d’Instin

vitrail du tombeau du général Hinstin, cimetière Montparnasse, Paris

« L’Homme n’est peut-être plus qu’un visage qui s’efface comme une figure sur le sable. » Foucault.

Au départ c’est une déambulation dans Paris, cimetière Montparnasse. La découverte d’une tombe étrange, celle du général Hinstin (1831-1905), avec vitrail détérioré par le travail du temps, qui défigure le visage inscrit. Une photo en est tirée. Une photo, puis une série de photos, par Juliette Soubrier. L’image trouble, les détails accentuent le trouble. C’est aussi le début du caractère collectif et transdisciplinaire du projet. Quel projet ? S’emparer du général, qui perd au passage son H qui le faisait humain historique, devient personnage-entité. S’emparer du général et lui donner une seconde vie, faire passer cet inconnu à la postérité. Pris au mot : le généraliser.

Le général devient alors ancêtre universel, soldat spectre mais aussi concept fantôme et état d’esprit, exploré dans ses décalages par Patrick Chatelier [1], initiateur du projet, puis par d’autres. Car le général contamine, chacun y met un peu de soi, pas n’importe quoi pour autant. En filigrane, souvent : des origines. Figures de père. De la mère. D’un peu de terre. Figures aussi d’auteur : « L’auteur véritable du général Instin a lancé son idée puis disparu. »

Indistinct sur son vitrail, traversé par la lumière, il est et n’est pas, il ouvre les possibles. Devant une telle image on ne sait qui regarde, qui est regardé : le miroir (se) dissout.
Et c’est cet endroit, cet entre-deux vibratoire en chacun comme en tous, qui signe la marque d’Instin.

Le tout et la partie

Chaque élément de ce feuilleton sur remue.net valant pour lui-même s’inscrit en relation avec les autres. L’ensemble tendra à dégager un portrait mouvant et énigmatique, jamais complet, contradictoire, de ce que pourrait être le général Instin, dont personne ne sait qui – ou quoi – il est vraiment (personne ne peut se l’approprier), toujours situé aux frontières : frontières de l’humanité et de l’incarnation, frontières de la vie et ses différentes formes, frontières des formes en général, des genres, des sexes, des matières, frontières des disciplines et des arts, du réel et des évidences…

Chacun de ces éléments propose ainsi une piste en vue de cerner « l’animal », comme un élément d’enquête (de quête) ou digression (de perte), s’ajoutant et répondant aux autres pistes, reliée aux autres pistes dans une perspective réticulaire.
Car le réseau serait la maison du général. Quand le paradoxe est son champ de manœuvres. Et le hasard, son terrain de jeu.

Les éléments du feuilleton sur remue.net se classaient au départ (2007) sous quatre rubriques, quatre directions composant un « essai cartographique » pour déambuler dans le magma instinien :
 les traits, aperçus du projet, pensées, aphorismes, essais critiques…
 les noms, grandes figures du projet et noms qui nous portent…
 les réels, récits d’événements autour du projet, autofictions, ateliers d’écriture…
 les générales, formes diverses d’Instin, fictions, traces, fusées…
Puis, à mesure que le projet prenait de nouvelles formes, d’autres directions sont apparues.

Un réseau des réseaux

Tendance à l’essaimage, la prolifération et l’excroissance, le général Instin ou GI est aussi visible ailleurs, différemment, en revues et sur le Web, et sous forme de livres parus aux éditions Le nouvel Attila, collection Othello (une Anthologie du projet, Climax une fiction collective, et une traduction de Spoon River d’Edgar Lee Masters).
Ce projet a donné naissance à divers travaux, littéraires, théâtraux, plastiques, cinématographiques, performances… jusqu’à l’organisation de plusieurs festivals avec de nombreux artistes invités.








12 février 2011
T T+

[1auteur d’Infiniment petit et Maternelles, (2002 et 2004) et Pas le bon, Pas le truand (2010) aux éditions Verticales.