21 - Le fils du chirurgien

Qui s’éveille d’une longue narcose, après avoir subi le châtiment que la chirurgie inflige aux condamnés qu’elle relève découvre, alors qu’il respire à nouveau sans assistance, balbutie et retrouve lentement l’usage de ses yeux, le désespoir et la colère en lieu et place du coeur.

Plus tard, alors qu’on l’entretient de la convalescence, il mesure la distance infinie qui le sépare d’un morceau de chair saine et comprend, au seul mot de sa "chance", que la guerre fera le seul état de sa seconde vie.

Dehors, la fumée n’en finit pas de tourner. S’il pleure, et crie, ce n’est pas en raison du combat à mener, mais parce que son corps lui fut irrémédiablement volé. Ce qui reste à vivre, ce peu de matière, pour apprendre à désirer le cadavre.

Entre les cheminées rouges et blanches de l’incinérateur, le soleil pend comme un organe de ciment. Le fils du chirurgien lui demande l’amitié, et la mort sans le mal. Mais lorsqu’il parle, ce n’est plus en son nom propre.

Qui répondra d’une existence que la liberté fait saigner, et qui tire de sa voix, le silence ?


tableau (détail) : Emmanuel Mottu (contact Phil Rahmy)

27 mars 2005
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