Mobiliers et bibelots

Dès le mardi, la responsable de l’espace de vente orchestre la mise en scène des objets pour le samedi suivant, jour d’ouverture au public. Elle indique où placer tables, chaises, lits et canapés, vêtements vintage ou torchons de coton. Ce qui n’a pas été vendu la semaine précédente est déplacé, présenté différemment ou retiré de l’espace.
C’est l’une des spécificités de cette boutique Emmaüs : les objets sont disposés avec soin, pas question de les entasser dans des cartons où les gens viendront fouiller. Ici, on crée une ambiance, autant pour le plaisir des salariés que pour celui des clients.
Au coin "Ces messieurs", un homme est en train d’enrouler les ceintures qu’il dispose sur une petite table, près d’une panière débordante de cravates. Avec un chiffon bleu, il lustre à présent les quelques meubles de son espace, tandis que la voix de la responsable résonne au loin : "On va mettre une table Henri II, juste là. Pouvez-vous trouver deux chaises à placer de chaque côté… Non pas celles-là, elles donnent le cafard !"
Mobilier, bibelots, vêtements et vaisselle se mélangent pour simuler un espace de vie où tout est à vendre. Vous pourrez acheter le bureau auquel je m’assieds pour écrire aujourd’hui, comme si j’étais chez moi. Posés à côté de mes carnets et de mon écran, un presse-papier en bronze (5€), trois exemplaires anciens de la revue d’art L’Œil (2€ l’exemplaire). Derrière moi, un petit salon avec ses canapés cossus, une table basse sur laquelle sont alignées quelques coupes à champagne.
Tandis que je m’oublie à rêver dans ce salon temporaire, partout autour on déplace, on tire, on pousse. Il y a de l’énergie qui circule et des meubles qui dansent, des napperons qui se posent sur une grande table de salle à manger, bois verni, pieds biseautés, 100€, et ses six chaises recouvertes de tissu à rayures beige et vert pâle, 12€ pièce. J’imagine les repas qui ont eu lieu. Le père assis, le dimanche, sur cette chaise à présent en transit, en attente d’une nouvelle famille parce que la mère a décidé d’acheter du neuf. Ou bien la table était trop grande, une fois les enfants partis.
Lits sur lesquels on a dormi, fourchettes avec lesquelles on a mangé, cadres qui ont orné des murs, vestes de costumes, bibelots en coquillages ramassés par une petite fille sur une plage de Noirmoutier. Une écharpe de cashmere rouge.

9 mars 2013
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