Vendredi et d’autres jours 4/
Les librairies sont fermées. Mais derrière les grilles, les livres n’ont pas disparu et le click and collect permet tout de même de renouveler ses lectures.
Voici la suite de l’entretien avec Julien Viteau.
Comment es-tu venu au métier de libraire, était-ce depuis longtemps un désir, une question de circonstances ?
Il n’y avait rien de prémédité dans ma reprise de la librairie. Six mois avant, je n’y aurai même pas pensé. J’avais une vie professionnelle très intense qui me conduisait partout en France pour apporter une "expertise" sur la prévention des discriminations.
Tout d’abord, je dois te dire que je n’ai pas repris une librairie mais que j’ai repris la librairie Vendredi. Depuis mes vingt-ans, elle est étroitement imbriquée à la trame de ma vie. J’y suis toujours venu de manière plus ou moins régulière, et j’y ai tant de souvenirs. Par exemple, Patrick qui a été une grande passion et qui a habité rue Germain-Pilon - emporté par le sida en même temps que beaucoup d’autres - m’y a acheté son premier cadeau, Enfances de Nathalie Sarraute. Il est mort depuis 25 ans mais, parfois, je retrouve la sensation exacte et joyeuse de sa présence dans la librairie comme de celles de beaucoup d’amitiés présentes ou passées.
Ensuite, l’idée de poursuivre le travail de Gilberte de Poncheville m’a beaucoup intéressé. Je n’ai pas le fétichisme des commencements. J’aime l’idée de poursuivre l’œuvre de cette femme tellement spéciale. Au fond, j’ai eu cette chance de choisir de qui et quand j’allais hériter (sans avoir à commettre de crime !).
Pas de préméditation, donc. Une prédestination, qui sait ? Je constate, aujourd’hui, que cela répond à un désir profond d’abolir la notion de travail. A la librairie Vendredi, je n’ai jamais le sentiment de travailler. Je produis des efforts physiques et intellectuels, de la sociabilité, même de la comptabilité mais rien qui ne s’apparente à un travail.