Joar Tiberg | Entrejambe 2/2

Les poèmes suivants sont extraits des pages 78 à 85 de Mellanben (Entrejambe), 2001.

Traduit du suédois par Julien Lapeyre de Cabanes.

 

Le rat.
Lueur froide sur le fjord d’Oslo.
Froide lumière. Les hommes montent avec des bâtons colorés vers la montagne.
C’est dimanche.
Le rat.

 

 

Il y a une lumière froide sur le fjord.
Ça doit être là.
Ici un tas de mots manque.
Une bande de corneilles posées sur le talus en bas d’Akerselva.
L :` l:mi:re s : c:ch e
Maintenant ça se déplace.
 

 

Maintenant tout est tout blanc
ça étincèle
se tient dressé le dos contre le mur
ici manque une voiture
ici se tiennent plusieurs corneilles…
elles se basculent
 

 

font signe
un signe plein
…..
ici un tas de mots manquent
le petit poème brillant tourne au-dessus de la scène
blanc
r:nc:ntr :
oh oh oh
 

 

ille fait un clin d’œil
comment ça vient
j’introduis le tube
pendant qu’ille le tient dans sa bouche
ici rien ne manque
 

 

il commence à saigner
un oiseau
un petit cochon en écusson
ici il manque un sens
le petit écrrrrrime consonantique
ça sent le gruau

 

 

lève-toi tôt
des pas
le gros fruit ille le montre
découpe-le entre les j:mb:s, là derrière
la loangue blanche qui coule
faesses
ao:h
ça affarme le coaur et les douagts

 

 

i:i ça :tr:ngl : prof:nd`m:t
d:d:ns
les petits bonds espoirs
le rat
qui est droit
c’est devenu un trou

 

 

Joar Tiberg est un poète, journaliste et traducteur suédois né en 1967. À ce jour, il a publié dix recueils de poésie, la plupart chez le prestigieux éditeur Bonnier, dont : Vindusikter för söndagen (Paysages venteux des dimanches), 2001 ; Mellanben (Entrejambe), 2006 ; Fåglar i förorten (Oiseaux en banlieue), 2007 ; Ansvaret Ansvaret Ansvaret Ansvaret (Responsabilité Responsabilité Responsabilité Responsabilité), 2010 ; Tung trafik och lilla vägen (Trafic dense et petite route), 2013 ; Fåglar i fält (Oiseaux au loin), 2014.
Joar Tiberg se définit comme « travailleur des mots ». Son œuvre poétique expérimentale déconstruit et reconstruit la langue du quotidien, dans des formes brèves ou litaniques. Il s’inscrit aussi, à la suite de Bengt Emil Johnson, dans la tradition suédoise de la poésie des oiseaux, auxquels il a consacré trois livres qui ont connu un franc succès.
Joar Tiberg est aussi écrivain de livres pour enfants, dont un a été traduit en français (Salut la peur ! Actes Sud). Il est également traducteur, de l’anglais et du français : notamment des poèmes de Michel Houellebecq Rester vivant, ainsi que d’Anne Portugal.

Julien Lapeyre de Cabanes vit à Berlin où il se consacre à la traduction du suédois et du turc. Pour remue.net, il a également traduit des poèmes de Bengt Emil Johnson.

15 janvier 2016
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