Hélène Frédérick | Elle est telle
Au sommet, la boucle, et les perles, dans la torsade d’or. Combien de perles, du hasard, éparpillées, parmi d’autres boucles, et le fruit, tout à la droite, suspendu, un peu plus loin de la nuque, le fruit, bien au-dessus de l’arbre, bien rouge, sang, et derrière elle. Ce fruit ne fut pas, mais se contenta d’être suspendu, de ce temps de vie. Nuages clairs, d’avant la fin, mais sans promesses. Et de cette chaînette, entrant et sortant de la torsade, parmi les perles, comme pour tout en retenir, maintenir l’abondance fragile, vouloir préserver mais en vain de la chute toute cette abondance, la lui faire éviter, et laisser libre le visage, le laisser mieux lire la fin. De ce temps d’avant, le bouquet généreux, mais sombre, de révélateurs mystérieux, chuchotis. Sous lui, peut-être derrière, la chaleur d’une bête, un loup, ce que cache la terre lisse et presque dorée, ou les broussailles ?
Elle est telle. Et devant elle l’arbre décharné, cette fois-ci, et qui se tend vers les lèvres nouvelles, d’un mouvement de grâce. La fin cherche à joindre le début.
Le long cou laissant l’épaule sans forme, l’ombre de l’épaule dans l’étoffe, trésors dissimulés, un creux pouvant laisser échapper la bête qui n’est que queue noire à deux bouts, la langue, puis l’extrémité, tendent, l’un vers l’autre comme l’arbre décharné cherche la bouche. L’étoffe et la terre lisse, une terre pauvre ou un sable fécond.
Et pourquoi l’ombre de la queue de la bête sur la peau encore intacte ? D’où vient la lumière qui n’éclaire que le buste immaculé ? le nacre encore prisonnier, mais qu’à demi, de l’étoffe ? Émane-t-elle du corps ? Elle tombe d’au-dessus de lui, et les plis, deux, sous le bras deviné, mais dont la suite, sous le tissu, pourrait ne jamais se terminer.
Pourquoi pas l’écume comme du lait. Répandue sur la terre lisse, une pointe tendue vers le rayonnant, l’autre pour l’œil seul, toute à lui, à l’œil, l’arrondi s’est dressé, sans secousse.
Rayures sur l’étoffe, quadrillés de losanges, petites croix, tissu rappelant la cheminée, l’intérieur, le secret, couleurs de terre, de chair, et le vert forêt. Que se peut-il dessous, après ? Des bêtes ailées ? Comment ne pas voir, sur le menton, la fin de l’arbre dessinée, et la lèvre inférieure, comment ne pas la voir éviter de se fendre ?
Sommes-nous seuls avec elle ? Et le ciel noir ? Y voit-on réellement quelque chose ? Et la mer obscure, et ses vapeurs. Le nez dessiné, le masque laiteux, devant le sombre, flou, l’informe, et l’oreille en retrait, dessous la chevelure morte, mais en lumière.
Elle n’entend pas. L’oreille. Et le visage est moins clair que le corps, peut-être parce qu’il sait.
Elle est telle, que son œil n’ignore rien de ce qu’elle a été engouffrée, et sa tête tient, sur le long cou, pour ne pas rouler de crainte, l’œil ouvert, affirme, croit, connaît ce que le sol ignore, ce que la lise ingère d’un trait.
Et l’œil toujours, appuie, s’applique, salue dignement. Sans s’incliner.
Elle est telle. Et devant elle l’arbre décharné, cette fois-ci, et qui se tend vers les lèvres nouvelles, d’un mouvement de grâce. La fin cherche à joindre le début.
Le long cou laissant l’épaule sans forme, l’ombre de l’épaule dans l’étoffe, trésors dissimulés, un creux pouvant laisser échapper la bête qui n’est que queue noire à deux bouts, la langue, puis l’extrémité, tendent, l’un vers l’autre comme l’arbre décharné cherche la bouche. L’étoffe et la terre lisse, une terre pauvre ou un sable fécond.
Et pourquoi l’ombre de la queue de la bête sur la peau encore intacte ? D’où vient la lumière qui n’éclaire que le buste immaculé ? le nacre encore prisonnier, mais qu’à demi, de l’étoffe ? Émane-t-elle du corps ? Elle tombe d’au-dessus de lui, et les plis, deux, sous le bras deviné, mais dont la suite, sous le tissu, pourrait ne jamais se terminer.
Pourquoi pas l’écume comme du lait. Répandue sur la terre lisse, une pointe tendue vers le rayonnant, l’autre pour l’œil seul, toute à lui, à l’œil, l’arrondi s’est dressé, sans secousse.
Rayures sur l’étoffe, quadrillés de losanges, petites croix, tissu rappelant la cheminée, l’intérieur, le secret, couleurs de terre, de chair, et le vert forêt. Que se peut-il dessous, après ? Des bêtes ailées ? Comment ne pas voir, sur le menton, la fin de l’arbre dessinée, et la lèvre inférieure, comment ne pas la voir éviter de se fendre ?
Sommes-nous seuls avec elle ? Et le ciel noir ? Y voit-on réellement quelque chose ? Et la mer obscure, et ses vapeurs. Le nez dessiné, le masque laiteux, devant le sombre, flou, l’informe, et l’oreille en retrait, dessous la chevelure morte, mais en lumière.
Elle n’entend pas. L’oreille. Et le visage est moins clair que le corps, peut-être parce qu’il sait.
Elle est telle, que son œil n’ignore rien de ce qu’elle a été engouffrée, et sa tête tient, sur le long cou, pour ne pas rouler de crainte, l’œil ouvert, affirme, croit, connaît ce que le sol ignore, ce que la lise ingère d’un trait.
Et l’œil toujours, appuie, s’applique, salue dignement. Sans s’incliner.
Hélène Frédérick
(Interprétation très libre du Portrait de Simonetta Vespucci, de Piero di Cosimo)
Hélène Frédérick est née au Québec en 1976 et vit à Paris depuis cinq ans. Elle publiait en janvier 2010, aux éditions Verticales, son premier roman, La Poupée de Kokoschka.
Son blog.
Hélène Frédérick sur remue.net
Elle est à voir et entendre en lecture lors de La Nuit remue 5.
30 août 2011