Pierre Senges, L’invention érudite (journée d’études)

Pierre Senges, L’invention érudite

Journée d’études orga­ni­sée par Bruno Blanckeman, Laurent Demanze et Audrey Camus, vendredi 16 novembre 2012, Université Paris 3.
Dans le cadre des acti­vi­tés du Centre d’Études sur le Roman des Années Cinquante au Contemporain (CERACC, EA4400 « Écritures de la moder­nité », Université Paris III – CNRS), en pré­sence de l’auteur.
Voir présentation sur le site écritures contemporaines (atelier de recherche sur la littérature actuelle) de l’ENS de Lyon.

Voir aussi le dossier Pierre Senges de remue.net

« Dans les « leçons amé­ri­cai­nes » qu’il écrivait pour l’Université Harvard, Italo Calvino esquis­sait les contours de la lit­té­ra­ture à venir à tra­vers les notions de légè­reté, rapi­dité, exac­ti­tude, visi­bi­lité et mul­ti­pli­cité »1. La der­nière de ces confé­ren­ces célè­bre la forme de l’ency­clo­pé­die ouverte, qui relie selon Calvino les œuvres majeu­res du XXe siècle et dont il appelle la per­pé­tua­tion de ses vœux. Sont notam­ment cités Thomas Mann, Joyce, Musil et Proust, mais aussi Gadda, Lichtenberg, Borges, ou encore le Flaubert de Bouvard et Pécuchet, en les­quels on reconnaît les lec­tu­res favo­ri­tes de Pierre Senges.

Et s’il est un écrivain qui semble avoir entendu l’appel des Leçons amé­ri­cai­nes, c’est bien Pierre Senges. Son pre­mier livre, en forme d’ana­to­mie, exauce en effet le sou­hait de son aîné au seuil du mil­lé­naire, en fai­sant de l’érudition un véri­ta­ble conte de fées ». Au début de Veuves au maquillage, le commis aux écritures dans l’ombre duquel se tient le roman­cier expli­que ainsi que son métier « l’oblige à se four­nir en docu­men­ta­tions, en archi­ves », avant d’évoquer sa pré­di­lec­tion pour « les Œuvres Complètes d’un chi­rur­gien du roi datant du siècle des cau­tè­res, deux mille pages trai­tant d’ana­to­mie, de ban­da­ges, de vérole, de mons­tres, d’enfant sans tête, de comète en forme d’épée, et de voya­ges ». Ce nou­veau livre des mer­veilles — dans lequel le lec­teur pers­pi­cace aura reconnu l’ouvrage d’Ambroise Paré — don­nera nais­sance à la fic­tion, en même temps qu’à l’œuvre de Pierre Senges qu’elle inau­gure.

Depuis, en effet, les livres se sont mul­ti­pliés, explo­rant chacun à son tour un ter­ri­toire des savoirs – géo­gra­phi­que (La Réfutation majeure, Environs et mesu­res…), bota­ni­que (Ruines-de-Rome), scien­ti­fi­que (Essais fra­gi­les d’aplomb…) ou lit­té­raire (Sort l’assas­sin entre le spec­tre, Fragments de Lichtenberg, Études de sil­houet­tes) —pour cons­ti­tuer par­celle par par­celle une ency­clo­pé­die érudite et inven­tive. L’érudition, loin de cons­ti­tuer une clô­ture de l’attesté ou un empri­son­ne­ment dans les rets d’une réa­lité intan­gi­ble, y appa­raît au contraire comme une puis­sance de désor­dre, bou­le­ver­sant les repré­sen­ta­tions et ébranlant les cer­ti­tu­des. L’œuvre de Pierre Senges s’ins­crit par là dans cette lit­té­ra­ture contem­po­raine qui, comme Nathalie Piégay-Gros l’a récem­ment rap­pelé, réar­ti­cule for­te­ment les savoirs et la lit­té­ra­ture, s’enfonce dans l’érudition mais pour y puiser une puis­sante sol­li­ci­ta­tion de l’ima­gi­naire.

Cette réflexion col­lec­tive s’atta­chera donc prin­ci­pa­le­ment à ana­ly­ser à tra­vers l’œuvre sin­gu­lière de Pierre Senges les rap­ports renou­ve­lés de l’inven­tion et de l’érudition, la pre­mière convo­quant l’autre pour mieux la vio­len­ter par un déport iro­ni­que et des ren­ver­se­ments bur­les­ques. Alors qu’ins­tallé dans la biblio­thè­que, l’écrivain brouille les réfé­ren­ces, efface les écritures ou leur adjoint ses pro­duc­tions apo­cry­phes, on pourra notam­ment étudier ces figu­res de l’inter­tex­tua­lité que sont le copiste, le faus­saire ou l’impos­teur ; exa­mi­ner cette puis­sance d’enchan­te­ment que l’auteur sol­li­cite dans les savoirs moins pour décou­vrir la vérité que pour la contes­ter ; s’inter­ro­ger sur ces tour­nu­res baro­ques qui cons­ti­tuent un éloge lucide des appa­ren­ces, non dénué de portée sub­ver­sive. »

PROGRAMME

Vendredi 16 novem­bre 2012
À partir de 08h45 Accueil des par­ti­ci­pants, café

Matinée – L’envers des savoirs : erreurs, lacu­nes et apo­cry­phes

Présidence : Marc Dambre

09h15 Mots de bien­ve­nue & Introduction

09h45 La carence et l’excès : infor­ma­tion et lacune dans Les Aventures de Percival – Hugues Marchal (Université de Bâle)

10h15 « La chute était leur tra­jec­toire » : échec, erreurs et ratés chez Pierre Senges – Fabien Gris (Université Jean Monnet, Saint-Étienne)

10h45 La voix ago­nis­ti­que du faus­saire – Aurélie Adler (CERACC)

11h15 Discussions

Après-midi – Potentialités de la lit­té­ra­ture : études et exer­ci­ces

Présidence : Bruno Blanckeman

14h00 L’Utopie revi­si­tée – Audrey Camus (CMRC/CERACC)

14h30 Variations contrain­tes – Anne Roche (Université de Provence)

15h00 Escapades et escam­pette : deux ency­clo­pé­dis­tes en goguette – Laurent Demanze (ENS Lyon)

15h30 Discussions et Pause

16h30 Entretien avec Pierre Senges

Avec le sou­tien finan­cier de la Direction des Relations Internationales de l’Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3.

5 novembre 2012
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