Nécessaire et urgent : les gardiens des livres

Quand un livre n’est plus disponible, quand un écrivain, un artiste disparaît, il se produit un irréversible appauvrissement du monde auquel les « nouveaux entrants » ajoutent sans y remédier. Ce sentiment de perte a commencé en 1989 avec la mort de Thomas Bernhard bientôt suivie par celle de Tadeusz Kantor mais c’est l’hécatombe de ces dernières années (Bergman, Antonioni, Grüber, Hilberg, Pina Bausch, Opalka, Louise Bourgeois, Franz West...) qui m’a fait prendre conscience du lien entre mon « être écrivain » et ce qui est bien davantage qu’un environnement culturel : un milieu nourricier vital. C’est pourquoi je ressens la réédition de La Condition des soies un peu comme une restauration de mon biotope ! D’une certaine façon, cela s’apparente au sauvetage qu’ont opéré les bien nommés « gardiens des livres » dans le Moscou des années 1918, 1819, où on brûle les livres pour se chauffer, où on les troque contre de la farine et des harengs et où Mikhaïl Ossorguine avec une poignée d’intellectuels, recueillant les débris des bibliothèques éparpillées ou pillées, fondent une librairie qui deviendra légendaire. En traduisant et publiant un tel livre, les Éditions Interférences, de même que la librairie Texture où je l’ai découvert, participent, ô combien ! de ce qu’on pourrait appeler : une « écologie de la création ».

Lien : une lecture de Bruno Fern sur Sitaudis.

1er juin 2013
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