Jour 9 : Régénération
En outre, à la suite du 21 décembre, s’impose le rituel des vœux permis par un changement du calendrier : en ce premier de Janus, dieu des portes, des passages et des commencements, la crédulité prévaut quelques heures sur la rationalité. La résurgence d’une cosmogonie primitive annonce les possibles retrouvailles avec la plénitude rêvée d’un monde initial.
Alors, tu te plies au jeu, tout est effacé des grondements et des colères, des injustices et des brimades, des frustrations, des vexations, des camouflets, tu iras jeune et fière dans un environnement pur et tranquille peuplé d’êtres légers et sereins.
En somme, tu fais du roman.
« Et la télévision ? Il faut allumer la télévision ! » s’écria Faïna Ivanovna, affolée, en cherchant le téléviseur des yeux. Il n’y en avait pas. « Comment est-ce possible ? dit-elle, stupéfaite. Comment peut-on vivre sans télévision à notre époque ? »
Elle dut se passer de Brejnev, de La Petite Flamme bleue et de La Nuit de Carnaval. À minuit, la pendule de la grand-mère bourdonna, et ils trinquèrent. On s’attaqua aux somptueuses victuailles de Faïna. Véra les égratignait à peine du bout de sa fourchette. La soirée qu’elle avait projetée était complètement gâchée. Les bougies brûlaient bêtement et pour rien, et les lumières du sapin s’étaient ternies, car Faïna Ivanovna avait allumé le lustre à pleine puissance en s’exclamant : « J’ai horreur de l’obscurité ! »
Sincèrement vôtre, Chourik, Ludmila Oulitskaïa, 2004.