L’atelier "Portrait étrange" |1
Pour l’atelier “Portrait étrange”, nous avons donc réuni sept personnes, adultes, amateurs (via l’Annexe, le forum des associations de Romainville, Est Ensemble, CCAS, et la médiathèque Romain-Rolland).
Gaëll, Pierre, Senay, Claudine, Khadidja, Annick, Miassa.
L’atelier a lieu d’octobre 2019 à juin 2020 à l’Annexe. Une restitution est prévue en juin.
Les premières séances d’atelier
J’explique à nouveau le dispositif, la règle du jeu. Chacun rencontre quelqu’un qu’il a déjà croisé mais qu’il ne connait pas, mène des entretiens avec cette personne, à partir de quoi il imagine, écrit ensuite un portrait théâtral.
Je mène moi-même un projet d’écriture à partir des rendez-vous avec Jean-Claude T.. Nous allons donc, nous accompagner en quelques sorte, réfléchir ensemble, tester des choses, chercher, sans doute de manière empirique, en tournant autour de deux pôles : le portrait au théâtre, et écrire à partir du réel- par l’entretien notamment, de manière parfois désordonnée, en faisant des liens, en lançant des pistes, en rêvant.
Les premières séances se déroulent autour d’échanges, lectures d’extraits de textes, documentaires etc. puis nous préparons, envisageons la suite, les modèles, les rencontres à venir et comment nous allons nous y prendre. Nous ponctuons ces séances de jeux, d’exercices d’écriture.
Nous sommes réunis autour de la table, à l’Annexe.
J’aime l’intimité qu’offre cet ancien salon de coiffure, transformé en lieu dédié aux artistes. Petite boite noire. Derrière les rideaux, une vitrine inondée de soleil donne sur la rue.
Pour commencer, je pose la question aux participants, pour vous le portrait, c’est quoi ? Et à notre époque plus précisément (avec selfies, réseaux sociaux, performatifs etc.), avec les sciences, la biologie qui nous apprend que nous sommes en perpétuels mouvements, renouvellement cellulaire, nous ne sommes pas constitué d’un bloc figé, fixe et immuable.
(Par ailleurs Jean-Claude, que je suis donc en entretien pour mon projet d’écriture et qui a un syndrome d’Asperger, évoque parfois ces questions-là, en expliquant la difficulté qu’il a, lui, à ranger, comme chacun le fait dans sa maison et dans sa vie, grâce à des choix qui s’imposent et qui, plus ou moins stables et cohérents permettent de former les contours de la personne, définir une personnalité, tandis que pour lui, la plupart du temps, toutes les possibilités lui arrivent, aucun choix ne s’impose.)
L’idée de constat, d’état des lieux comme définition du portrait. On observe ce qui est là à l’instant T. L’idée de quelque chose qu’on fixe, qu’on saisit.
Une représentation d’une personne.
Etymologiquement, le mot "portrait" vient du latin "protrahere", "pro" en avant et "trahere" tirer. Autrement dit : tirer en avant.
Autrefois, tandis que le modèle posait face à la chambre noire, le photographe et/ou le modèle même tendait à révéler la personne, en la mettant parfois en scène pour que cela soit plus explicite.
Le portrait est-il lié à l’identité de la personne ? à son âme ? (comme au début de la photographie on craignait qu’elle vole l’âme - Balzac avait cette peur). Par ailleurs il est vrai aussi que le portrait photo, écrit, filmé, fixe une certaine image de la personne, une interprétation, qui peut donner l’impression, en effet, d’être dépossédé de quelque chose, et craindre cette chose qui va sortir de soi (que le portraitiste va “tirer en avant”) et rester.
Cette idée à propos de l’âme est ancienne, mais percer le masque, révéler quelque chose de la personne, reste encore aujourd’hui pour certains photographes, un objectif.
Olivier Lugon dans “Le style documentaire” parle de “ La rhétorique du portrait comme dévoilement d’un secret essentiel”.
Le portrait donne aussi un signe de la personne, peut se manifester en une silhouette singulière.
Le 1er portrait : pour garder le souvenir des êtres chers.
Dans son “Histoire Naturelle”, Pline rapporte un des mythes fondateurs du portrait, la légende qui attribue à une jeune fille amoureuse l’invention de la peinture et la réalisation du premier portrait. La fille du potier Dibutadès de Sicyone, établi à Corinthe, voulant garder l’image de son amoureux qui devait partir pour un grand voyage, dessina sur le mur de la chambre le profil du jeune homme grâce à l’ombre projetée par une lampe. Son père, appliquant de l’argile sur cette esquisse, en fit un relief modelé qu’il fit cuire avec ses poteries.
Quelle est la fonction du portrait.
Informer- esthétique - maintenir, garder l’image de quelqu’un, lié au souvenir, à la mémoire - révélateur - reconnaissance, photo d’identité - symbolique, portrait des présidents, répertorier…
Le portrait donne le vertige du temps. “Tout portrait est destiné à passer de vie à mémoire” écrit Hubert Haddad. Il rappelle que nous sommes mortels.
Ce que le portrait contient de mort. Il tire de l’oubli ce qui risque de disparaitre.
Comment obtient-on le portrait de quelqu’un ?
Creuser photo, dessin, écrit, film, mais comment précisément, en observant le modèle, en le dirigeant, en lui demandant, en proposant des choses, en l’entretenant ?