Hugo Pernet | Décongélation
Chère Marie
Contrairement à celle d’un ordinateur, la batterie du poème se charge quand on l’utilise (et se décharge quand on ne l’utilise pas). Depuis quelques années, j’écris en si faible
quantité (et de si faible intensité) que je n’ai même plus l’impression d’être poète. Voilà ce que je te propose : je vais essayer d’écrire un poème. Ou plutôt : je vais simplement
poser ma cervelle sur la table - et la regarder fondre. Pour ce qui est des dégâts en cuisine, bien sûr on ne sait jamais où l’eau va couler, mais on déciderait de s’en foutre, pour une fois.
*
formulation
on multiplie la concentration par dix
pour un résultat nul
à part trainer sur internet
la poésie ne jaillit pas des doigts
(dix)
le ventilateur
vaut le disque dur
du vent, du vent
le soleil fait puer la merde
l’air frais vit sous les feuilles
à lire en mangeant des chips
leurs voix
sans incidence
si on passait d’une case à l’autre
un droitier devient gaucher
un gaucher se sert de ses pinces
oh (ou ah)
que la fraîcheur réintègre
ce poulet
si on
torchait
une fin
à ce navet
chef-d’œuvre
de
climatisation
de l’eau
à l’état pur
(attendez vous
à une avalanche de pureté)
comme on ouvre
le frigo
la métaphore passe
difficile
de se battre
avec des mains
qui sont effectivement des mains
la poésie doit être chiante
les voisins sont toujours
des connards (sauf ceux qui sont sympas)