A.C. Hello | La tête d’Olympe
Le cas dramatique de cette femme inconsistante, dont le corps semble s’évanouir, le cas dramatique du hurlement silencieux de cette femme qui semble simplement mue par le déplacement de l’air, pour qui il n’y a de nuit qu’entre ses dents, une nuit qui lui déboîte la bouche à ce point qu’à ce point sa salive en surabondance l’étouffe, une nuit qui frappe ses profondeurs de tout son poids de cri et de sang, et qui coule maintenant au coin supérieur gauche de sa lèvre avant de tomber et rouler au sol, la bouche excessivement ouverte. La chose tombée, la chose tombée de sa bouche, que l’on entend dans le silence, la chose dure tombée de sa bouche, le poids de cette chose dure, qui inquiète la maison et griffe les vitres, le poids de cette chose abstraite, compacte et luisante, aux pupilles contractées, dont les mâchoires claquent violemment, et qui pendant dix-sept secondes, tandis que les vaisseaux de son cou éclaboussent le cas dramatique de cette femme immobile qui, depuis une heure, un jour, un mois, un an, attend que de sa bouche se détache et tombe cette chose dure à la voix lente, dont le cœur maintenant s’arrête, qui pendant au moins dix-sept secondes escalade intensément des siècles de dégringolade d’enfants morts et vivants, des siècles de mères de filles de sœurs et d’enfants rauques qui vengeront sa mort de chose dure aux yeux rouges, qui écarte les jambes, se sert de sa bouche, et refuse de rester prisonnière dans l’espace vide où vivent, pourrissent et meurent les choses dures aux yeux rouges dans le plus total oubli, afin que les actes du pouvoir des choses dures aux yeux rouges en soient méprisés pour le bonheur de tous.
Tombée de sa bouche pleine, cette chose qui pousse hors d’elle dans le sol sale, est le signe qu’elle habite encore quelque part. Tombée de sa bouche pleine, ce grand morceau raidi, renversé sur le sol, mille fois violé, battu et humilié, déchirant et piétinant les lois anciennes et inhumaines, décapité pour avoir aimé un autre homme, tombé sous l’accusation de « sorcellerie et magie », décapité pour s’être promené sans son mari, décapité pour n’avoir pas donné de fils, décapité pour avoir accouché d’enfants morts-nés. Le sol est jonché de sang rose, le sang souille ses pieds. Tombée de sa bouche pleine, le grand gonflement de la tête dure des mères des filles des sœurs et des enfants morts ou vivants à la voix rauque, tombé de sa bouche le grand paquet de tripes qui déclare le droit de la résistance à l’oppression de toutes les choses dures à la voix lente, qui roulent depuis les lèvres de ces femmes qui tombent et qu’on enjambe, qui meurent soigneusement, la bouche brisée, comme un vieux rêve qui aurait mal tourné depuis les temps des temps anciens où la nuit frappait et frappait aux boyaux les mères, les sœurs et les filles des enfants morts des mères, des sœurs et des filles des enfants morts des mères, des sœurs et des filles des enfants morts des mères des sœurs et des filles qui ont attendu une heure, un jour, un mois, un an, que cette grosse chose lourde tombe de leur bouche, se relève et leur fasse du mal à tous, se relève et déclare l’égalité en droits des choses dures à la voix lente, confinées dans le silence.
Le cas dramatique de cette femme, figée dans le souvenir de la violence. Toute sa tête, aspirée en son milieu, forme une grande crevasse et de cette grande crevasse s’échappe un petit claquement d’air aigu. Elle respire péniblement. Son visage forme un poing boursouflé d’asphyxie et de lèvres. L’air coule comme un jus de ses narines. La salive se détraque. À peine un peu de souffle, tout se met à dormir, les choses piétinent. Incrédule, elle fixe la raison qui lui manque, elle fixe la bouillie d’oxygène et de raison qui ondule dans l’air gelé. Tout ce qui s’éloigne, broie, tout ce qui la regarde, brûle, tout ce qui tremble encore, brûle, tout ce qui la tient droite, parle la mort. Elle se déplie. Sa tête baissée tombe au sol, roule chaude et fumante.
Le cas dramatique des organismes sociaux qui nous informent du cas dramatique de l’invisibilité des femmes invisibles, restées muettes et claquant des mâchoires.