Oswald Egger | trois poèmes, traduits par Jean-René Lassalle
POMMES FENDUES | EMPAN DE PAUME, PLUIE
Coquelunes sont les mi-chemins des escargots des champs
la grand-roue de foin gris s’accélère quand s’assoupit l’été,
bourdonne vers sombre lumière.
À perte vue les perles d’herbe en foisonnante fresque, et sans vie
la vivante lisière scintillante amoncelle bucoles gouttes-coussinets
en mousse d’orties.
Suspendue sous l’érable la balançoire retorse s’engourdit,
le regain fume de ses brumes - saturé.
Corneilles à semis
attendent les cornebeaux grillons de foyer en accalmie
envolées les mouches nymphes, les guêpes galles,
fenêtres à rideaux se déploient vers l’hors-chambre, ces
chevrons des après-midis disparus
dans la meule à la borie et peut-être, pieds nus
dans l’herbe aux coupures maintenant se déplient et dégagent
les mélisses des fleurs de sureau dégouttantes du
pétillement des rhubarbes, la terre noire
aux flaques de pavot dans l’air figé nuages-miroirs,
voilages et lilas-sélin, bleu-sable
les bras des lilas
gros de pluie | lilas brasillent.
NEUMES, NON-MONDE, COROLLAIRE
Souvent je ne les hèle pas, m’y détourne encore,
closant chose, presque dicible, tari au tran
quille tamis de lumière, je compte,
embranchées devant mon nid-fenêtre, les non-fleurs.
Par dessus tout j’incline la tête, retrousse le salm-
igondis de ma bouche et tremble-trinque d’une
eau-fléole, un-flacon, tullé-je, le détache
préprécautionneusement du
sol-onge à solives de saules déramifiés. Quelqu’un pré-
servait ceci du million de sources à milliprécoce éclo-
sion jaillissante, toutes intriquées dans leur devenir
d’embellir la non-forêt,
cuves à couvains surscintillent dans le frimas odorant
des roses de gel nocturne ("flamboie-nuages"), filins grisons
et filets de glu blanche dans la flore gaze-drapant
du décor (fleurs éclate-poussière).
Chaque mot pour mot semble complètement "être"
un point pluvieux de lumière, opale hyperbleu,
les non-silences ruisselaient, en avenies, lucarnes
d’eau maurant aires irréelles (floréales d’émail)
Brins-hachures de fumerolle contrebalancent les prés de
follamanites en agrégats de pures matériau-formes
(sans fenêtres) espaliérant lais sur tapis-
series comme fleurs sur frises.
SUSJARDIN 5
Chaque jour maintenant le soleil brille et je n’ai plus si froid malgré la gelée.
Les saules candi houspillaient des pousses de rave sous les roseaux, consolé.
Bourrasques de voltes repolon, presque un écho de regret qui frissonne à mon âme.
Descendront-ils pour s’établir dans les non-vals les jardins de carrières de pierre ?
Breuil, sommeil m’ont quitté dans les clos de graminées aux abreuvoirs.
L’herbe à bœuf autour des ceps surets luit-les-pins et reneklodes.
Pommes ratatinées aux fourreaux buissons de séran, rosellent brode-panicules.
Les couleurs des soucis d’eau réémaillent ris à larguer dans les hare-hues.
Peaux bruinées enroulées sur duraiguillons, hirsutes cèleris, frelonouïes.
Mais mon rappemot m’est venu dans la charmille : si je suis.
Graines de rhubarbe entre les roses au tafia de moka ivres de gravier.
Je récolterai une faim superbe, grain de frai, trémierai sur la barbotine.
APFELSPALTEN | HANDTELLER, REGEN.
Klatschmond sind die Ackerschnecken Halbwege,
das graue Heurad, zügiger als stillt der Sommer sich,
und schwirrt ins dunkle Licht.
Sichtweit eine Malfülle von Grasperlen, und der leblos
lebendige Glastsaum zu häufigen, fluren Tropfkissen
aus Nesselmoos.
Am Ahorn hängt die Schaukel klamm und zwirn,
das Grummet dampft von Duft -satt.
Und Saatkrah
warten die Hornraben Heimchen windstill
und die Schlupfwespen und Teichfliegen entflohen,
Vorhangfenster, die ins Stubenfreie führen, diese
Sparren verschwundener Nachmittage
im Schober vom Gehöft und vielleicht, Barfüße
im Sichelgras, einfächern jetzt und schneisen die
Melissen der Holunderblüten Blatt-naß vom
Prasseln der Rhabarber, die Schwarzerde
der Luft-stillen Mohn-Lachen Spiegelwolken,
Schleiern und Silg-lilien, die Sand-blauen
Lilienarme
regenschwer | Lilien, die gluten.
NEUMEN, UNWELT, KOROLLAR
Häufig rufe ich sie nicht auf, bewende mich
noch hin, und gehege etwas, sagbar fast, Licht-
siebender Stille versiegt, und ich zähle
die ästigen vor meinem Nist-Fenster, Unblumen.
Ich beuge überhaupt den Kopf, stülpe Garn-
salm meinen Mund vor und bebe, trinke Liesch-
wasser-einen Tropf-solchen, Molten-ich und hebe
ihn vorvorsichtig ab vom
Tramb-Raum ungezweiger Weiden. Das wahrte
einer von der Tausend-bald springblütigen
Quellmillion, alle miteinander werdern
Unwald prachten,
Brut-Butten überschimmern im Duftreif
von Nachtfrostrosen ( »Lohde-Wolken« ), Graubfäden
und Weißklebernetzen vom Flor-vorhangenden
Decor (stiebender Blüten).
Jedes Wort für Wort scheint ein völlig Riesel-
lichtes Mal »zu sein« , überblau opale,
Unstillen troffen-noch, Avenien, und Gaub-
Wasser mohrten Areale (Floreale von Email)
Und Schwad-Halm Striemen überwiegend Irlhut-
Wiesen zu aggregiert schieren Stoff-Formen
(ohne Fenster) und spalieren Tapeten-
Aventüren und Fries-Blüten.
HÄNGGARTEN 5
Jeden Tag scheint jetzt die Sonne, und ich friere nicht mehr, trotz Frost.
Kandelweiden schwingten Rübentriebe unter den Riedgräsern, Trost.
Windstöße von Repolon-Volten, und fast Reuschwind zittert meinerseel.
Ob sie kommen, sich niederlassen in den Untälern Steinbrechgärten ?
Hurste, Schlaf haben mich verlassen in den Granhecken der Tränke.
Rindgras um die Herlinge der Reben fast glimmt-Fichten die Ringlotten.
Frucht-Hutzeln zu Futteralen Hechelbüschen, sie rispt-stickseln schilfern.
Ringelblumenblattfarben remailliernen Reffsel in Heetschepeetschen.
Um Hartnadeltriebe gerollte Rieselhäute, Rudickstauden, Hörnusseln.
Aber mein Rapptwort ist zu mir in den Hag gekommen : falls ich bin.
Rhabarbersamen zwischen den Steinholder-Rosen im Kiesrausch.
Ich werde herrlich Hunger ernten, Rogkorn, und auf Rainfarn trimbeln.
L’auteur :
Oswald Egger est né en 1963 dans la minorité dialectale germanophone du Tyrol d’Italie, Après une thèse sur l’hermétisme, il édite à Vienne la revue de poétologie Der Prokurist, puis s’établit dans une colonie d’artistes néo-utopiste à Hombroïch en Allemagne. Son premier livre remarqué, Herde der Rede – qui, à sa manière ambivalente, pourrait se traduire par « fourneaux de la parole » ou « troupeaux de mots » – paraît en 1999 et contient un long poème en centaines de strophes. Lignes graphiques et minces emblèmes géométrisants structurent les pages. Un complexe univers de songes et pensées se déploie articulé sur néologismes et syntaxe troublée en paysages étranges à la flore fantastique où apparaissent des silhouettes clair-obscures. Egger semble retrouver la valeur humaine de la rêverie exploratrice de la nature des Romantiques, mais corrigée pour notre époque moderne par des métamorphoses polysémiques. Il a reçu le grand prix de poésie allemand, le Peter Huchel Preis, en 2007. Les Susjardins (Hänggärten) sont un cycle de 12 poèmes de 12 vers évoquant (énigmatiquement) les 12 mois de l’année, où chaque vers est aussi un poème en soi ou monostiche.
On peut entendre Oswald Egger dire « Neumes, non-monde, corollaire » en allemand sur Lyrikline :
http://www.lyrikline.org/de/gedichte/neumen-unwelt-korollar#.VKkneJU5DIU
Le traducteur :
Jean-René Lassalle (1961) travaille à l’université de Fribourg en Allemagne. A traduit en livres des poètes germanophones expérimentaux actuels : Friederike Mayröcker, Paul Wühr, Franz Josef Czernin. Le quatrième volume à paraître est celui d’Oswald Egger : Rien, qui soit. Pour le site internet Poezibao il réalise un dossier mensuel sur des poètes de tous pays, avec traduction et langue originale. Sa propre poésie est dans Poèmes carrés (Editions Grèges).
Dessin : Oswald Egger