Une traversée par le dessin

« Il existe un très grand nombre d’éditions des Chants, et parmi elles beaucoup d’éditions illustrées. Devant l’autorité malencontreuse dont le temps et l’histoire barbouillent hélas les livres, toutes ces tentatives ont en commun une certaine docilité que rien n’excuse devant un livre aussi parfaitement indocile.
J’espère que vous aimerez voir dans la liberté que je me suis offerte devant Maldoror un éclat de la liberté furieuse de Lautréamont devant toute chose ; j’espère que vous retrouverez dans mon saccage un peu de l’écho du sien. »


Extrait de la postface de M, une traversée des chants de Maldoror d’Isidore Ducasse, comte de Lautrémont, par LLdeMars.

LLdeMars l’a toujours dit, il n’a jamais lu les Chants de Maldoror comme nous sommes nombreux à l’avoir fait, c’est-à-dire hantés par la noirceur de l’écriture, sa prise directe avec l’au-delà et ses visions de cauchemar qui devenaient les nôtres. Mais loin de penser que ce fût le texte qui ne portait pas assez loin, LLdeMars pensa que c’était lui le lecteur qui ne savait pas lire — quels sont les lecteurs capables de ce doute ? Aussi, il multiplia les tentatives jusqu’à ce qu’une intuition guide ses pas vers une nouvelle lecture : « la traversée par le dessin ».

Le dessin du désastre pour lire l’écriture du désastre. Et comme si les dessins ne suffisaient pas, LLdeMars qui est également graphiste a fait se rencontrer — se télescoper — pour de vrai les dessins et le texte, qui est d’une part défiguré à force de ce graphisme — mais que l’on peut trouver dans une édition intégrale à la fin du livre, admirablement typographiée par Alain Hurtig — mais aussi, et pas seulement, mis en regard des dessins, véritable partie prenante du graphisme. Il faut dire ici que l’esprit de spécialité qui règne dans les métiers de l’édition ne met pas souvent en présence des professionnels aux compétences diverses (auteurs, graphistes, dessinateurs, photographes, imprimeurs) à égalité, et comme il n’est pas rare que de bons textes soient saccagés par des typographes peu sourcilleux ou au contraire que des graphistes de talent soient tenus de travailler sur des textes inspides. C’est dire au contraire la rareté de ce livre, puisque LLdeMars est capable ici d’endosser efficacement les costumes de lecteur, dessinateur et graphiste, que la typographie est confiée à un véritable typographe et que l’éditeur finalement a permis que les alliages demeurent non frelatés.

Si nombreuses qu’ont été les versions illustrées des Chants de Maldoror et qui souvent sont venues adoucir les angles vifs de nos mauvais rêves à sa lecture, et donc ternir le texte, dans cette traversée par le dessin, nulle chance d’une telle gêne, le livre traverse effectivement le texte et paradoxalement lui laisse, en définitive, son intégrité.

Profitant du statut libre de droit du texte, l’éditeur Six pieds sous terre a de plus l’intelligence de confier ce livre au domaine de la licence libre, l’œuvre est libre, vous pouvez la redistribuer, la modifier selon les termes de la Licence Art Libre. Vous trouverez un exemplaire de cette Licence ici

L’éditeur, Six pieds sous terre
Dans le Terrier, la présentation de ce livre.

Philippe De Jonckheere

5 décembre 2006
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