifestée dès l’enfance) : « Elle avait aimé Le Grand Meaulnes ; il me semble qu’avec les années, sans pour autant renier ce goût d’adolescente, elle en était venue à se défier de ce qui en elle risquait de tomber dans le charme dangereux (pour elle) d’un récit d’échec, d’impossibilité, de rêverie » ; « Soizic […], comme Alissa de La Porte étroite, se sentait portée vers la pureté, l’intransigeance ; mais elle refusait de leur sacrifier l’inestimable trésor du vivre [6]. »
Il y a aussi, dans ce portrait de Soizic par ses lectures, Apollinaire, Bataille, Michaux – Michaux qu’elle a fait découvrir à Pachet, ou plutôt qu’elle lui a conseillé de lire avec attention, s’il voulait mieux la connaître, la comprendre [7].
Et il y a les lectures en commun : « Par exemple des moments dans Stendhal : Julien se disant "il faut que ce soir j’ose prendre la main de Mme de Rênal" ; ou dans La Chartreuse, le comte se disant "si le mot d’amour est prononcé entre eux [la Sanseverina et Fabrice], je suis perdu". Ces passages […], ces livres faisaient autorité pour elle, et bien sûr pour nous deux » [8]. Et Malcolm Lowry, Nabokov.
Pour Soizic, jusqu’au bout – presque –, lire était d’abord (fondamentalement) une question de « voies pour vivre », d’orientation : « Il s’agissait rarement pour elle du simple plaisir de lire (d’ailleurs pour elle le plaisir était plus que le plaisir : il indiquait toujours une orientation, je crois) […]. Elle lisait […] parce qu’un élément du livre, une scène, une formule, un tour de phrase, un caractère ouvraient une direction inédite [9]. »
Et Pachet se souvient qu’elle lisait, à la mi-décembre encore, des contes indiens, et ce « merveilleux livre pour enfants […] offert par Pierre Leyris », The Wind in the Willows (Le Vent dans les saules) [10].
2.
L’autre figure de lecteur, parmi les proches de Pachet, c’est son père. Pachet lui consacre son premier livre écrit : Autobiographie de mon père (écrit à la fin des années 1960, publié en 1987). Il y dit « je » à la place de son père.
La phrase qui résume le père, c’est : « Je m’instruisais ainsi chaque jour [11]. »
Venu étudier en France en 1914, originaire de Bessarabie, le père de Pachet apprend le français, devient médecin spécialiste en stomatologie, se marie, est actif dans des organisations sionistes, est surtout attentif aux événements d’Allemagne, après l’accession de Hitler au pouvoir : « Je suivais de très près les affaires d’Allemagne ; je voyais comment les Juifs y entraient dans le martyre en proclamant toujours leur attachement à l’Empire, leur qualité d’anciens combattants, voire pour certains leurs sympathies pour le national-socialisme [12]. »
Le père de Pachet lit le journal – les journaux, en particulier Le Temps : « Les nouvelles du monde m’y arrivaient filtrées par la bonne éducation et la compétence ; cette abstraction me plaisait [13]. » Et un journal allemand. Pachet reviendra plus tard sur ce moment qui n’est pas un souvenir personnel (il est né en 1937) mais qui lui a été rapporté :
À la fin des années 1930, et encore au début de la guerre, et même au début de l’occupation allemande, mon père voulait lire de temps à autre un journal allemand (la Frankfurter Zeitung). Il envoyait ma sœur, qui n’était qu’une petite fille et avait du mal à prononcer ce mot barbare, l’acheter au kiosque du coin. Il ne voulait pas seulement écouter les éructations terrifiantes de Hitler à la radio : il voulait lire les discours, connaître le détail de la législation raciale de Nuremberg, les dispositions prises pour exclure les Juifs de la vie sociale allemande, restreindre leur liberté de mouvement, limiter leurs droits [14].
Le père de Pachet est isolé, seul dans son pessimisme : les communistes, les socialistes semblent se tromper sur Hitler. « À gauche, le seul qui semblait y voir clair était Trotski, qui ne cessait de prophétiser le pire. » Par souci de « paraître de bons Français », certains amis juifs adhèrent aux Croix-de-Feu, d’autres décident « que tout cela ne les concernait pas ». Mais lui, comme lui fait dire Pachet, sait parce qu’il a lu : « J’avais lu Mein Kampf et ne pouvais l’oublier, et ne comprenais pas que des politiciens pussent croire que la haine qui s’y exprimait allait doucement se calmer. » Et encore pendant la « drôle de guerre », mobilisé, « isolé du monde, sans journaux » ; ou en permission, face aux rumeurs « exagérément optimistes » qui courent à Paris : « Je ne savais […] pas grand-chose de précis : mais je n’oubliais pas Mein Kampf » [15].
Ainsi la lecture, l’information, l’attention à la vérité, aux faits qui peuvent être connus de tous – ou de la plupart –, jouent un rôle déterminant dans la vie de Pachet enfant, pendant la guerre et l’Occupation. La décision – rare, exceptionnelle – prise par le père de ne pas s’inscrire comme juif et d’entrer dans la clandestinité, sous un faux nom, sauve la vie de toute la famille (ils s’appelaient Apatchevsky et se font alors appeler Apat).
Dans ce portrait du père et de ses qualités, il y a l’attention aux faits, aux choses. Lisant des livres d’histoire, le père de Pachet fait confiance à ceux qui établissent les faits : « Je ne suis […] pas agnostique en ce qui concerne l’Histoire […] ; je crois qu’il y a, sinon un sens de l’Histoire, du moins une vérité historique et une seule, et qu’elle importe à chacune de nos existences. » La tâche première est de « constater que c’est ainsi, et non autrement, que les événements ont tourné » [16].
Mais il y a aussi le raisonnement, les idées. Le père de Pachet a une réputation de « sagesse précautionneuse », on se tourne vers lui pour un avis fondé « sur les raisons les mieux pesées, donné sur le ton le moins passionné possible ». Contre la prétendue « sagesse populaire », qui n’est que le masque de l’ignorance, il fait confiance à « la raison, grâce à laquelle l’humanité se maintient en vie ». Dans les organisations sionistes, il se forme à la « persuasion », à la « conciliation », aux « confrontations d’idées » [17].
Son approche de la langue française témoigne de ces deux priorités : « je l’aimai dès l’abord, pour sa clarté dans la bouche de nos professeurs, sa précision scientifique, comparable à celle d’un crayon finement aiguisé, pour son élégance [18]. »
Quant au roman français, s’il en a lu, surtout dans ses premières années en France, il s’en est lassé. Peut-être parce qu’en général, il lisait des romans « sans croire pour autant à la littérature, par distraction » [19]. Et s’il reconnaît l’existence d’un certain « réalisme "à la française" », comme chez Zola, dans l’ensemble son jugement est sévère : « J’aimais qu’un livre décrive avec vérité tel milieu, telle époque, et les Français sont réputés pour la ’’psychologie’’. Il n’y a pas loin de Bergson à Paul Bourget. Les écrivains ici sont souvent des professeurs de lycée, ils ont vu peu de choses, les coucheries sont leur exotisme [20]. »
Tchekhov, par contre, est un bon écrivain ; il était médecin, remarque le père de Pachet.
Quand la famille quitte Paris pour la zone libre, en 1942, le père de Pachet tente de mettre à l’abri certains papiers et des livres : « les œuvres complètes de Herzl, de Stefan Zweig, de Tolstoï » [21].
Pachet se souvient aussi que son père lui fera aimer, plus tard, Sholem Aleichem et Mark Twain [22].
Le drame, c’est alors la maladie du père, dans les années 1950, qui va peu à peu lui rendre la lecture impossible.
C’est la dernière partie d’Autobiographie de mon père.
Il y a d’abord la scène de la promenade en voiture : le père de Pachet conduit toute la famille, et même un invité, un « prétendant » de sa fille ; mais le soir en revenant vers la ville (vers Vichy), les phares des voitures « en position "code" » l’éblouissent, en sens inverse et dans le rétroviseur, il perd ses moyens, prend peur – jusqu’à ce que le jeune invité le remplace, sûr de lui. Ce n’est pas le jeune conducteur qui fait preuve d’un « don extraordinaire », c’est le père de Pachet qui prend conscience de l’« anomalie irréversible », de la « déficience » qui l’atteint [23].
La scène suivante : le père de Pachet croit lire au fronton d’une boutique une inscription publicitaire insolite : AПTEKA (Apotheke en russe) ; il s’agit en réalité de la marque INTEXA (des « vêtements indémaillables »). Il confond « IN » dans un alphabet et « AП » dans un autre (l’alphabet cyrillique de son enfance), trompé aussi « par la ressemblance des deux finales » qui existent « à la fois en français et en russe » : « J’avais cru lire l’inscription qui surmontait la petite pharmacie de mon village […]. Le passé revenait ? Non, le passé était là pour qui saurait, grâce à une anomalie bienvenue de la vision, gratter l’inscription présente pour redécouvrir la sous-jacente [24]. »
Bientôt, le père de Pachet ne peut plus lire Le Monde, auquel il est attaché, dont les caractères sont trop petits. Pendant un certain temps, il peut encore lire un journal en yiddish, « pourtant mal imprimé ». Mais la lecture se limite ensuite à presque rien : « C’était bien rare si une ligne ou deux, une phrase de titre, ne se présentaient pas à moi dans leur intégrité ; mais que je veuille poursuivre, et les lignes se chevauchaient, les lettres se confondaient [25]. »
La maladie est difficile à diagnostiquer : un ophtalmologue et un neurologue échouent. Une autre ophtalmologue, à Paris, serait sur le point de se prononcer, mais elle décède. Le père de Pachet reste dans une « semi-cécité », sans savoir [26].
Le dernier livre qu’il lit, c’est Pachet qui lui en fait la lecture à haute voix : Le Dernier des justes d’André Schwarz-Bart. Il l’apprécie, s’enthousiasme pour le talent, le « don de divination », la « pénétration » de l’écrivain [27].
Pourtant, en général, il n’est pas satisfait de ceux qui veulent bien lui faire la lecture, le plus souvent d’extraits du journal : « On ne sait pas lire à haute voix : il y faut un minimum de mise en scène, de sens du drame, sans quoi les phrases se désarticulent et engloutissent les mots porteurs de sens [28]. »
Et il médite – Pachet lui prête une méditation – sur la lecture individuelle du journal ; sur la lecture à la fois individuelle et collective du texte sacré à la synagogue pendant l’office ; sur la lecture en elle-même comme pratique, progressant nécessairement avec « prétérition », « déchiffrement » ; et même sur la conception qui veut que le monde soit « comme le livre de tous » :
Oui, le monde est à lire, je n’en disconviens pas, mais ce n’est pas de rester les yeux grands ouverts qui facilite la lecture ; il y a par exemple des textes sacrés, on apprend aux enfants l’alphabet qui ouvre ces livres, ils se penchent dessus et s’y usent les yeux, puis un jour vient où même les lunettes les plus puissantes ne peuvent rien pour les rapprocher des lettres, et c’est dans le noir de la cécité qu’ils lisent les textes inscrits en eux-mêmes [29].
3.
Et Pachet lui-même ?
Le lecteur qu’il est, qu’il était, il l’évoque d’abord incidemment dans quelques souvenirs d’enfance éparpillés.
Par exemple, la lecture du journal, à Vichy : « Étant enfant, il y avait un jour de la semaine où je regardais le journal avec plaisir, le mercredi je crois, lorsque La Montagne publiait la chronique d’Alexandre Vialatte. Le grand traducteur de Kafka, le romancier des Fruits du Congo ne parlait pas de ses titres littéraires, il vantait ce et ceux qu’il aimait, Henri Pourrat l’écrivain auvergnat trop régionaliste à mon goût de snob et Jean Dubuffet dont personne ici ou là ne savait rien [30]. »
Pachet se souvient que Vialatte « faisait, à propos de Dubuffet, artiste au nom farce, l’éloge du mâchefer (autre nom farce), étalait tout, artistes connus et individus sans surface sociale » : « Ce méli-mélo anarchiste, […] sans oser me l’avouer […] je le pressentais obstinément plus adéquat à mes désirs de vrai que le feuilleton littéraire que publiait quotidiennement le même journal [31]. »
Ou bien il se souvient de Notre-Dame de Paris et des Travailleurs de la mer de Hugo, de ces romans qui « sont en réalité des mythes » :
C’est comme tels qu’ils nous ont émus et éduqués, nous enseignant l’histoire du Moyen Age et la compassion, l’amour de la République et de la science ; grâce à eux que nous fûmes adoptés dans ces familles étranges, plus vraies que nature, où le bossu Quasimodo épouse la belle bohémienne Esmeralda mais ne l’embrasse qu’après leur mort à tous deux, où miss Lethierry a deux filles, Déruchette et Durande, dont l’une est sa nièce et l’autre un bateau à vapeur ; nous avons prêté notre énergie et nos désirs à ces combattants surhumains qui osaient attaquer une cathédrale, une pieuvre, ou l’Histoire, ou la Mer. Avec eux, fascinés par des gravures naïves et violentes, nous avons espéré vaincre le destin, devenir un héros, bon et puissant, lié au Peuple majuscule, adoré de la Femme ingénue et perverse : un être en qui le sens et le style enfin conjoints imposeraient au monstre Réalité et le rendraient docile [32].
Évocation aussi du moment où il découvre la vérité sur le Goulag soviétique, peu après ses parents, dans le témoignage du transfuge Victor Kravchenko, J’ai choisi la liberté !, pris dans la bibliothèque de son père. Il est encore un « jeune garçon » (le livre est publié en France en 1947, une polémique éclate, Kravchenko est accusé de mentir, un procès a lieu en 1949). C’est une époque de lectures multiples sur l’URSS, la guerre, l’holocauste : « La frénésie de lire me possédait, non le plaisir, mais l’entêtement à s’enfoncer dans des lectures inutiles, à lire sans contrôler, comme on suit le mouvement imprévisible et monotone d’une boule de billard [33]. »
Puis il y a une séquence temporelle, après la publication d’Autobiographie de mon père (entretien dans une revue, colloque sur « La bibliothèque dans la cité », « Leçons de poétique » à la Villa Gillet à Lyon, etc.), où Pachet aborde directement la question de la lecture – au premier sens du terme, matériel, pratique :
Difficile de dire si la lecture accédera au statut de grand thème culturel et théorique qu’a occupé il y a quelques années l’écriture (avec les écrits de Blanchot, de Derrida, mais aussi d’Agamben en Italie). En tout cas, la lecture est un problème social sérieux, qui préoccupe ou devrait préoccuper pédagogues et planificateurs, à mesure qu’on découvre, au cœur des pays les plus développés, la permanence d’un illettrisme et donc d’une inadaptation profonde [34].
Dans cette séquence, il y a une sorte d’histoire de la lecture – ou du moins une tentative d’intégrer la lecture dans l’histoire de l’individu et de la société moderne qui occupe alors Pachet.
La lecture moderne commence en réalité chez les anciens : c’est « la scène célèbre, rapportée par saint Augustin dans ses Confessions (livre VI), où il voit son maître saint Ambroise, évêque de Milan, lire sans bruit. "Quand il lisait, ses yeux étaient conduits à travers les pages dont son esprit perçait le sens […], mais sa voix et sa langue se reposaient" ». C’est l’invention de « la technique moderne de lecture », non plus « à voix haute », mais en silence (tacite en latin). Cependant Ambroise « ne pouvait lire comme un lecteur moderne […] parce que dans la page qu’il lisait, les mots n’étaient pas séparés (ce qu’on appelle scriptio ou scriptura continua) et qu’il lui fallait donc aller lentement, pour reconstituer les mots ». S’il lit silencieusement, comme l’explique un historien cité par Pachet, ce n’est pas pour lire plus vite, mais pour renforcer son intimité et cacher ce qu’il lit [35]. Et c’est cela qui est moderne, au sens de Pachet :
La civilisation de l’individualisme contemporain est liée à la ville et à sa liberté, à cet espace dans lequel on n’a pas à vous demander où vous allez, ni pourquoi, où vous habitez, pourquoi vous préférez ceci à cela, cet itinéraire à cet autre, cette allure, ce costume, cette nourriture ou ce journal [36].
Elle est liée à « l’appartement », qui « dès son nom, parle de mise à part, d’isolement, de mise à l’écart volontaire » ; elle est liée à « la pièce où l’on s’enferme » : « L’individualisme est lié à la porte fermée, à l’intimité respectée, à la délicatesse de ce respect [37]. »
La lecture silencieuse a un complémentaire : dans les bibliothèques publiques, l’« obligation de secret professionnel à demander au bibliothécaire, jusqu’à un certain point » (« J’ai le droit de consulter les livres que je veux, sans censure et sans contrôle ») ; les deux participent à ce respect de l’intimité qui fonde l’individu moderne [38]. La bibliothèque publique est d’ailleurs une autre institution typiquement moderne, pour son autonomie (« Une des valeurs fortes du dix-neuvième siècle […] : la possibilité dont jouissaient certaines institutions culturelles, éducatives, syndicales, religieuses, commerciales, de communiquer entre elles à l’abri du contrôle d’États nationaux puissants »). Avant l’invention d’Internet (dont Pachet parlera dans ses derniers livres, dans les années 2010), elle est le lieu où la « technologie de soutien de l’intellect » inventée par l’homme (« le calcul, l’écriture, les livres, les bibliothèques, les calculatrices et ordinateurs ») est à son maximum [39].
Le livre et la lecture prennent aussi une place importante dans la liste « des objets portatifs par lesquels se définit l’individu moderne, série foncièrement hétéroclite dans laquelle il faut inscrire aussi bien le carnet de rendez-vous, le livre de comptes, le journal intime, que le bréviaire, le livre de poche (suffit pour les livres), le journal quotidien, la montre de gousset ou de poignet […], la carte d’identité puis de crédit, le téléphone portatif » (série « évidemment ouverte vers l’avant », dit Pachet) [40].
La ville, la bibliothèque publique, le livre : ce sont comme trois niveaux emboîtés d’une même histoire – une histoire de l’autonomie de l’individu, qui connait des développements décisifs au XIXe siècle [41]. Pachet cite – de façon fragmentaire – le Poème du haschisch de Baudelaire (un auteur qui l’inspire largement dans cette histoire) : « Ces villes magnifiques… ces beaux navires… ces musées… ces bibliothèques… ces femmes enchanteresses… Toutes ces choses ont été créées pour moi, pour moi, pour moi ! [42] »
Et il invoque Rimbaud, qui se voit « lisant, écrivant peut-être », au « centre de la ville », dans « la chambre la plus secrète, souterraine peut-être, celle où tout se décide et par laquelle tout est gardé en mouvement » [43].
Dans cette même séquence (les années 1990), Pachet raconte aussi plus en détail sa propre histoire de lecteur.
Lecteur précoce, sérieux.
Dans un entretien : « Il est sûr que j’ai le sentiment de venir d’un monde où se posaient des questions tellement sérieuses qu’elles ne laissaient pas de place à l’adoration de l’art. Quand je lis des textes dans lesquels Tolstoï subordonne l’art à la question sociale, je ne suis certes pas d’accord, mais il y a une part de moi qui agrée [44]. »
Sur ses lectures, où le témoignage prime sur la fiction – où, dans le cas de David Rousset, la description du camp de Buchenwald prime sur le roman : « Adolescent, j’ai été marqué par Les Jours de notre mort de David Rousset. Je cherchais à percer la fiction. J’ai toujours eu du mal à concevoir ce que serait la pure fiction, je suis persuadé que même Les Chants de Maldoror cachent un témoignage, témoignent d’une épreuve [45]. »
Bientôt, il évoque d’autres souvenirs dans ses « leçons de poétique » à la Villa Gillet :
Quelques livres pour m’accompagner : Le Petit Chose, Poil de Carotte, Le Rouge et le Noir, fournis ou recommandés par l’école. […] Et puis des livres que je prenais en cachette sur les rayons de mon père, et que je ne partageais avec personne : Kaputt, Le Zéro et l’Infini, Les Jours de notre mort. Ceux-là m’instruisaient en profondeur […]. Malaparte, Koestler et David Rousset avaient eu accès à des régions de la vie aussi passionnantes que du Stevenson ou du Conrad, et qui ne s’inventaient pas […]. Ils m’informaient sur un aspect alors peu connu de l’histoire contemporaine ; ils m’aidaient à formuler, ou à suspendre mon jugement [46].
Déjà Pachet s’était souvenu de sa lecture du roman de Koestler sur l’URSS en 1938, qui « tente de résoudre, à travers le personnage de Roubachov, les problèmes suscités par les procès de Moscou ». Haut dirigeant du Parti Communiste, Roubachof – Boukharine dans la réalité historique – est accusé de trahison. Pachet, « encore presque enfant », avait surtout retenu « la passionnante évocation des premières heures de Roubachof dans sa cellule », initié par un détenu voisin « à l’indispensable moyen de communication, consistant à taper ses messages contre un tuyau, avec un système de transcription analogue au morse ». Il analyse mieux maintenant la force de ce livre : comment Koestler combine « expérience » et « imagination » ; comment il s’appuie sur sa propre expérience pendant la guerre d’Espagne, « emprisonné dans une prison franquiste et attendant la mort, comme Roubachof », et sur celle d’autres prisonniers à Moscou pendant la préparation du procès de Boukharine, qui ont pu témoigner [47].
Et Pachet évoque son attachement à une collection singulière d’essais qui existait chez Gallimard dans les années 1950 (et jusqu’aux années 1980). « Tout est parti », dit-il, « de la convoitise » suscitée par cette collection, intitulée « Les Essais » et placée « sous l’égide de Montaigne, […] un Montaigne pas philosophique mais philosophe, écrivain à part entière ». Pachet y a lu Sartre, Camus, Simone de Beauvoir, et aussi Hannah Arendt, Ernst Bloch, des philosophes – et Yvon Belaval, qui apprenait à approcher la philosophie « de côté », sans être inscrit dans la discipline, à « penser des choses notables, profitables, intéressantes » [48].
4.
Deux remarques sur Pachet lecteur.
D’abord, Pachet n’est pas seulement un lecteur « amateur », il fait partie de « ceux qui travaillent avec de l’écrit » [49]. Il est universitaire, essayiste, critique. Il a des pratiques particulières de lecteur en rapport avec ces activités.
Il se rend dans des bibliothèques publiques, y travaille, y fait des recherches. En particulier dans les bibliothèques universitaires américaines, qu’il découvre dans les années 1960 (et où il retourne par la suite), « ces bibliothèques […] de rêve où les professeurs, et même certains étudiants, ont un bureau à eux ; où en tapant sur quelques touches de mon ordinateur de bureau, je fais venir comme magiquement dans mon bureau les livres que j’ai la fantaisie de voir, de toucher… ». Le travail à la bibliothèque publique, c’est un « parcours », un « trajet » de livre en livre, « qui n’est que partiellement méthodique, dans le meilleur des cas, et le plus souvent est capricieux » ; y être lecteur, c’est « demander aux livres, et au catalogue, et aux différentes bibliographies, de vous envoyer dans des directions nouvelles, par lesquelles vous irez dans la direction de votre désir, et de votre pensée, que vous ne connaissiez pas avant de venir » [50].
Pachet fait aussi ce qu’il appelle « feuilleter » des livres, des revues : « feuilleter est un moment essentiel […] : feuilleter, c’est donner du mouvement à ce qui est sur les pages, produire une sorte de petit cinéma mental dans lequel on passe vite de page en page, pour donner aux rencontres d’idées et de mots leur chance [51]. »
Pour ses articles de critique littéraire (de journalisme littéraire), il a au moins deux pratiques particulières.
Il recopie (au moins à ses débuts) : « Pour me faire une idée d’un livre, j’en recopie un passage. Si au bout d’une page ou deux je suis content de ce que j’ai écrit, c’est une première conclusion [52]. » Ainsi, par exemple, lisant un recueil de textes de Walser, qu’il juge presque « magique » par moments : « On peut tenter d’analyser les composantes de cet art […]. Mais on a surtout envie de recopier, de goûter ses phrases, de les laisser éveiller en soi des émotions qui ne demandent qu’à revivre, et dont lui saura dire les tressaillements, les nuances, la profondeur [53]. »
Et bien sûr, il prend des notes. C’est la première étape du travail du critique (journaliste) littéraire, qui peut se résumer ainsi : « Lire et relire en prenant des notes ou en soulignant, comparer à des livres du même auteur ou sur le même sujet, essayer de saisir l’intention de l’auteur, apprécier son originalité et son talent, saisir au passage des expressions ou phrases qu’il serait bon de citer [54]. »
Ainsi, lire n’est pas seulement lire. Il y a bien sûr la figure du lecteur en général (dont l’activité est sans doute plus complexe qu’elle paraît) :
Lire, c’est l’un des gestes les plus caractéristiques du comportement de l’homme moderne, concentré sur le papier (aujourd’hui l’écran) devant lui, la tête presque immobile, silencieusement absorbé par une activité intellectuelle qui semble se dérouler dans la partie supérieure de la tête : des yeux au cerveau. En réalité, on sait depuis longtemps que les organes de la voix sont eux aussi impliqués, mobilisés sinon vraiment actifs : lire beaucoup peut enrouer [55].
Et il y a le lecteur Pachet, dont la pratique est ouvertement plus complexe, et qui rend volontiers compte de cette expérience, de cette lecture en train de se faire. Par exemple, à propos d’un livre de Cioran, dans les années 1970. Il y a d’abord le paragraphe d’exposition :
Le temps maussade comme moi-même m’isole pour la journée dans un lit campagnard, au chaud sous l’édredon volumineux. Le roman policier se propose, avec la consolation de ses crimes ouatés, son érotisme de surface. Je lui préfère De l’inconvénient d’être né, que je lis à rebrousse-poil, plein d’hostilité préconçue contre son pessimisme buté et ostentatoire, sa mauvaise humeur superlative qui pourtant ressemble à la mienne, à ce ciel de vacances bouché et sans promesse [56].
Puis un premier effet dont Pachet rend compte – effet de surprise, d’intérêt, de plaisir :
Cioran a peu à peu désamorcé mon sérieux, insinué de l’à quoi bon dans mon argumentation défensive. Il s’impose, écrase ma solitude sous la sienne, et je m’oublie. Avec lui, la réflexion philosophique prend la consistance et la valeur anesthésique du romanesque, sa force esthétique. Car sa réflexion ne va nulle part mais ne cesse de couper des fils, de libérer des espaces de rêverie ; parlant de maladie, elle me rend au bonheur de mon corps bien portant et lisant [57].
Enfin vient la lecture du critique, qui n’est plus celle de l’« amateur », « profiteuse et égoïste ». C’est une autre lecture, « plus rapide et moins paresseuse » :
Dans ce second mouvement se maintient la position critique, riche en interrogations préliminaires, en préalables et commentaires de toute sorte : Cioran est-il philosophe ? et de quelle secte ? où va sa pensée telle qu’elle se marque dans ce livre […] ? à quoi s’engage-t-elle ? quelle est sa valeur dans le grand catalogue des pensées, si toutefois elle mérite d’y être inscrite ? [58]
Le compte rendu du livre commence alors vraiment : « Si l’on se guide sur la pensée qui donne son titre à l’essai, on reconnaîtra aisément une filiation classique, celle de la sagesse grecque », etc. [59]
Ensuite – autre remarque –, Pachet est Pachet : lui-même, comme personne, avec son passé, son histoire, ses traits de caractère.
Dans Adieu, il se décrit lui-même, par petites touches, par contraste avec le portrait qu’il fait de Soizic : il peut être « désagréable » quand les invités arrivent, alors qu’elle est tout entière « attention », « sympathie », « accueil » ; il est toujours « indocile », détestant qu’on lui explique les choses, elle, au contraire, accepte « de bonne grâce conseils et recettes » [60].
Il est sceptique, ironique (dans un entretien, il attribue le scepticisme à son père, l’ironie à sa mère ; mais une ironie « bienveillante ») [61].
Il n’a pas d’esprit (« au sens où l’esprit c’est la trouvaille mémorable, c’est la chose qui vient dans la conversation », comme chez Proust) [62].
Il est méfiant. Dans un autre entretien (plus précoce, peu après la publication d’Autobiographie de mon père) : « Ce n’est pas tant d’être juif russe qui a été formateur que d’être juif sous l’Occupation. […] Je continue toujours, dans la vie, à me méfier, j’hésite encore à dire qui je suis [63]. »
Il est impatient : « je suis plutôt impatient qu’insoumis » [64].
Il est surtout dispersé. Dans sa conversation, tout d’abord. Quand quelqu’un lui demande son attention, son écoute : « Je continue désespérément, tout en me prêtant à ce qu’on me propose, à tendre l’oreille dans une autre direction. […] Je veux rester un tant soit peu disponible pour autre chose. » Et il est capable, en effet, de « suivre deux conversations à la fois ». Ou bien, évoquant sa conversation avec un vieil ami : « il s’est habitué à ma façon – qui l’a longtemps agacé – de passer sans prévenir d’une idée à l’autre » [65].
Et dans son travail. Dans ce même entretien du début des années 1990 (où il évoque sa méfiance) : « Je déteste repasser sur mes traces et j’adore me disperser » [66]. Quelques années plus tard, dans une conférence sur la notion de dispersion (pour ses « leçons de poétique » à la Villa Gillet), il raconte comment, un jour d’« agitation » extrême, il s’est senti emporté « sur les ailes de la pensée » en apprenant le sujet de l’agrégation de philosophie, les idées lui venant « comme par miracle ». Il n’avait aucune intention de se présenter à ce concours (il enseignait alors le grec ancien), mais avait éprouvé l’attrait de la dispersion : « ce qui me plaisait par-dessus tout, dans cette fantaisie, était de m’imaginer faisant une incursion brève et réussie dans un domaine voisin » ; c’était « la liberté d’aller et de venir » [67].
C’est une question de faculté, de capacité : « Je sais qu’il y a des esprits capables d’une concentration formidable […] et je les admire, je pense avec douleur à ce don qui me fut refusé. J’imagine naïvement leur puissance comme celle d’une vrille, d’une perceuse à laquelle des enveloppes granitiques ne résisteraient pas. J’ai vite compris que je n’étais pas comme eux [68]. »
« On est équipé d’insuffisances », dit-il dans un autre entretien. Une des leçons qu’il aura tirées de ses études grecques, c’est celle des Stoïciens : « à savoir l’idée qu’il y a des ressources, et que si on les reconnaît, alors on peut faire quelque chose ». Ainsi, cette dispersion qu’il appelle ici « inconsistance » : « le fait qu’on n’arrive pas à poursuivre une idée, […] cette difficulté à se concentrer […], à partir du moment où l’on reconnaît en soi-même cette inconsistance, qui fait qu’il faut constamment rattacher des fils qui sont en train de se rompre, si, en quelque sorte, on fait la paix avec cette inconsistance, alors on peut, je crois, construire des éléments, des morceaux de pensée, de paroles, de comportements, établir des relations avec soi-même [69]. »
Il lui aura donc fallu trouver un objet ou un domaine de réflexion propre : « celui du battement entre attention et distraction, entre dispersion et concentration » [70].
En s’appuyant sur une autre leçon, plus ancienne encore, qui remonte au lycée, au cours de philosophie. À Cusset près de Vichy. La découverte du « paradoxe de l’attention » dans un chapitre « du manuel de Cuvillier, alors en usage », consacré à la « théorie de la forme » (Gestalttheorie en allemand) [71]. « Une sorte de révélation », dit Pachet dans un entretien. Tel est le paradoxe : « percevoir une forme c’est rejeter le reste dans un fond et le rendre flou » ; ou encore : « l’attention […] ne peut se focaliser sur un objet sans reléguer dans le fond tout le reste, ce qui rend l’attention étroitement solidaire de l’inattention, de la somnolence, du sommeil, de l’oubli » [72].
De là, sans doute, son admiration pour les écrivains capables de rendre compte de la multiplicité et de la simultanéité des perceptions et des pensées (en affinité avec ce qu’il appelle la « confusion mentale », qu’il considère être l’état normal de la pensée, « le caractère hybride, mélangé, constamment interrompu de ce qui a lieu »). [73] Ces écrivains qui semblent échapper aux propriétés et aux limites de l’attention humaine (qui est nécessairement aussi une inattention).
Un exemple : Arno Schmidt. L’écrivain allemand, dans Le Cœur de pierre, par exemple, un livre sur les années 1950, « entreprend de rendre justice au caractère discontinu et feuilleté de la perception, à ses différences de tempo, aux simultanéités paradoxales qui lui donnent son épaisseur déchiquetée » ; il « défait […] l’illusoire continuité narrative de la prose » ; il restitue « la coexistence passionnante, si réaliste, entre les détails les plus triviaux de l’existence matérielle et corporelle, et la passion de savoir et de voir ». Et à propos d’un autre livre : « Chez Schmidt, tout est vu, perçu, parlé et répercuté par une pensée jamais en repos, et donc tout est emporté dans une course ultrarapide qui fouette impitoyablement phrases, lignes et pages. Ce qui est présenté n’attend pas pour être perçu différemment, pour relancer la pensée dans une autre direction ». Ce n’est pas une « vitesse » ou un « mouvement […] dans le langage », insiste Pachet, c’est « une mobilité propre à la sensibilité de l’écrivain » [74].
Et aussi un autre écrivain qui lui rappelle Schmidt : le Tchèque Bohumil Hrabal, avec « son aptitude à regarder plusieurs choses à la fois », sa « vision multiple », son « sens des simultanéités mentales » [75].
De là aussi, l’admiration de Pachet pour les universitaires et les critiques – les lecteurs au second sens du terme, symbolique, cognitif – capables de rendre compte de « l’individualité sans pareille » d’une œuvre ; ou, ce qui revient au même, d’« ouvrir les yeux sur l’immensité et la diversité des cultures et des textes ». À propos d’Apollon sonore, un volume d’Esquisses de mythologie de Georges Dumézil, par exemple : « il se soucie peu de réduire, de ramener au même » ; il « démultiplie et renouvelle, relance, fait voir des chemins là où semblait régner la brousse » ; il vise la « multiplicité ». Ou à propos du système philosophique de Rousseau étudié par Victor Goldschmidt (patron et ami de Pachet à l’Université de Clermont-Ferrand) : la « virtuosité » de Goldschmidt, c’est de savoir « distinguer les idées voisines », et ainsi de répondre « aux deux questions, de nature historique, par lesquelles s’établit l’originalité du texte » : « D’où provient telle idée (de celle-ci, et non de celle-là ; de ce domaine, et non de cet autre) ? Et : à quoi s’oppose ou répond-elle ? » Pachet insiste : au contraire d’une analyse « fondée sur des similitudes et des rapprochements (qui peuvent être approximatifs) », celle de Goldschmidt, « fondée sur des distinctions de plus en plus subtiles », serait la véritable analyse dite « structurale » [76].
Toujours différencier, rendre justice à la singularité. Pachet rapporte aussi ce mot, cette leçon de Goldschmidt : « tout livre mérite réponse » [77].
5.
Un lecteur idéal : Georges Perros (autre ami de Pachet, disparu en 1978).
En lui se conjoignent les deux sens du mot « lecture » : la lecture au sens matériel, qu’elle soit individuelle et en silence ou collective et à haute voix ; et la lecture au sens symbolique ou cognitif, c’est-à-dire l’interprétation, la compréhension, le jugement.
Perros, « ancien comédien » – même s’il est, comme dit Pachet, un « comédien raté » –, enseigne à l’Université de Brest. Il semble, d’après des témoignages, qu’il lit très bien à voix haute les textes littéraires qu’il commente et juge dans son cours : faisant entendre aux étudiants « les nuances, les inflexions, le ton de la voix, la nouveauté absolue » ; semblant, « devant les auteurs qu’il aime, aller de découverte en découverte, chacun d’eux […] redéfinissant la littérature et comme la réinventant » [78].
Perros est d’abord un « lecteur professionnel » pour le théâtre (il lit et juge des manuscrits pour le Théâtre National Populaire de Jean Vilar). Il semble mettre à profit cette expérience dans son activité de critique littéraire, dans ses notes critiques. Il lit et « apprécie les textes de façon détaillée, au mot près ». Lisant des écrivains ou des philosophes (Michel Deguy, Sartre), il semble reconstituer l’oralité, l’écoute : « Les lisant, il les écoute et les regarde [79]. »
D’ailleurs l’oralité est partie prenante de son écriture même : « phrases courtes, discrètes, composant une parole à la fois discontinue et ininterrompue » ; « écriture orale […], au carrefour de la rumination solitaire, du bavardage, de la chanson, du poème » [80].
Un autre lecteur idéal – collectif, institutionnel, celui-là : The New York Review of Books, la revue des livres américaine. Un « modèle mondial », dit Pachet dans un débat sur la critique littéraire [81].
Lorsqu’il inaugure une chronique sur le traitement de la littérature dans les journaux et magazines étrangers, il commence par The New York Review of Books : « Chaque article se développe longuement à partir d’un ou de plusieurs livres dont il rend compte, de façon à présenter un essai substantiel, très documenté (on y apprend toujours quelque chose). Les auteurs des articles sont souvent des écrivains de grande qualité (parmi ceux du passé, W. H. Auden, Hannah Arendt, Edmund Wilson […] ; parmi les écrivains actuels John Updike […]), mais aussi des universitaires ou des essayistes, voire des savants […] ou des artistes » (comme le pianiste Alfred Brendel) [82].
Dans le débat (organisé par La Quinzaine Littéraire, par Maurice Nadeau), Pachet souligne le danger qui menace le travail journalistique : « Il y a ceci ou cela qui paraît, il faudrait en rendre compte, alors que les choses prennent du temps, et pas seulement en philosophie : dans les œuvres écrites en général. » On a du mal à « prendre ce temps », à demander à quelqu’un « un travail de longue haleine ». C’est ce que fait au contraire The New York Review of Books : « Il demande à des gens de prendre le temps pour ensuite faire un article de référence, un article long dans lequel il est question, non pas d’un livre, mais de quatre ou cinq... [83] »
Un participant au débat (Jean Lacoste) lui oppose alors le modèle du Times Literary Supplement, le journal anglais, aux articles plus courts, plus accessibles, plus liés à l’actualité éditoriale. Le débat se prolonge…
Un autre lecteur idéal, qui semble conjuguer le sens de la précision et le sens de l’actualité : le poète et essayiste italien Guido Ceronetti (Le Lorgnon mélancolique, La Patience du brûlé).
Ceronetti lit l’hébreu, a traduit des livres de la Bible, lit l’anglais et l’allemand. Il possède « la culture d’un Borges ou d’un Starobinski », lit « avec sérieux et en les goûtant » les textes politiques de Machiavel, de Tocqueville. Son érudition est « fine, élégante, dominée », il ne cherche pas à « éblouir » le lecteur, mais à l’« éclairer » [84].
Et il a une qualité : « il est aussi un journaliste, attaché au présent et au quotidien » ; certains de ses textes ont été publiés dans un journal italien à grand tirage (plus d’un demi-million de lecteurs) ; avec son érudition, « il s’agit bien de voir le monde où nous vivons, de profiter de la leçon des maîtres, d’explorer ce à quoi la curiosité indéfinie voue un homme » ; « poète authentique, […] nourri de pensée biblique et prophétique », c’est « un contemporain, quelqu’un qui partage notre présent, nos angoisses, nos questions » [85].
Bien sûr, ajoute Pachet, en lisant ses essais « il faut savoir résister à leur emportement, à leurs superbes généralisations » – Ceronetti est souvent « carrément sinistre ». Mais il a une qualité rare : « avec lui la culture est vivante et vibrante, […] livres, œuvres, lieux merveilleux ou abandonnés ne sont évoqués que parce qu’ils répondent à des appels d’aujourd’hui ». C’est ce que Pachet appelle une « vertu » : Ceronetti « applique à la connaissance des réalités d’aujourd’hui la précision et le respect de l’exactitude qu’on attend d’un philologue » [86].
6.
Pour finir, un mot sur La Quinzaine Littéraire.
Nadeau fonde la revue en 1966, Pachet y publie un premier compte rendu en 1968. Et sans discontinuer jusqu’à la mort de Nadeau (2013), avec parfois des chroniques (comme « Loin de Paris », dans les années 2000). Après la mort de Nadeau, la revue est rebaptisée La Nouvelle Quinzaine Littéraire, et Pachet fait partie d’une rédaction collective, qui tente de continuer. Une partie de ce groupe quitte la revue en 2015 pour fonder la revue en ligne En attendant Nadeau, où Pachet donnera ses derniers textes (dont la chronique « Désoccupé »).
Pachet publie des comptes rendus dans d’autres revues : Les Cahiers du Chemin, Critique, Le Nouveau Commerce de la Lecture, La Nouvelle Revue Française (et plus tard, ponctuellement, dans Le Monde des Livres ou Philosophie Magazine). Mais lorsqu’il réfléchit sur son expérience de critique (journaliste) littéraire, il pense d’abord à La Quinzaine Littéraire (plus de quatre cents articles).
La critique littéraire, celle qui rend compte de « la diversité des parutions », est presque impossible (et pourtant elle est indispensable, elle est un « genre majeur », dit Pachet) [87].
Elle est presque impossible : « chaque livre (chaque auteur se faisant le porte-parole et comme le parent indigné de son livre) demande que le regard du critique se pose et s’arrête sur lui » – une exigence « muette » et « furieuse » ; mais chaque livre demande aussi au critique de « choisir » (selon l’étymologie du mot « critique »), c’est-à-dire de bénéficier « non pas […] d’une part d’attention égale à celle qui serait accordée à tous ses concurrents, mais […] de la part d’attention que lui mérite, à savoir une énorme part » ; ainsi « il est impossible, en toute rigueur, de choisir », car le critique n’a pas les moyens de « connaître ne fût-ce que superficiellement tous les concurrents » [88].
Et Pachet s’empresse d’objecter à lui-même : c’est un raisonnement « absurde » s’il est pris trop au sérieux ; on ne peut pas comparer la concurrence des livres à la « concurrence olympique » ou « sportive », ils ne sont pas écrits seulement en fonction des livres contemporains, mais « aussi et surtout en concurrence avec de grands exemples » [89].
La direction que devrait prendre la critique, alors – la critique idéale –, ce serait « une sorte de "cours de littérature" aux divers sens de l’expression : histoire littéraire (œuvres, mouvements, circonstances de la composition, filiations ou parentés historiques ou rêvées), apprentissage du goût et de la discrimination, apprentissage de la lecture et de la relecture : celle qui détecte les formes peu apparentes, la récurrence musicale des images ou des thèmes, la progression des questions, les implications réciproques entre pensée et récit » [90].
Mais Pachet juge aussitôt le verbe « enseigner » imprudent : oui, mais alors d’une façon ouverte, humble ; le critique irait « en se soumettant à ses lectures, en donnant aux livres qu’il lit le droit de le mettre en défaut, d’ouvrir devant lui des espaces dont il ne soupçonnait ni l’existence, ni même la possibilité » ; ainsi, il s’instruirait [91].
C’est à peu près le bilan que fait Pachet de sa collaboration à La Quinzaine Littéraire (après une trentaine d’années, à la fin des années 1990) : « J’y ai gagné surtout de voir se lever les sujets qui m’intéressent aujourd’hui, et de m’être instruit sur eux et sur moi : à propos de la dernière guerre, de la colère, des émotions », etc. [92]
Et dix ans plus tard :
Relisant les articles écrits pendant ces près de quarante années (conservés égocentriquement), je ne suis pas toujours fier.
En revanche je suis heureux d’avoir eu cette occasion de m’instruire dans des domaines très divers, au hasard des nouvelles publications et de ma curiosité, de l’impulsion qui me poussait souvent à aborder des écrits pour lesquels je n’avais pas de compétence, en me mettant moi-même au défi [93].
Paradoxale curiosité de Pachet. Elle semble le surprendre encore : « Je m’intéressais autant à l’histoire, aux essais, à la linguistique ou à la philosophie qu’aux romans. Ou plutôt : je me suis aperçu chemin faisant que les livres qui m’intéressaient, sans que je l’aie prévu ou planifié, relevaient de catégories très diverses. Des romans, des essais de sociologie, des œuvres poétiques, des documents historiques venaient me saisir de la même façon inattendue, avec la même urgence [94]. »
Ou plus exactement, de sa part, une conception paradoxale de la curiosité. Ce qu’on appelle « la parabole des talents » dans l’Évangile l’éclaire (Pachet n’est ni chrétien ni croyant, il s’intéresse à l’Évangile parce qu’il s’intéresse aux enseignements religieux en général ; il a reçu une éducation religieuse juive).
La parabole résumée par Pachet : « elle présente un maître qui fait l’éloge des bons placements d’argent (y compris à la banque), et blâme celui de ses serviteurs qui s’est contenté de garder, sans le dépenser ni le faire fructifier, le talent que son maître lui avait confié » – le « talent », c’est-à-dire ici une monnaie grecque (avant que le mot ne désigne dans notre culture « une caractéristique de l’individu, une aptitude ») ; et le maître, « guère recommandable », est pourtant celui « qui énonce l’enseignement du Christ : le talent qui nous a été remis n’est pas notre propriété, il n’est pas à notre disposition, mais il nous oblige, nous dicte notre conduite » [95].
Pour Pachet, il n’y a pas de contradiction, ici, entre l’enseignement chrétien et un enseignement « plus laïque » :
Car précisément il s’agit de comprendre que le talent, dans la mesure où il est humain, ne peut pas être purement individuel. Développer son talent, exercer sa curiosité en cherchant à connaître, ou à comprendre, c’est développer une dimension de l’humain, plus qu’acquérir quelque chose pour soi. Quand bien même ce que j’apprendrais ne serait pas partagé avec un autre humain, en l’apprenant je le donne plus loin que moi [96].
À ses débuts dans La Quinzaine Littéraire, Pachet emploie une expression classique, ancienne (sans doute tombée en désuétude depuis), « l’honnête homme », pour désigner l’homme de culture, le lecteur, curieux dans plusieurs directions voire dans toutes, qui se tient au courant [97].
Dans sa conception de la critique littéraire – dans sa conception élargie –, l’universalité, l’échelle de l’humanité, semble être la véritable mesure.
C’est ce que fait un lecteur dans une bibliothèque publique : il entre « en relation avec […] l’ensemble des livres rassemblés en ce lieu, l’ensemble des livres accessibles par le prêt interbibliothèques, l’ensemble des livres répertoriés ; mais aussi l’ensemble des écrivains, des auteurs » ; et « plus généralement », il entre « en relation évidente avec l’humanité, dans son déploiement temporel et intellectuel » [98].
De la même manière, le critique « doit aussi savoir qu’il travaille à chaque fois pour tous les livres, y compris pour des livres qu’il n’a pas lus, ou pas encore » ; il vise la lecture en général : en donnant « son temps et son attention à un livre, ou à un auteur, il cherche à montrer (ou à vérifier) que lire est possible » [99].
Il y a en lui quelque chose d’universel, dans l’espace et dans le temps – « les humains ne sont pas inclus […] dans une communauté de lieu, de langue ou de temps historique », dit Pachet : « L’humain veut s’étendre » [100].
Quelque chose qui touche d’une façon singulière un connaisseur et même un traducteur de grec ancien (Pachet traduit La République de Platon). À propos d’un texte de Platon, justement, Pachet médite sur ces « vingt-quatre siècles » de lecture, « avec des intermittences » ; sur « la dévotion scrupuleuse des servants […] : copistes, interprètes, érudits, traducteurs, éditeurs, professeurs, commentateurs » ; il détourne même un slogan publicitaire d’époque (au début des années 1980) : « Lecteurs. "Les hommes qui relient les hommes." [101] »
Pachet se souvient de deux de ses articles refusés par Nadeau : « un sur un livre de Yann Gaillard que j’avais traité avec une désinvolture que je regrette ; un autre sur un essai d’Ezra Pound, que j’avais aimé mais sans donner du livre une idée assez précise » [102].
Nadeau, ce jeune professeur de français « avide de lectures » à qui Pascal Pia confie la rubrique littéraire du journal Combat après la guerre. « Remarquable passage de relais », dit Pachet [103].
Nadeau et son « étonnante aventure de journaliste, de critique littéraire ouvert aux formes d’écriture les plus diverses, pourvu qu’elles manifestent une liberté et suscitent celle du lecteur » [104].
Nadeau, dont l’« autorité individuelle – solliciter, accepter, refuser, décider en dernière instance – […] venait sans doute paradoxalement aussi de la mouvance antistalinienne, antiautoritaire, où il avait milité » (les mouvements trotskystes) [105].
Nadeau, « arc-bouté sur son humour, l’ouverture de ses goûts, son travail modeste, son renoncement à faire une œuvre » [106].
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[1] Adieu, Circé, 2001, p. 35.
[2] Ibid., p. 39-40.
[3] Ibid., p. 40.
[4] Ibid., p. 81, 83, 86.
[5] Ibid., p. 28.
[6] Ibid., p. 31, 37, 30.
[8] Adieu, op. cit., p. 37.
[9] Ibid., p. 36-37.
[10] Ibid., p. 36.
[11] Autobiographie de mon père, Le Livre de poche, coll. « Biblio », 2006, p. 40 (1re édition 1987).
[12] Ibid., p. 61.
[13] Ibid., p. 40.
[14] L’Ame bridée. Essai sur la Chine aujourd’hui, Le Bruit du temps, 2014, p. 83.
[15] Autobiographie de mon père, op. cit., p. 60-61, 68-69.
[16] Ibid., p. 90, 76.
[17] Ibid., p. 76, 98, 66, 40.
[18] Ibid., p. 32.
[19] Ibid., p. 171.
[20] Ibid., p. 23, 171.
[21] Ibid., p. 71.
[22] L’Ame bridée, op. cit., p. 57.
[23] Autobiographie de mon père, op. cit., p. 111, 114, 116-117.
[24] Ibid., p. 124-125.
[25] Ibid., p. 144, 163.
[26] Ibid., p. 129.
[27] Ibid., p. 172-173.
[28] Ibid., p. 163.
[29] Ibid., p. 165, 156.
[30] « Dubuffet écrivain et penseur », La Quinzaine Littéraire, n° 174, 1973, p. 23.
[31] Idem.
[32] « Les métamorphoses de Hugo », La Quinzaine Littéraire, n° 223, 1975, p. 10.
[33] Compte rendu de V. Kravchenko, J’ai choisi la liberté !, La Nouvelle Revue Française, n° 298, 1977, p. 137.
[34] « Un problème social sérieux : la lecture », La Quinzaine Littéraire, n° 542, 1989, p. 21.
[35] Idem. Pachet commente un dossier de la revue Annales sur le thème « Oral/Écrit ».
[36] Un à Un. De l’individualisme en littérature (Michaux, Naipaul, Rushdie), Seuil, 1993, p. 18.
[37] Ibid., p. 8-10.
[38] « Bibliothèque et solitude », in La Bibliothèque dans la cité, BPI Centre Georges Pompidou / APPEL, 1993, p. 19.
[39] Le Voyageur d’Occident (Pologne. Octobre 1980), Gallimard, 1982, p. 77 ; « Le repos du savant », Diogène, n° 169, 1995, p. 50-51.
[40] Un à un…, op. cit., p. 15.
[41] Après avoir lu les historiens d’une histoire longue de l’individualisme (Peter Brown, Ernst Kantorowicz, Jacob Burckhardt), Pachet étudie des écrivains au tournant des XVIIIe et XIXe siècles : Karl Philipp Moritz, l’auteur d’Anton Reiser ; Samuel Coleridge et ses Carnets ; Thomas de Quincey et ses Confessions d’un mangeur d’opium ; et pour son livre Les Baromètres de l’âme, les premiers auteurs d’un « journal intime » : Maine de Biran, Joseph Joubert, Benjamin Constant, etc.
[42] Baudelaire, cité in « Coleridge, De Quincey, Baudelaire : la drogue de l’individu moderne », in A. Ehrenberg (dir.), Individus sous influence, Editions Esprit, 1991, p. 41.
[43] « Ces millions de gens qui n’ont pas besoin de se connaître… », Le Temps de la réflexion, VIII, 1987, p. 231.
[44] Entretien avec J.-P. Salgas, La Quinzaine Littéraire, n° 570, 1991, p. 15.
[45] Idem.
[46] L’Œuvre des jours, Circé, 1999, p. 95-96.
[47] « Koestler et le débat d’idées », La Quinzaine Littéraire, n° 349, 1981, p. 20 ; « La main d’Arthur Koestler », in J.-L. Faure, P. Pachet, Bêtise de l’intelligence, Éditions Joca Seria, 1995, p. 23-24, 32.
[48] L’Œuvre des jours, op. cit., p. 96-97.
[49] « Un après-midi avec Cioran », La Quinzaine Littéraire, n° 180, 1974, p. 7 ; « La main d’Arthur Koestler », op. cit., p. 47.
[50] « Bibliothèque et solitude », op. cit., p. 17-19.
[51] « La main d’Arthur Koestler », op. cit., p. 47.
[52] « Au bord du chemin », La Quinzaine Littéraire, n° 99, 1970, p. 19.
[53] « Magique Walser », La Quinzaine Littéraire, n° 658, 1994, p. 15.
[54] « Reddition de comptes », La Quinzaine Littéraire, n° 1001, 2009, p. 18.
[55] « Un problème social sérieux : la lecture », op. cit., p. 21.
[56] « Un après-midi avec Cioran », op. cit., p. 7.
[57] Idem.
[58] Idem.
[59] Idem.
[60] Adieu, op. cit., p. 19, 15.
[61] « La forme des jours », op. cit., p. 242.
[62] Ibid., p. 242-243.
[63] Entretien avec J.-P. Salgas, op. cit., p. 15.
[64] L’Œuvre des jours, op. cit., p. 73.
[65] Ibid., p. 76 ; « L’oubli au cœur de la conversation intime », La Faute à Rousseau, n° 54, 2010, p. 29.
[66] Entretien avec J.-P. Salgas, op. cit., p. 14.
[67] L’Œuvre des jours, op. cit., p. 72, 75.
[68] Ibid., p. 91.
[69] Entretien avec M.-C. Lambotte, Rue Descartes, n° 43, 2004, p. 75-76.
[70] L’Œuvre des jours, op. cit., p. 92.
[71] « Suis-je bête » (2e version), in A. Herschberg Pierrot (dir.), Flaubert, l’empire de la bêtise, Cécile Defaut, 2012, p. 90 ; « L’oubli au cœur de la conversation intime », op. cit., p. 29.
[72] « La forme des jours », op. cit., p. 226 ; « Suis-je bête » (2e version), op. cit., p. 90.
[73] Entretien avec M.-C. Lambotte, op. cit., p. 74.
[74] « Lire, relire Arno Schmidt », La Quinzaine Littéraire, n° 845, 2003, p. 5 ; « Réalisme de Schmidt ? », La Main de Singe, n° 4, 1992, p. 13.
[75] « Plein de verve et de liberté », La Quinzaine Littéraire, n° 872, 2004, p. 11-12.
[76] Compte rendu de V. Goldschmidt, Anthropologie et politique. Les principes du système de Rousseau, in Les Cahiers du Chemin, n° 22, 1974, p. 149 ; « Lire Dumézil », La Quinzaine Littéraire, n° 377, 1982, p. 16 ; Compte rendu de V. Goldschmidt, Anthropologie et politique…, op. cit., p. 147-149.
[77] L’Œuvre des jours, op. cit., p. 81.
[78] « Avant-propos » (avec Yaël Pachet), in B. Parain et G. Perros, Correspondance (1960-1971), Gallimard, 1999, p. 7, 14, 12.
[79] Ibid., p. 11.
[80] « Georges Perros : lucidité et poésie », La Quinzaine Littéraire, n° 293, 1979, p. 4.
[81] « Depuis vingt ans… » (débat entre des rédacteurs de La Quinzaine Littéraire), La Quinzaine Littéraire, n° 919, 2006, p. 4.
[82] Chronique « Loin de Paris » (2e série), La Quinzaine Littéraire, n° 931, 2006, p. 30.
[83] « Depuis vingt ans… », op. cit., p. 4.
[84] « À la recherche du pire », La Quinzaine Littéraire, n° 557, 1990, p. 6.
[85] Idem ; « Le devoir d’être soi », La Quinzaine Littéraire, n° 665, 1995, p. 10.
[86] « À la recherche du pire » op. cit., p. 6.
[87] L’Œuvre des jours, op. cit., p. 80 ; Réponse à une enquête sur la critique littéraire, Furor, n° 30, 2000, p. 41.
[88] « Qu’est-ce qu’un critique ? », Esprit, 1989/1 (Janvier), p. 95.
[89] Ibid., p. 95-96.
[90] Ibid., p. 97.
[91] Idem.
[92] L’Œuvre des jours, op. cit., p. 82.
[93] « Reddition de comptes », op cit., p. 18.
[94] L’Œuvre des jours, op. cit., p. 79.
[95] « Le temps qui reste », in La Curiosité, Autrement, coll. « Morales », 1993, p. 28-29. Pachet précise que le mot « talent » apparaît seulement dans l’Évangile de Matthieu (25, 14-30), pas dans celui de Luc (19, 12-27).
[96] Ibid., p. 29.
[97] « Frege le précurseur », La Quinzaine Littéraire, n° 130, 1971, p. 21.
[98] « Bibliothèque et solitude », op. cit., p. 18-19.
[99] « Qu’est-ce qu’un critique ? », op. cit., p. 97.
[100] Le Grand Âge, Le temps qu’il fait, 1993, p. 15.
[101] « L’invité », postface à Platon, Le Sophiste (édition annotée par B. Parain), Le Nouveau Commerce, n° 47-48, 1980, p. 183. Il s’agit d’un slogan des PTT (l’administration des postes et télécommunications).
[102] « Reddition de comptes », op. cit., p. 18.
[103] Contribution au dossier en hommage à Maurice Nadeau, La Quinzaine Littéraire, n° 1087, 2013, p. 4 ; « Camus, Pia et Nadeau journalistes », La Nouvelle Quinzaine Littéraire, n° 1093, 2013, p. 30.
[104] Idem.
[105] Contribution au dossier en hommage à Maurice Nadeau, op. cit., p. 4.
[106] « Camus, Pia et Nadeau journalistes », op. cit., p. 30. On peut voir et entendre Pachet interviewé en 2009 sur son activité de critique et sur La Quinzaine Littéraire.