dessiner des signes me permet une langue muette

dessiner des signes me permet une langue muette
une langue échappée...
à cette étape-là, forcément du coup je ressors le Michaux, son soupçon de l’écriture, son désir d’un état rupestre des signes...

je laisse enfin filer. la main court. ça danse, ça parle même peut-être. ça se fait au-delà de moi. ça échappe enfin. c’est au-delà de tout sens.
ce n’est pas d’un côté ce qui est dit et de l’autre la matière. c’est la matière elle-même qui parle, qui se met à. c’est d’elle que vient une articulation comme de langage et donc une articulation de sens, ensuite.
c’est la matière, celle qui coule là, trace là, laisse petits traits qui font sens, malgré elle, comme sans elle, il émerge "malgré".

ça retravaille la lang — une langue — de l’intérieur. la malaxe là. creuse le trou.
en plein exercice de liberté.
je reviens alors au travail de pâte et matières. d’épaisseur. pas juste de jolis poèmes fluides qui glissent.

cette langue échappée peut-être même que ça dégagerait du que dire.
ça ne cherche pas à dire, ça ne cherche pas que dire, ça dit. point.

laissant "écrire", tracer libre.
tant que ce n’est pas vraiment là, pas vraiment la peine de continuer UUuU.
laisser écrire échappé.
trucs, traces. écriture, signes et signaux. balbutiements et meuglements…
le faire braire un peu, le faire meugler ce volume !

extrait de « Refonder - journal 1990-2014 »

25 mars 2020
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