L’atelier "Portrait étrange" |5
J’invite les participants à être à l’écoute de l’inattendu, l’inespéré, parfois c’est tout petit, c’est un détail. Chercher l’accident, on y reviendra, mais ça c’est une chose qui peut être moteur pour l’imaginaire, et l’écriture.
« Je reste longtemps dans la demeure inconnue, parfois une journée entière. Nous prenons le thé, comparons nos chemisiers achetés récemment, parlons coiffures et recettes de cuisine. Regardons ensemble les photographies des petits-enfants. Et alors seulement… Au bout de quelque temps, on ne sait jamais à l’avance ni combien ni pourquoi, survient soudain l’instant tant attendu, où la personne s’éloigne du modèle communément admis - modèle de plâtre ou de béton armé, comme sont nos monuments - pour retourner vers soi. En soi. Commence à évoquer, non plus la guerre, mais sa propre jeunesse. Tout un pan de sa vie… Il faut savoir saisir cet instant. Ne pas le laisser échapper. Mais souvent, après une longue journée emplie de paroles et de faits, ne vous reste en mémoire qu’une seule phrase (mais quelle phrase !) : “j’étais si petite, quand je suis partie au front, que j’ai grandi pendant la guerre.” C’est cette phrase que je note dans mon carnet, bien que j’aie enregistré des dizaines de mètres de bande sur mon magnétophone. Quatre à cinq cassettes… »
Svetlana Alexievitch, La guerre n’a pas un visage humain.
Penser aussi que c’est par l’observation, l’écoute que le modèle va nous diriger, nous accompagner, nous indiquer des chemins à prendre.
Alexievitch écrit encore une chose magnifique un peu plus loin : « Des textes, des textes. Partout : des textes. Dans des appartements et des maisons en bois, dans la rue, dans des cafés… Moi j’écoute… Je me métamorphose de plus en plus en une seule grande oreille sans relâche tournée chez l’autre. Je “lis” les voix… »
je disparais. Je suis habité par leurs voix et guidé par le rollers écrit encore Philippe Minyana (Epopée intime).
(Au détour de mes lectures : L’école du regard, c’est ainsi qu’on nommait le Nouveau Roman, chosifier le monde pour lui faire dégorger son étrangeté.
Me pose question.
M’amène à ce livre : Dessiner avec son cerveau droit.
Je me demande comment l’adapter à l’écriture.
Sarraute (que je chéris comme si c’était ma grand-mère !) fait ça à merveille, à l’os.)