Jean-Marc Undriener | Bout
D’abord, je ne me suis jamais trop soucié de partager mon travail... Ce n’est que maintenant que ça me travaille... Sans trop savoir pourquoi... Je dirais que j’ai traversé le miroir et que celui-ci m’a pas mal déformé... Ce que j’écris est encore et toujours empreint de cette expérience qui me fonde, de cette cassure... Je ne sais jamais trop où je mets les doigts quand j’écris. J’écris, et puis je regarde ce que ça donne... Je ne force pas les choses... C’est compliqué, finalement, de parler de ce que je fais. C’est confus. J’aimerais que ça parle tout seul sans que j’ai rien à en dire.
BOUT
corps pierre ou fonte
colonne lentement
partout dans l’os
correspond douleur
tout se soude pénible
cloué on est dans le vrai
plein centre plein cadre
on sent de moins en moins
on s’éloigne dur
durci
au fond pourtant ça s’effrite
plus loin le silence
*
presse l’urgence de remuer
là ne fuit pas là ne coule rien
dans la stupeur
n’avancent pas les membres
ou trop peu pour soi
restent tels quels
la pensée les mots durs aussi
froids
*
rester alors
rade obscure
ce coin de la chambre
l’espace du lit
prolonge le corps un peu
d’un bord à l’autre
ou en fait pas
on n’en sait rien
*
du temps travaille
contre - entre les côtes
là où le vide prend
se compacte en boule
quelque chose coule
sans se retenir
sans qu’on puisse
manque au souffle
comme un espace
ou plus
absent comme on est
il y aurait urgence
*
en pièces on se trouve
trop tôt mais tel est
fermé dedans sans ciel
avec les mots pour libérer
quoi de quel lien
écrire décime
fatigue écrire
pour recoller
les bouts recoudre
une angoisse
de plus
pour finir
*
à triple tour donc
tourner on tourne
longer tout comme
bien proprement
chambré fauve
à cogner quatre murs
dans une tête
ça ne durera pas
*
enterrer le tout
profond dans le coin
puis faire comme ça
son deuil ou comme si
porter le poids de
pas grand chose
a lesté quand même
de l’air
du vent
*
vue sur la plaie
derrière la vitre
coupé c’est ça
panser donc
mais on on ne fait rien
ça passera ou pas
la façade à bras le corps
sauver ça tout ce qui compte
vivre en vrai
on laisse pour plus tard
quand on aura fini
de touiller l’inutile
©PhotoSwiatly