Philippe Lefait | Le choix des "Mots de minuit"

Né à Genève il y a 32 ans, Philippe Rahmy porte des chapeaux et fait de l’égyptologie. Il pleure, coule, se masturbe et meurt à petit feu constant, dans la peau et dans l’âme, de l’irrémédiable - la maladie des os de verre. L’auteur avait déjà entamé dans Mouvement par la fin (2005) - un premier livre - un « portrait de la douleur » qui lui fut « offerte au lieu de la vie » et qu’il « respire comme la mer ». Cette chronique est inapte à vouloir rendre ce que ses mots bouleversants lui permettent de survivance.

Demeure le corps, chant d’exécration poursuit le travail de l’écrivain. « Savoir que je me tue en chacun de mes mots parce que je n’ai d’autre moyen pour témoigner de ma bonne foi que de laisser ce corps en gage ; Je ne fais aucune différence entre lui et ce que je souhaiterais écrire ... » Le lecteur éprouve plus qu’il ne lit une poétique qui « mesure la résistance des chairs ». Elle est éprouvante mais nécessaire. Il peut offrir à lire et à partager sans compassion l’absurde humanité et l’abomination d’un corps réduit à un « orifice naturel du malheur ». La morphine et les opérations font le reste. « Les crises agrippent le ciel. » Car, il y a une mère, un rire qui balaie les couloirs d’un hôpital, le vent, une fenêtre …

« Comment ne pas mourir ... » L’agonie de Philippe Rahmy ouvre à la conscience du nous, les autres. « Les livres qui comptent, ceux que personne ne peut écrire ; la vie, celle dont personne ne veut, mes draps témoignent de ce qui fut gagné sur le mensonge ...

Avec Demeure le corps, la collection « Grands Fonds » chez Cheyne Editeur confirme sa vocation à réunir des textes choisis pour leur vérité humaine et leur exigence formelle.

Demeure le corps, Philippe Rahmy
Cheyne éditeur, 64 p., 14,50 €
.

11 octobre 2001
T T+