Benoît Artige | Figures libres, Delphine Seyrig
Elle avait pris des cours de chant, de diction et de maintien, fait des essais en noir et blanc – comme ça, pour voir –, puis en couleur, sans le moindre succès. Contrefaisant la langueur et le mystère, elle avait descendu le Gange, arpenté Paris et hanté les Grands Hôtels de stations thermales ; elle y était passée complètement inaperçue. Minée par ces échecs successifs, elle délaissait désormais les infusions thym miel citron au profit de whiskys sévèrement tourbés et, prostrée devant le téléphone qui sonnait peu, fumait avec une addiction certaine des Vogue menthol en ressassant tous les efforts – hélas insuffisants – qu’elle avait déployés jusque-là pour faire décoller sa carrière et atteindre ces qualités indéfinissables – le port de la tête, le grain de la voix, la présence – qui aurait fait d’elle autre chose qu’une très médiocre Delphine Seyrig de série B.