Colonel Prichard & Professeur Newcomer
129b Colonel Mark Prichard [Christophe Ségas]
Assez !
des bêtes qui tournaient en rond pour actionner la meule !
J’étais assoiffé de machines.
Mais •
pas comme ce fou d’Abel Melveny, 155
qui les admirait au repos, éparpillées dans son pré,
pas comme ce rêveur de Walter Simmons, 145
dont la machine infinitésimale n’était qu’un leurre.
• Non •
Je les voulais vivantes, braillardes, utiles, puissantes.
Alors j’ai commandé un moteur chez Ferguson.
C’est l’ingénieur Macey qui est venu l’installer.
Il m’a lu la notice à voix haute
comme on lit un poème à sa maîtresse,
une prière à un cul-béni.
Il a juré que les pistons avaient la force de trente chevaux.
• Oui •
Mais quels dégâts feront trente chevaux s’ils s’emballent synchrones ?
C’est ce que j’aurais dû demander
à l’ingénieur Macey,
et puis le chasser de chez moi les poches bourrées de tarte aux myrtilles •
ç’aurait été peu cher payer
ma vie sauve.
Car le moteur a explosé
déchiquetant la meule
et ma cage thoracique.
129 Professeur Newcomer [Edgar Lee Masters, traduction Général Instin]
Tout le monde a ri du colonel Prichard 129b
parce qu’il avait acheté un moteur si puissant
qu’il finit par exploser, faisant exploser
la meule qu’il actionnait.
Mais voici une blague de taille cosmique :
l’impulsion naturelle qui pousse un homme
à puiser dans son cerveau une vie spirituelle —
ô miracle du monde ! —
ce même cerveau avec lequel le singe et le loup
trouvent nourriture et abri, et se reproduisent.
La nature a poussé l’homme à agir ainsi,
dans un monde où elle ne lui donne rien d’autre à faire
après tout — même si la puissance de son âme
s’emballe dans un navrant gaspillage d’énergie
pour actionner les moulins des dieux —
que trouver nourriture et abri, et se reproduire.
voir la suite du dossier Spoon River [prolongations]