Diogo Maia | Conspiration ? Respiration ? (#6)
À la fin du film, je suis sorti de la salle avec mes compagnons de visionnage et j’ai pris le couloir vers la sortie. C’était un couloir dont les murs étaient revêtus d’une sorte de rideau de scène jaune qui comprenait toute la surface. Le sol, quant à lui, était en moquette rouge, et cela nous enserrait – une alternance de rouge et jaune – jusqu’à ce l’on retrouve les escalier qui nous mènent au lobby de ce cinéma marseillais, Les Variétés. Durant ce court trajet, j’ai entendu un homme dire une chose importante à une femme. Il ébauchait le sens du film, le sens épars, celui qui s’échappe tout le temps, le sens caché, dans les pores de notre langage.
Hier, dans mon cours, j’ai dit à mes étudiants qu’en occitan le res de Guillaume IX veut dire à la fois le rien et quelque chose. L’aspect double du res m’est revenu à nouveau à l’esprit, car il est lié étrangement aux mots proférés par cet homme à la femme. La scène est péripatétique, elle est en rouge et jaune jusqu’à la sortie du cinéma. Ces couleurs m’ont rappelé l’atelier rouge de Matisse : la bidimensionnalité de son volume tissé en profondeur, une création en train de surgir.
L’homme disait que le film parlait de l’aspect double de la vérité : « Ah oui, l’un dit que le prophète est vivant, et l’autre dit qu’il est mort » Pourquoi ne pas penser que les deux prémisses sont possibles ? Entretemps, l’aspect double de la vérité (ce rien et ce quelque chose) rougissait, jaunissait en moi. C’était, peut-être, le sens qui s’ouvrait et se fermait dans ce couloir d’illusions.
Quelques temps plus tard, je suis tombé sur une icône orthodoxe, Myrophores, où il est représenté les saintes femmes (les porteuses de myrrhe), en train de regarder le tombeau vide : pas de corps, juste un linceul.
Nul ne sait jamais.
Ce qui compte c’est ce subtil détachement territorial.