Je hais les dormeurs | Violette Leduc

Les éditions du Chemin de fer ont eu la bonne idée de rééditer un texte de Violette Leduc écrit en 1948. Texte que l’on peut lire, sous une forme écourtée, dans le roman Ravages.

Pour ceux qui n’ont jamais lu ou ne lisent plus Violette Leduc, ce texte vient nous rappeler l’originalité et la vitalité de cette affamée des autres et d’elle-même.
Un texte qui cherche à tenir à distance la mort, même celle qui s’ébauche dans le sommeil.

« Je hais les dormeurs. Ce sont des morts qui n’ont pas dit leur dernier mot. »

Violette Leduc creuse la langue comme des mains creuseraient la terre pour y trouver un trésor, avec cette conviction qu’il suffit d’y croire pour que le miracle ait lieu. Elle épuise le sens avec l’espoir fou que Dieu pourrait surgir des mots.

« La nuit est lente. Que la tristesse inexprimable envahisse mon esprit, que je puisse grimacer aux anges. Monte plus haut vague de deuil. Retombe et sers-moi de suaire. »

Si elle revient sans cesse à la chair des corps, c’est que celle-ci respire, transpire, saigne et déverse ses humeurs. Donne des preuves de son vivant.

Violette Leduc se méfie des promesses du futur, c’est maintenant qu’elle veut vivre. Avec ses phrases heurtées et parfois suppliantes, elle harcèle le présent, réveille le lecteur. Ne lâche rien.

« Toi, quand tu dors je te hais »


Les éditions du Chemin de fer propose des petits formats qui allient texte (Annie Saumont, Henry Bauchau, Pierre Autin-Grenier) et travail d’artiste (Vincent Bizien, Frédéric Arditi).

Les illustrations de Béatrice Cussol qui accompagnent le texte de Violette Leduc offrent un éclairage très coloré, presque joyeux, au premier abord. Plus troublant et féroce quand l’oeil s’éloigne et que les détails apparaissent.

Fabienne Swiatly

18 mars 2007
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