Soirée de clôture de la résidence
Capturer le silence
par Jean-Damien Barbin, Gildas Milin, Adeline Olivier
et Stéphanie Béghain, Steve Fleury, Flavien Gaudon,
Antoine Orhon, Catherine Vinatier
le lundi 21 mai à 19h30 et le mardi 22 mai 2012 à 20h30, réservations au 01 46 81 75 50 ou à studio.theatre.vitry[at]wanadoo.fr
– PAN DE MURAILLE poèmes (éditions alidades)
par Jean-Damien Barbin et Adeline Olivier
La voix qui parle ici ne s’offre pas d’emblée. Fragmentaire, heurtée, allusive elle est difficile, comme essoufflée. Le tiret qui coupe, sépare, en est la seule ponctuation. La voix qui parle ici se cherche. Et d’abord, dans le mouvement d’une eau omniprésente à travers ces pages […]. Une eau qui vous emporte, vous éblouit, mais où vous pouvez aussi vous perdre.
Jacques Ancet
– SILENCE théâtre
mise en espace Gildas Milin
assistant Paco Cabezas
lumières Eric Da Graça Neves
avec
Stéphanie Béghain
Steve Fleury
Flavien Gaudon
Antoine Orhon
Catherine Vinatier
production Studio-Théâtre de Vitry
Le silence qu’on entend est un bourdonnement. Ce bourdonnement est en partie une conséquence de l’activité psychique, cérébrale, d’un homme. Ce bourdonnement, c’est aussi l’enchevêtrement des ondes venant ou plutôt « revenant » de ce qui anime encore cet homme plongé dans le coma. Ces ondes se mêlent à celles des machines cliniques qui l’assistent dans sa chambre. Cette chambre est dans la maison. La maison est un territoire dont on ne connaît pas la nature. La famille est dans la maison. La famille est dans l’inceste. Elle attend l’éveil de l’homme en question. Elle attend que le père sorte de son coma ou alors c’est lui qui attend l’éveil de sa femme, de ses enfants, du monde. Assez vite on se demande si la famille a existé, si elle existe ou si elle existera. Ici, non seulement l’interchangeabilité entre évènements passés, présents et futurs est complète, mais cette sorte de réel qui se dérobe sans cesse est peut-être rendu possible grâce à un multiplex à incarnations, aux frontières d’une mort. Ce multiplex à incarnations, c’est un théâtre où l’homme malade, blessé, entre deux mondes, refusant de se dire que « c’est impossible », invente des scenarii, des fictions, des incarnations, des histoires, laissant la porte ouverte à son retour.
Gildas Milin
EXTRAITS DU JOURNAL DE « MOUVEMENTS » AVRIL 2011.
21.04
Un vitrail dans l’herbe est brisé, à moins que ce ne soit un tapis déchiré flottant dans la rivière. Une histoire n’a plus de lieu ni d’unité, comment la lire ? Chaque éclat est un centre, difficile de relier.
Voilà dans quelle drôle de chose je suis avec ce roman aujourd’hui. Ce pourrait être une forme de résumé de la structure, en araignée. J’avais aimé celle de Louise Bourgeois devant le Tate, et rêverais d’aller voir une de ses sculptures à Vardo en Norvège, il s’agit d’une chaise avec des flammes qui commémore des victimes des chasses aux sorcières de la fin du XVIe siècle.
22.04
Hier à Vitry, je pense avoir trouvé le titre, L’automne des voix. Bon. Et un fragment en a découlé qui m’intéresse bien, voyons. J’étais concentrée sur un coin de la table de la cuisine, dehors il faisait beau, un bon petit air par la porte entrouverte, entrait dans la pièce. Dans la salle ça répétait, J.P. (Baro) et les acteurs, les copains quoi, occupaient le plateau avec « Ok, nous y sommes ». D. est descendu et je lui ai lu le petit fragment. Puis il m’a demandé : « tu penses que quelque chose manque ? qu’il faut faire le deuil de quelque chose ? ». Je ne pouvais pas lui répondre et ça me faisait violence car la question tombait très bien. Mais parfois, souvent, je ne peux pas parler, pas répondre en dehors de l’écrit. Peut-être était-ce seulement que j’étais encore trop plongée dans le fragment tout chaud. J’aimerais reprendre ce début de conversation, approfondir cette question qui reste très présente, et apprendre à répondre. L’écrit est plus fort que moi. Comment saurais-je le justifier ? Je me souviens de Gildas Milin en 2004, alors qu’on écrivait sur Lenz de Büchner, « Un auteur doit répondre de ce qu’il écrit, de chacune des phrases ».
Je pense à cette question encore et encore. Je me demande si le silence qui pèse dans ce que j’écris pour l’instant, ne vient pas comme table rase, transition avant de retrouver la parole, autrement.
20.04
Ce corps de l’écrit. La patience qu’il faut avoir avec ce qui s’écrit, contre lequel il ne faut pas être en colère. Je suis en colère contre ce qui s’est écrit, en colère contre moi, de cette langue embrouillée, dense d’une mémoire secrète qui jaillit avec tant de signes à la fois et qu’il faudrait être capable ensuite de poursuivre, poursuivre l’écriture de ces signes venus tous à la fois, poursuivre avec tous. C’est à ne pas savoir où est sa tête. Et je ne veux pas trancher. Mais arriver à prendre du champ, laisser, quitter puis revenir, puis accepter que ça se travaille par infimes petites touches. Tout de même. C’est une drôle d’aventure. Pouvoir la vivre, seulement la vivre elle, cette chance.
19.04
Rien ne me sert à rien, je me décourage à nouveau, il neige sur de l’herbe naissante. Je ne sais pas y faire. J’embrouille tout, chaque chose claire si j’entre dans la chose claire. Il faudrait que je ne la regarde pas, la chose claire. La regarder c’est entrer dedans, je ne sais pas regarder et me tenir au-dehors. Parce que je ne sais pas, regarder ce qui est tel que c’est. A entrer dedans mon regard change ce qui est, à chacun de ses mouvements. Ce qui est, qu’est-ce que c’est ?