Place Oberdan, texte inédit
Pèlerin parmi les ombres, le premier texte de Boris Pahor traduit du slovène, en 1990, par Andrée Lück-Gaye [1] commence ainsi :
Dimanche après-midi ; la route goudronnée qui monte, lisse et tortueuse dans les montagnes, n’est pas aussi solitaire que je le voudrais. Des voitures me doublent, d’autres rentrent à Schirmek, dans la vallée, et la circulation entrave le recueillement que j’espérais trouver. Je sais bien que moi aussi je participe avec mon véhicule à la procession motorisée, mais je me figure que si j’étais seul, ma présence, parce que je suis un vieux familier de cette atmosphère, ne modifierait en rien l’image qui repose au fond de moi, intacte, depuis la fin de la guerre.
C’est le récit d’un retour, quarante ans plus tard, en visiteur anonyme, au camp de concentration de Struthof, dans les Vosges, où Boris Pahor avait été déporté en 1944, avant d’être interné dans les camps de Natzweiler, Dora, Dachau, Harzungen et Bergen-Belsen. La question qui traverse son œuvre y est posée : comment, dans l’histoire commune aussi bien que dans les existences individuelles, coexistent et s’affrontent la terreur et la bienveillance.
Depuis, nous avons lu ici L’Appel du rivage et la trilogie triestine, des romans où se raconte, d’autre façon, l’inquiétude qui l’accompagne : jusqu’à quand cette violence où un individu en détruit un autre, et ce faisant détruit en lui-même sa propre humanité.
Boris Pahor, écrivain précis et pudique, né en 1913 à Trieste, nous a fait l’amitié de nous confier la publication de deux textes inédits en français, Place Oberdan et La Danseuse.
Traduit par Antonia Bernard, Place Oberdan met ce lieu de Trieste au croisement de la mémoire qui se souvient et du temps qui efface. Remontant peu à peu les années, l’écrivain, en suivant le fil des images qui sont restées gravées en lui, nous raconte, en quelques pages, l’histoire de ce XXe siècle qui a été le sien, et le nôtre.
Nous publierons La Danseuse dans le prochain numéro de la revue.
Nous remercions Boris Pahor de sa confiance.
DD
Place Oberdan
C’est arrivé hier, dans la forêt que traverse l’ancienne route de Kontovel [2]. Dans la partie plate juste avant la montée, dégagée ces jours-ci de toute circulation automobile pour cause de chaussée défoncée. Cette promenade en pente douce, bordée d’arbres dont les cimes se rejoignent en un arc gothique, forme un tunnel presque intime. Toujours ombragé, ce qui plaît à Zivka qui préfère éviter le soleil du mois d’août ; mais hier j’étais seul, car elle attendait un appel de Maja depuis les Dolomites.
Habituellement ce trajet constitue pour moi une préparation au départ dans les montagnes plutôt qu’une simple marche, mais les jours précédents j’étais encore imprégné de l’atmosphère colorée du lac de Krn qui relie la surface bleue du lac alpin à la mer au pied de l’escarpement de Barkovlje. Hier pourtant, ce sont des images de Trieste qui se sont imposées à moi.
J’emploie le terme « imposer » car ces images ne correspondaient pas à l’atmosphère de recueillement qu’on ressent le matin à marcher sous les arbres, elles concernaient un quartier que j’aurais préféré ne pas évoquer dans cet agréable environnement naturel. Il en est autrement quand ma pensée s’arrête sur les jetées, la vieille ville, la pente qui s’élève vers San Justo, avec sa maisonnette aujourd’hui joliment restaurée où je suis venu au monde. Bien que vivant dans cet univers de terrasses couvertes de vignes je reste dans mon âme un habitant du quartier thérésien. La place Oberdan ? Inintéressante du point de vue architectural, cependant si marquée que mon esprit y retourne en des occasions très particulières.
Ainsi, avant-hier, lors de la découverte d’une plaque devant laquelle je n’ai pas caché mon étonnement, c’est cette plaque, de façon très significative, qui m’a fait penser à lui, Guglielmo, Oberdank par sa mère, Jozefa Marija, une Slovène de la région de Gorica. D’après les chroniques, Guglielmo naquit en 1858, fils du boulanger Francesco Falciero, originaire de Noventa del Piave, mais sa mère se maria avec Francesco Ferencich, le patron des dockers, qui devint ainsi le beau-père de l’enfant. Ferencich, qui avait trois fils, se montra bon envers Guglielmo, le traita comme s’il était de lui.
C’était l’époque de l’essor économique et culturel slovène, ce que n’approuvaient guère la municipalité de Trieste, pas plus que certains milieux nationalistes, c’est pourquoi l’avenir de la ville paraissait peu radieux. Cependant les Slovènes fondaient de nombreuses institutions et n’hésitaient pas à riposter si quelque groupuscule fanatique s’attaquait à eux au retour d’une de leurs rencontres culturelles.
Guglielmo, blond, élancé, de nature réservée, enleva le k final de son nom de famille et se mit à fréquenter les irrédentistes [3], sans participer, pour autant, à leurs rixes urbaines. Il s’inscrivit à l’École polytechnique de Vienne, mais fut bientôt appelé à faire son service militaire. Ne voulant pas servir sous les ordres de la capitale viennoise qu’il haïssait, il jeta son uniforme aux orties et franchit la frontière. Instable psychiquement, une seule idée l’obsédait : comment réveiller le cœur de Trieste et allumer chez ce peuple commerçant la flamme de la révolte ? Il voulait se sacrifier, donner l’exemple, scandaliser si nécessaire ; et au moment de son arrestation à Ronke, il répéta avec ostentation que sa bombe était bien destinée à l’empereur François Joseph lorsqu’il se rendrait à Trieste en 1882. Il l’affirma encore résolument devant le tribunal afin d’être condamné, en quelque sorte, comme le coupable, celui qui aurait réellement lancé la bombe.
Oui, voilà des choses bien connues, me suis-je dit tout en constatant que ma façon de voir ce jeune homme avait changé. Il est vrai qu’il a rejeté cette consonne finale, me disais-je, mais il n’a pu rejeter, avec elle, l’archétype de la lignée de Jozefa Marija, cette tendance à l’idéalisme et à la recherche du sens de l’universel. L’aspiration de la petite communauté maternelle à dépasser son cadre étroit a été, pour le jeune homme, l’occasion d’inspirer un groupe de têtes brûlées qui rêvaient de liberté et luttaient contre le puissant empire. On a ainsi édifié dans la crypte, là où la corde avait serré sa nuque, la statue d’un homme nu figurant un martyr de la communauté italienne et, en conséquence, il est devenu l’un des innombrables jeunes hommes qui ont été tragiquement et pitoyablement perdus pour la cause slovène.
J’ai alors pensé à Franc Kavs, un jeune homme de Tolmin, à sa ceinture bourrée d’explosifs, qui devait libérer la population de la dictature fasciste lors de la visite de Mussolini ; mais Kavs est un idéal de liberté bien différent. Il n’a pas été découvert et arrêté avant l’attentat, c’est de lui-même qu’il y a renoncé car l’explosion aurait ôté la vie aux écoliers venus saluer le « Grand Guide ». Malgré cet acte hautement éthique, Kavs fut condamné à mort puis gracié ; mais le juge italien, contrairement à son collègue autrichien, le condamna ensuite pour l’intention en tant que telle.
Cela se passait plus tard, bien sûr, me disais-je, mais dès le début de cette sombre période, la place Oberdan est liée aux destinées slovènes. Elle s’appelait encore piazza Caserma (place de la Caserne) et, le 13 juillet 1920, les flammes transformèrent les cinq étages du Palais de la culture slovène en un monstrueux brasier, la place et les rues attenantes furent plongées dans « une mer rouge et incandescente », ainsi que l’écrivit Kosovel dans son poème Extase de la mort.
On célébrait ainsi, près de la place Oberdan, ce baptême de la révolution noire, celle qui décontamina Trieste des « punaises », comparaison qu’utilisait le journal de la civilisation nouvelle Il Popolo d’Italia pour désigner la population slovène.
Par la suite, la place commença à changer de visage. On supprima la fontaine où les cochers avaient l’habitude de faire boire leurs rossinantes ; devant la façade du palais construit par Fabiani, on en érigea une nouvelle qui occultait les murs noircis. La caserne et son terrain d’exercice disparurent afin de laisser place à des bâtiments de style Novecento, ainsi qu’à l’immeuble de la radio. La place se vit quelque peu allongée grâce à la perspective ouverte par le tribunal construit par l’Autriche, où le nouveau pouvoir jugeait maintenant les idéalistes slovènes, les combattants pour la liberté et les membres de la fière lignée de Jozefa Marija Oberdank. Durant la période entre les deux guerres, la justice romaine en envoya d’abord quatre devant les canons des fusils, puis à nouveau un groupe de cinq.
Hier, j’ai oublié le calme de la forêt qui m’entourait car la spécificité de la place Oberdan se nuance d’autres souvenirs pleins de menaces. C’est dans le palais dont l’entrée ouvre par des arcades et dont l’aile gauche donne sur la rue Carducci que vint s’installer, à la fin de l’année 1943 ou en janvier 1944, la police secrète nazie.
C’est là, devant ce palais aristocratique, sous ces arcades, que je fus conduit, en février 1944, à bord de la voiture découverte dans laquelle on m’avait fait monter devant la porte de la prison. On me déposa sur le trottoir afin de ne pas éveiller le soupçon chez quelque passant en cette heure tardive. C’était une arrivée tout à fait digne, probablement parce qu’il s’agissait d’un étudiant, c’est-à-dire d’un représentant (en fait, très modeste) de la culture slovène, avec lequel on désirait avoir, ainsi que l’affirma l’enquêteur, une relation amicale, comme c’était le cas, d’après lui, avec les personnes cultivées partout en Europe… Aux hôtes dans mon genre, on attribuait pourtant des locaux en sous-sol, des cellules en béton, et les manières qu’on utilisait en haut, au premier étage, étaient bien loin de celles qui conviennent aux rencontres entre personnes polies. C’est entre l’arrivée et le départ que la différence était la plus tranchée : il n’y avait plus de voiture, le responsable des « contacts avec les intellectuels » fit appeler un jeune de la milice patriotique [4] qui me ramena à la prison.
Hier, je revoyais mon expérience toute personnelle liée à cette place, l’image du trottoir sur lequel la voiture de la Gestapo avait monté avec autorité m’a transporté vers le trottoir devant le café Fabris, là où moi, âgé de sept ans, et ma sœur, de quatre, avions regardé les flammes dévaster l’édifice où nos parents nous emmenaient auparavant voir des pièces de théâtre pour enfants. Cette association d’idées m’a rappelé celles qui m’avaient traversé dans la cellule de ce bâtiment aristocratique. Elles m’avaient alors permis de lutter contre la peur et l’angoisse. Et hier, en pensant à nouveau à son désir de « rapports intellectuels », j’ai découvert que le géant de la Gestapo, bien qu’utilisant la matraque sans retenue, était doté d’un esprit de suite car mes explications à propos des documents que les membres de la milice patriotique avaient découverts chez moi, il les avait dactylographiées mot à mot, et comme mon allemand laisse plutôt à désirer, il avait appelé l’interprète italien. Il me l’avait même fait signer, ce papier, oui…
Et je me suis souvenu de ce papier au camp de concentration dans les Vosges, alors qu’on amenait souvent devant mon supérieur, le docteur Leif Poulson, tel ou tel prisonnier déjà ancien. Et à Leif, qui avait été chef de service à l’hôpital d’Oslo, de tels cas répugnaient car il savait pertinemment que le SS, après la « visite médicale », conduirait le malheureux vers les crochets fixés derrière le four crématoire. C’est ce qui arrivait aussi à ceux au sujet desquels on recevait des informations supplémentaires quant à leurs activités. Et je pris conscience de ce qui m’arriverait si le rustre constatait que tout ce qu’il avait consigné était pure invention. Il est vrai que si quelqu’un m’avait trahi à l’étage, juste au-dessus des arcades du porche, je n’aurais pas eu grand-chose à contester, j’avais réellement pris part à la réunion de fondation du comité local, c’est tout ; et le rustre se serait vengé pour m’être moqué de lui cependant qu’il cherchait à établir des « rapports intellectuels amicaux ».
Mais hier, je pensais à cette cellule située sous la place également parce que quelqu’un m’a raconté, après la guerre, qu’un camarade emprisonné et lui avaient cogné par hasard contre le mur et constaté, à l’écho, que la partie basse devait présenter une ouverture. Ils ôtèrent la plaque qui la dissimulait et se retrouvèrent dans une sorte de cagibi-garde-manger puis dans une cabane attenante au bâtiment voisin, où ils furent mal reçus, certes, mais d’où ils réussirent tout de même à regagner la rue et la liberté.
Je me demandais si j’aurais eu suffisamment de présence d’esprit et de courage dans une situation semblable. Probablement pas ; et je n’ai pas eu l’idée de sonder le mur en béton. Mais hier, au retour de cette trouée verte et faisant une pause près de la barrière à partir de laquelle les terrasses descendent vers la mer, je me demandais ce qui était arrivé à celui ou à ceux – s’il n’était pas seul – qui avaient construit ces cellules. J’imaginais le maçon que la Gestapo vient soudain chercher. Il devait déjà y songer en recouvrant cette ouverture, il ne sera pas resté à attendre chez lui. Ou peut-être que si. Des dizaines d’années plus tard, j’ai pris conscience de l’angoisse qui m’étreignait en pensant au sort qui était le sien.
En même temps, je revoyais la silhouette d’Odit Globocnik, celui que Ferruccio Fölkel appelle Windisch dans son livre sur la Rizerie [5], je revoyais qui il était réellement : avant tout un Triestin maîtrisant, comme Jozefa Marija, le parler slovène et qui avait quitté Trieste en 1923 pour s’installer en Carinthie. Il revint à Trieste avant l’occupation de 1943. En regardant la mer, ce qui habituellement me rend euphorique et fait naître en moi l’envie de descendre par les terrasses, l’idée sombre me vint que le rustre qui s’occupait de moi était ce Globocnik en personne. Je savais que ce ne pouvait être lui, mais un lien devait exister, invisible. Car ceux qu’on emmenait de la prison vers le palais de la place Oberdan étaient en majorité des Slovènes. Et c’est surtout pour eux qu’avait été conçu le charnier politique dans l’ancienne Rizerie – et c’est lui qui était à la tête de cette organisation mortifère, apparenté, en quelque sorte, aux rebelles, comme l’avait été Guglielmo, le fils de Jozefa Marija originaire de Gorica.
J’ai détourné le regard de la mer, j’avais l’impression de la profaner, et j’ai pris le chemin du retour par l’allée ombragée. Mais ma pensée demeurait sur la place qui, de toute façon, reste liée à notre passé, ne serait-ce que par le sort des otages qu’ils tirèrent de leur geôle, après l’attentat contre le mess des officiers, afin de les pendre en grand nombre dans les escaliers et aux fenêtres du Conservatoire de musique proche. Ma sœur Evka vécut alors une expérience éprouvante. Ignorant qu’on nous avait déjà déportés à Dachau, et craignant de voir son frère parmi les otages exécutés, elle prit le tram d’abord dans un sens puis dans l’autre, pour s’assurer qu’elle ne reconnaissait pas mon visage parmi ces nuques brisées aux fenêtres du bâtiment.
Quoi qu’il en soit, et malgré toutes ces images, depuis la fin de la guerre la place Oberdan représente également pour moi un de ces quartiers où l’on se presse pour régler ses affaires, que l’on traverse en allant prendre le bus. Et les bus qui montent depuis le centre-ville par d’innombrables lacets vers le sommet de Barkovlje partent justement des arcades de ce bâtiment aristocratique qui, dans les temps de l’enfer, abritait des cellules en sous-sol.
Les cellules n’existent plus aujourd’hui, et nous-mêmes, craignant de voir le bus nous passer sous le nez et participant de l’atmosphère habituelle, n’avons plus envie de revenir sur le passé. Je m’en suis débarrassé, en partie du moins, en le décrivant avec exactitude, bien qu’à la troisième personne ; de plus, mon expérience n’est qu’un modeste témoignage envers ceux qui ne sont pas revenus, eux qui ont ressenti plus durement encore les méthodes des valets de Globocnik.
Avant-hier, alors que le bus tardait, ce qui m’a permis de me promener sous les arcades, m’arrêtant devant la vitrine d’un magasin de pièces détachées j’ai été étonné de voir les nombreuses choses qu’on a inventées pour le confort de l’automobiliste. Puis j’ai longé ce porche. Là, mon regard s’est immobilisé sur une plaque dont la couleur avait attiré mon œil. Elle devait être assez récente. Je me suis approché et j’ai constaté qu’il s’agissait de la Nouvelle Banque de Ljubljana.
Je ne peux décrire le sentiment qui m’a envahi. Une sensation de contre-vérité, de mal-à-propos, de confusion des concepts, exemple typique de notre époque qui, sans cesse, donne l’impression de tout mettre sens dessus dessous.
Enfin, je suis entré dans la cour, cette cour aristocratique où je n’avais pas remis les pieds depuis février 1944, n’ayant rien à y faire. Et en vérité, sur le mur de la cour d’honneur, se trouvait une plaque sombre indiquant qu’il s’agissait bien d’une filiale de la Nouvelle Banque de Ljubljana, la capitale de la Slovénie. Au premier étage.
Probablement, me suis-je dit, à l’endroit précis où, jour après jour, on conduisait chez l’exécutant des ordres de Globocnik les détenus du Coroneo, dans ces pièces où régnaient les matraques et le courant électrique. Je n’arrivais pas à savoir clairement si j’essayais surtout de résister à cette substitution opérée par l’argent ou si j’en éprouvais une sorte de satisfaction.
Mais ce matin, j’étais dans un état d’esprit différent. En effet, j’ai compris soudain que notre lien avec la place Oberdan était plus intime que nous ne le pensions. En fait, c’était la « place Madame Oberdan ». Et même sans tenir compte de son nom, elle restait le lieu par excellence où se déroule l’histoire de Trieste et de Primorje qui est la nôtre.
J’ai constaté en même temps que si, à lire cette plaque, nous avions bien été les victimes d’une suite de défaites, je n’avais pas tenu compte, hier, du fait que sur la place il y a aussi l’immeuble de la radio, un immeuble dans lequel, en 1945, après une éternité de silence contraint, retentit, victorieuse, la parole slovène que l’administration alliée venait de confirmer comme étant chez elle et dans son droit, en ville comme dans l’arrière-pays. Et cet immeuble moderne, siège des émetteurs et des micros, se trouvait juste à côté du monument érigé en l’honneur de l’homme qui avait retranché la lettre k de son nom.
L’idée à propos de la radio et de son département slovène m’est apparue aujourd’hui dans toute sa signification également parce que, cet après-midi, dans un studio en liaison avec Paris, je dois avoir une discussion avec le professeur Evgen Bavcar, interprète plein de finesse de la destinée de notre Trieste. Du siège d’une grande station de radio parisienne, Evgen Bavcar me demandera de commenter les images les plus marquantes des épreuves qui ont marqué nos vies. Ce qui signifie, d’une certaine manière, que nous passerons en revue les maux du XXe siècle.
Je ne sais pas dans quelle mesure je saurai répondre à l’attente d’un spécialiste à qui le chef de la rédaction culturelle laisse mener une série d’émissions sur l’art ; cependant il me semble que les images et les idées associées à cette place de Trieste peuvent prendre du relief même pour des auditeurs situés hors de nos frontières.
[1] Éditions de La Table Ronde ; réédition « La Petite Vermillon », 2007.
[2] Petit village sur le plateau du Karst triestin. (Les notes sont de la traductrice.)
[3] Irrédentisme : Après 1870, mouvement de revendication italien sur le Trentin, l’Istrie et la Dalmatie, puis sur l’ensemble des territoires considérés comme italiens (Larousse).
[4] Domobranci : formation paramilitaire slovène qui combattait les communistes et collaborait avec les occupants pendant la guerre.
[5] Bâtiment d’une rizerie abandonnée où les fascistes avaient installé des cellules et un four crématoire, surtout pour les Slovènes, mais également pour les Italiens et les juifs.