Munch n’est qu’un logo d’Oslo
« Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux. »
(Guy Debord, La Société du spectacle, Buchet-Chastel, 1967, p. 12.)
On connaissait Edvard Munch, et on a appris soudain à encore mieux l’approcher, à l’intérieur même de ses toiles, depuis la parution récente du livre de Dominique Dussidour.
Et puis, hier soir, au hasard de la consultation du « moteur de recherche » Google, c’est Le Cri de l’artiste qui retentit frontalement sur la page, comme un logo interchangeable, après le gui du Nouvel an, les citrouilles d’Halloween, et peu avant le prochain traîneau du Père Noël : un tableau célèbre transformé en logo - pour faire vendre et pour faire peur (l’injonction d’acheter) ?
« Happy Birthday, Edvard Munch ! », couine même la souris si elle s’attarde sur la reproduction rectangulaire…
Pourquoi donc Google aurait-il des scrupules ? L’art est pure marchandise, l’expression artistique est monnayable, modifiable, adaptable, formatable, écrasable !
Prenez ça pour de l’art ou du cochon ! Munch n’est qu’un logo d’Oslo.
Google règne sans partage sur le Net : d’ailleurs, cet article lui-même devrait être illico « indexé » par un robot (sauf censure à la chinoise), sans que quiconque y trouve à redire.
François Bon avait déjà épinglé, le 15 novembre, le papillon en chef de l’entreprise, lesté de dollars, tenant conférence au milieu de son "staff".
Edvard Munch, lui, n’est plus là pour protester : on l’a déjà volé, de bien d’autres manières. Mais ceux qui l’aiment ne sauraient être dépossédés de son magnétisme par cette récupération de bas étage.
Eh oui, on avait hélas, durant quelques heures, oublié la « mondialisation » de la communication et son vagissement irrésistible !