Les Ateliers d’écriture à la Cimade
par Virginie Poitrasson, en résidence à la Cimade,
dans le cadre du dossier transversal ateliers d’écriture en résidence.
J’ai animé des ateliers d’écriture en école d’art, en lycée, en collège, auprès d’étudiants mais c’est la première fois que je travaille avec des femmes migrantes, qui ont pour certaines été victimes de violences. L’enjeu dans ces ateliers à la Cimade est tout autre, il ne s’agit pas seulement d’exercices d’écriture, mais de donner la parole à des femmes à qui on l’a rarement donnée. Dans ces ateliers, en s’appropriant l’écriture et en parlant de ce dont elles n’ont jamais parlé, elles entament une reconstruction personnelle.
Je n’ai pas été formée aux ateliers d’écriture, mais en qualité d’écrivain, l’écriture m’a formée et je suis à l’écoute des mots quotidiennement. Les participantes sont toutes francophones mais maîtrisent plus ou moins la langue française. Cet atelier offre un temps privilégié d’écriture et de parole où chacune d’entre elles peut s’approprier la langue française et la faire sienne.
Je ne me suis pas documentée pour ces ateliers, même si je côtoie de longue date les pratiques de François Bon sur son site le tiers livre.
La première séance s’est déroulée dans une des permanences de la Cimade, à Batignolles dans le 17ème. J’appréhendais qu’aucune participante ne vienne car la majorité d’entre elles se trouvent dans des situations très précaires à cause de leur situation administrative, elles ont des difficultés pour se loger et ne savent pas pour la plupart combien de temps elles pourront rester en France. Finalement sur cinq inscrites deux sont venues. Et depuis le groupe s’est bien élargi et des habituées reviennent régulièrement. L’atelier est devenu un lieu de rendez-vous convivial et privilégié où chacune partage son intimité avec les autres.
Généralement, pour chaque séance je pars d’une consigne avec une contrainte littéraire, les contraintes littéraires étant d’excellents garde-fous. Cette consigne s’inspire d’un texte littéraire (inventaire des lieux où j’ai dormi, je me souviens demes premiers jours en France, quandj’étais petite, portraits familiaux, etc). La première moitié de la séance est consacrée à l’écriture, chaque participante écrit à partir de la consigne, puis ensuite vient le temps de l’échange, là chacune à leur tour, elles lisent, parlent, commentent ce qu’elles viennent d’écrire. Il y a une grande écoute et beaucoup de respect, chacune est libre de réagir ensuite aux textes des autres. En général, ce temps donne lieu à des digressions, des témoignages inédits. Des récits intimes s’invitent à la table des échanges, elles lisent des textes inédits écrit hors de l’atelier. J’enregistre tous ces échanges et je les retranscris avec les textes qu’elles ont écrit, cela constitue les archives de l’atelier. À la fin de la résidence, une sélection de ces archives sera publiée dans un carnet, une manière de garder une trace de ce qui se joue dans l’atelier sous forme d’anthologie.
Pour chaque atelier, j’essaie de leur faire découvrir un extrait littéraire utilisant la contrainte du jour, je cite des auteurs du XXème siècle et des auteurs contemporains (Georges Perec, Julien Delmaire, Agnès Desarthe, Elisabeth Jacquet, etc.)
L’atelier ressemble à un ouvroir potentiel de la parole, je ne suis que la technicienne effacée qui huile les rouages pour que la machine à paroles tourne.
Mon livre en cours, qui s’intitule pour l’instant « C’est un endroit. Ce n’est pas un endroit. » questionne les rapports humains avec les frontières qu’elles soient intimes, géographiques, visibles ou invisibles. Que reste-t-il de soi loin de chez soi ? Où suis-je vraiment chez moi ? Alors bien entendu que ce qui se dit dans l’atelier produit un effet sous-jacent sur mon travail d’écriture, sans que les liens soient réellement visibles. Je m’interroge sur la porosité qui existe vraiment entre leurs récits et mon texte, difficile d’en parler quand c’est en cours, je pense que je ne me rendrai compte de l’influence que l’atelier a pu avoir sur mon écriture qu’a posteriori.
Chaque atelier produit toujours beaucoup d’émotions lors du temps d’échange : prendre la parole face aux autres et révéler son intimité, parler des violences qu’elles ont subies, d’êtres chers qu’elles ont perdu, évoquer des souvenirs d’enfance alors qu’elles sont loin de leur pays d’origine, chacun de leurs témoignages est bouleversant.
Je n’ai pas été formée aux ateliers d’écriture, mais en qualité d’écrivain, l’écriture m’a formée et je suis à l’écoute des mots quotidiennement. Les participantes sont toutes francophones mais maîtrisent plus ou moins la langue française. Cet atelier offre un temps privilégié d’écriture et de parole où chacune d’entre elles peut s’approprier la langue française et la faire sienne.
Je ne me suis pas documentée pour ces ateliers, même si je côtoie de longue date les pratiques de François Bon sur son site le tiers livre.
La première séance s’est déroulée dans une des permanences de la Cimade, à Batignolles dans le 17ème. J’appréhendais qu’aucune participante ne vienne car la majorité d’entre elles se trouvent dans des situations très précaires à cause de leur situation administrative, elles ont des difficultés pour se loger et ne savent pas pour la plupart combien de temps elles pourront rester en France. Finalement sur cinq inscrites deux sont venues. Et depuis le groupe s’est bien élargi et des habituées reviennent régulièrement. L’atelier est devenu un lieu de rendez-vous convivial et privilégié où chacune partage son intimité avec les autres.
Généralement, pour chaque séance je pars d’une consigne avec une contrainte littéraire, les contraintes littéraires étant d’excellents garde-fous. Cette consigne s’inspire d’un texte littéraire (inventaire des lieux où j’ai dormi, je me souviens demes premiers jours en France, quandj’étais petite, portraits familiaux, etc). La première moitié de la séance est consacrée à l’écriture, chaque participante écrit à partir de la consigne, puis ensuite vient le temps de l’échange, là chacune à leur tour, elles lisent, parlent, commentent ce qu’elles viennent d’écrire. Il y a une grande écoute et beaucoup de respect, chacune est libre de réagir ensuite aux textes des autres. En général, ce temps donne lieu à des digressions, des témoignages inédits. Des récits intimes s’invitent à la table des échanges, elles lisent des textes inédits écrit hors de l’atelier. J’enregistre tous ces échanges et je les retranscris avec les textes qu’elles ont écrit, cela constitue les archives de l’atelier. À la fin de la résidence, une sélection de ces archives sera publiée dans un carnet, une manière de garder une trace de ce qui se joue dans l’atelier sous forme d’anthologie.
Pour chaque atelier, j’essaie de leur faire découvrir un extrait littéraire utilisant la contrainte du jour, je cite des auteurs du XXème siècle et des auteurs contemporains (Georges Perec, Julien Delmaire, Agnès Desarthe, Elisabeth Jacquet, etc.)
L’atelier ressemble à un ouvroir potentiel de la parole, je ne suis que la technicienne effacée qui huile les rouages pour que la machine à paroles tourne.
Mon livre en cours, qui s’intitule pour l’instant « C’est un endroit. Ce n’est pas un endroit. » questionne les rapports humains avec les frontières qu’elles soient intimes, géographiques, visibles ou invisibles. Que reste-t-il de soi loin de chez soi ? Où suis-je vraiment chez moi ? Alors bien entendu que ce qui se dit dans l’atelier produit un effet sous-jacent sur mon travail d’écriture, sans que les liens soient réellement visibles. Je m’interroge sur la porosité qui existe vraiment entre leurs récits et mon texte, difficile d’en parler quand c’est en cours, je pense que je ne me rendrai compte de l’influence que l’atelier a pu avoir sur mon écriture qu’a posteriori.
Chaque atelier produit toujours beaucoup d’émotions lors du temps d’échange : prendre la parole face aux autres et révéler son intimité, parler des violences qu’elles ont subies, d’êtres chers qu’elles ont perdu, évoquer des souvenirs d’enfance alors qu’elles sont loin de leur pays d’origine, chacun de leurs témoignages est bouleversant.
Virginie Poitrasson
11 juillet 2014