Michaël Glück | D’une Jérusalem absente
Je vous écris d’une Jérusalem absente
d’Iroushalaïm, d’Al Qods
je vous écris d’une Jérusalem inversée qui peuple mes nuits
je vous écris sous la croisée des voix
dans l’insomnie de la blessure
j’écoute
j’écris
la main écrit
le sang dans la main écrit
le sang à l’écoute des voix
j’écris
malgré tout
contre tout
j’écris pour
Je vous écris d’un lointain titubant entre les noms
j’ai des yeux sans image
des yeux tournés vers l’intérieur des visages perdus
des yeux retournés vers l’énigme des voix
malgré tout
contre tout
qui se lèvent
pour
En ce printemps
qui donc se lèvera et dira à la poussière :
tu es homme et à l’homme tu retourneras
Yehuda Amichaï
Je vous écris de l’entre-deux des draps
un drap pour nos amours
un drap pour nos angoisses
mon lit est une tente
plantée dans le désert
les voix y sont lumières
lampes et chandeliers
poèmes
malgré tout
contre tout
debout debout
Le poème est dans l’entre-deux
Et il peut, des seins d’une jeune fille éclairer les nuits
D’une pomme, éclairer deux corps
Et par le cri du gardénia
Restituer une patrie
Mahmoud Darwish
Je vous écris d’une ville qui n’est pas encore
d’une ville qui n’est plus
d’une ville à bâtir
dans les lignes de vies
écorchées dans nos paumes
je vous écris
dans les nœuds des poèmes
Je vous écris d’une ville que je ne connais pas
écris donc, tant que tu en auras la force... ton écriture... ne sera jamais...un tison de haine alimentant le brasier des haines...
Abdellatif Laâbi
des enfants dans les rues jonglent
sous la peau d’orange on entend
la chute d’une colombe
des faucons s’envolent
dans la rumeur des fontaines
Je n’écris pas j’écoute
j’écoute
je laisse en moi monter vos voix
j’exprimerai un flot :<br
d’amour je parle, de
deux âmes sœurs qui
se déchirent et s’entredévorent
en éparpillant leurs trésors
Ibrahim Souss
Je vous écris d’une Jérusalem absente
d’Iroushalaïm, d’Al Qods
je vous écris d’une Jérusalem dont les noms chantent
des enfants dans les rues jonglent
Je jongle dans les rues d’une ville à venir
je jongle avec vos livres
malgré tout contre tout
et pour
pour
Après la pierre.
Après le feu,
redécouvrons le miracle du commencement
Michel Eckard Elial
Les lèvres des enfants jonglent avec
les noms
qui tournent les pages de vos livres
les lèvres des enfants épellent
le vent
qui occupe dit l’un
l’assiette de mon frère
qui occupe son pain
que dis-tu
dit l’autre
et il se frappe le front
personne, ni même l’ennemi, n’a le droit de laisser l’enfant hors de sa maison
Mahmoud Darwish
que dis-tu
dit l’autre
que dis-tu
dit l’un
il y a des comptines
dans le compte des morts
qui occupe dit l’un
l’assiette de mon frère
qui occupe son pain
— As-tu pouvoir de prolonger la vie ? demandait un sage à un autre sage.
— J’ai pouvoir de prolonger l’espoir, lui répondit celui-ci.
Edmond Jabès
Je vous écris un peu
un peu
rien qu’un peu
contre le silence qui mure les noms
Jérusalem Al Qods Iroushalaïm