Pâte à chaud : la recette d’Aude
Cette filiation italienne me plaît, mais je dois avouer que ce Popelini au nom si musical me semble mystérieux et les preuves de son existence difficiles à trouver. Qu’importe. Le goût des gougères est bien réel, c’est l’essentiel. Fiction ou réalité, Popelini se serait basé sur une recette d’un précédent cuisinier de Catherine de Médicis nommé Pantanelli ou Penterelli pour créer une pâte baptisée « popelin » ou « poupelin ». Le principe consister à sécher une pâte sur le feu : une « pâte à chaud », donc – qui dérivera ensuite en « pâte à chou » au XVIIIe siècle en France après avoir été perfectionnée par Jean Avice, pâtissier de Talleyrand et Antonin Carême, surnommé « le roi des chefs et le chef des rois », premier cuisinier à porter l’appellation de « chef ». Antonin Carême deviendra célèbre pour ses pièces montées atteignant parfois plusieurs pieds de hauteur, en choux, pâte d’amande et sucre. Il leur donne des formes inspirées des ruines antiques, des pyramides, considérant son art comme une branche de l’architecture, s’inspirant de ses lectures.
Mais revenons à la gougère qui serait une descendante du « ramequin de Bourgogne », pâtisserie créée au XVIIe siècle qui connaîtra une notoriété nationale au XIXe siècle. Initialement couronne de pâte à choux agrémentée de fromage, elle se sert plutôt aujourd’hui, comme vous avez pu le constater le 13 mars au Monte-en-l’air, en petits choux individuels.
Quant à Aude Samarut, elle parle aussi bien anglais que français, elle a notamment été agent, attachée de presse, assistante d’édition et libraire – je rencontre souvent des gens qui me disent « oh tu connais Aude ! C’était ma libraire adorée au Village Voice / au Merle ! »… et travaille aujourd’hui pour l’association de librairies Initiales, pôle dynamique qui publie régulièrement des cahiers bibliographiques thématiques, par exemple… eh bien sur « la gourmandise » ou la poésie, tiens donc. Elle est également membre du jury du Prix de la page 111. Elle aime le rouge et les Paris-Brest, a une mémoire phénoménale (« mais oui, enfin, tu ne te souviens pas ? tu m’as dit ça le 21 mai 2008 à 15h30, j’étais à la page 56 de Suite suisse d’Hélène Bessette, tu portais un slim bleu marine et tu sortais de chez le coiffeur… ») et parmi ses multiples talents, on pourrait également citer la floutographie, le pogo, le déplacement télékinésique lui permettant d’aller se cogner brutalement contre des objets qui semblaient pourtant éloignés et inoffensifs quelques secondes auparavant ainsi qu’une façon très personnelle et efficace d’ouvrir les huîtres – même les Normandes sauvages, oui oui. Et surtout : l’amitié.
Pour réaliser les gougères d’Aude pour quatre personnes (on vous laisse multiplier, on vous sait gourmands), il faut :
50 g de bon fromage finement râpé de type manchego ou gruyère, le plus difficile étant de ne pas manger le fromage avant de l’incorporer à la recette.
50 g de beurre détaillé en dés.
¼ de cuillère à café de sel (à éventuellement réajuster en fonction de votre fromage, qu’il faudra donc goûter en amont, en en laissant pour la préparation, ainsi qu’on l’a dit).
25 cl d’eau.
110 g de farine.
2 œufs entiers plus un jaune d’œuf.
1 cuillère à café de moutarde.
½ cuillère à café de poivre de Cayenne.
Préchauffez votre four à 220° C (c’est-à-dire thermostat 8. Mais bon, comme on connaît son four, on fait vachement gaffe, à vous d’évaluer les caprices du vôtre).
Sortez la plaque et posez-la dans un coin, recouverte de papier cuisson – à moins qu’elle soit antiadhésive, auquel cas il suffira de la laisser quelques minutes dans sa solitude glissante et glacée avant l’ardeur.
Portez le beurre, le sel et l’eau à ébullition dans une casserole à fond épais en touillant avec quelque chose qui, en revanche, ne fond pas, par exemple une cuillère en bois. Évidemment, vous ne devez pas carboniser l’ensemble. Restez concentré, ce ne sera pas long.
Tamisez la farine sur une feuille de papier sulfurisé, me précise soigneusement Aude, puis versez-la dans le liquide bouillant, toujours sur le feu, assez doux, ce ne sont tout de même pas les flammes de l’Enfer, et incorporez rapidement.
Battez le mélange, toujours muni de votre cuillère en bois – oui, hein, on vous l’a dit, les matières plastiques, vous oubliez – jusqu’à obtention d’une pâte épaisse qui se détache du fond et des côtés de la casserole. Vous la sentez bien l’intelligence de la langue ? « Pâte à chaud », dans les effluves beurrés ? Puis retirez du feu.
Incorporez les deux œufs entiers un par un sans oublier le jaune surnuméraire, puis ajoutez la moutarde, le poivre de Cayenne et le fromage râpé. Aude me rappelle pour me dire qu’il faut « évidemment rajouter de la noix de muscade, comme d’habitude ; après tu peux aussi varier, ajouter du paprika, changer de fromage… »
On arrive au bout… Posez des cuillerées à café (ou à soupe, selon votre gourmandise) de la préparation sur la plaque – froide, donc – et faites cuire dix minutes au four à 220° C. Baissez la température à 180° (thermostat 6) et laissez cuire encore quinze minutes en surveillant. Les choux doivent être dorés. Quand je vous disais qu’il fallait bien connaître son four.
Si vous multipliez les proportions par quatre ou par six, comme je l’ai fait pour le Monte-en-l’air, sachez que la recette fait office d’entraînement pour vos biceps, si vous savez touiller des deux mains, ou pour votre biceps dans le cas contraire.
Vous pouvez servir chaud ou froid. Bien sûr, ils n’étaient pas tout juste détachés de leur plaque, au Monte-en-l’air, mais le joli coucher de soleil et la chaleur humaine ambiante faisaient tout comme…
Photo : Laure Limongi & Aude Samarut à la Fête de l’Huma, Village du Livre. Par Élisa Benslimane, 18 septembre 2011.
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[1] * « Filetta » : fougère (en corse).