Autour de ma mère / Catherine Safonoff

Pendant que sa mère perd la mémoire, se détache de la vie et devient quelqu’un d’autre, une femme écrit. Elle ne fait pas que ça. Elle vit sa vie. Elle se déplace en vélo, entretient son jardin, croise des amis, des passants, des terrassiers qui vous rappellent qu’on n’est rien que de la poussière qui s’enfonce dans la terre, ou des enfants qui demandent : à qui appartiennent les mots ? La femme a une mère vieille et elle aussi quelque chose de déjà flétrie raconté par le miroir. Pourtant de la jeunesse encore quand il s’agit de pédaler dans les rues de Genève. Et l’écriture qui tente cela d’arrêter un bref moment le cours du temps, comme pendant l’enfance où c’était l’été pour la vie.

Autour de ma mère est un journal de bord. Un livre qui raconte ce que la vie veut et peut quand la mort se fait plus réelle et qu’elle se rappelle à notre souvenir. La mort qui revient comme le vilain lutin des contes, celui qui vient chercher l’enfant promis en d’autres temps.

L’écriture de Catherine Safonoff n’est pas de celle qui cherche à graver dans le marbre, plutôt de la glaise pas tout à fait sèche. L’imparfait du présent. Ecrire des notes au jour le jour pour repousser un dernier jour.

Rester à distance de la mère qui se transforme en furie et la fille doit improviser avec l’usurpatrice. Alors chacun de comprendre ce qu’il peut y avoir de difficile à vivre dans cette simple phrase : aujourd’hui j’ai réussi à laver ma mère. Oui, que faire de ce qui reste d’une personne quand l’âme est déjà en exil. Cette évidence : les mères finissent toujours par nous abandonner.

Et l’on pense à un autre livre, celui de Michaël Glück : Cette chose là, ma mère.

La pensée emmurée

dans le corps qui dure.

Sans un mot.

Et si l’amour permettait de garder le temps à la verticale ? Alors la femme part en Grèce retrouver les traces d’un amour ancien. Remettre en jeu son corps dans le désir d’un homme, car corps qui aime est un corps vivant. Faire l’amour dans l’oubli du temps, puis revenir dans la ville et retrouver la mère qui ne meurt pas. La mère qui est retirée en elle-même. C’est banal, c’est grave.

La mort viendra, oui mais en attendant… la nuit est vaste, les secondes filent, quelqu’un lève la tête et ouvre les bras vers le ciel noir.


Autour de ma mère – Catherine Safonoff, éditions Zoé

Cette chose-là, ma mère – Michaël Glück, éditions Jacques Brémond

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20 avril 2007
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