Demain comme une traînée de poudre
« Il était grand et charpenté avec un visage de lame et de flèche. Lunettes noires sur le nez, il venait précipité son opacité et sa force contre ces murs. Il se proposait de rénover tout ce qui était crayeux et racorni. La Dame déplaçait avec elle un sombre fardeau, elle le toisa de toute sa hauteur mais l’engagea sur-le-champ. »
En une écriture magnétique et raffinée, Bénédicte Heim met en scène ces cinq protagonistes. Elle affine leurs portraits, les fait évoluer dans un huis-clos envoûtant où les corps vibrent, se tendent, se cherchent. Solitaire et sauvage, Nanthilde se rapproche du rugueux et robuste Waldebert. Elle multiplie les courses à travers les bois, passe certaines nuits allongée nue sur la pierre de la crypte. Un jour, elle surprend son frère et sa sœur intimement enlacés. Cette vision ne la quittera plus. La Dame, quant à elle, hautaine dans son boudoir, se sent attirée par l’odeur de terre qui se dégage de Waldebert.
« Elle eut subitement envie de faire adroitement claquer le fouet sur le dos de cet homme. Et d’être culbutée par lui sur le sofa. »
Les chapitres courts s’enchaînent. Les désirs s’intensifient. Peu à peu, la tension monte, lancinante et ténébreuse. Tous les mouvements, les gestes, les situations et l’évolution même des comportements des uns et des autres prédisent un dénouement qui ne peut être que radical. Il y a là, dans l’ambiance presque feutrée de la demeure, une violence sourde, un désir de jouer avec le feu et de ne pas s’arrêter en cours de route. Dès le début du roman, la mèche lente est allumée. Invisible, le fil ne cesse de se consumer. Celle qui est ciblée ne se doute de rien. Au final, la détonation durera moins d’une seconde. Ce sera sec et claquant. Comme lors de la mort du père. Mais il n’est pas besoin d’en dire plus. Riche et incandescente, portée par des phrases souples et bien ajustées, l’écriture de Bénédicte Heim est d’une imparable efficacité.
Bénédicte Heim : Demain comme une traînée de poudre, Quidam éditeur.