Lire ou relire un des pactes signés avec le Diable
Longtemps, Faust s’était échiné sur les bulles de savon de la Métaphysique, les feux follets de la Morale et les ombres de la Théologie, sans retirer de son combat la moindre forme certaine qui résistât à l’épreuve et contentât son esprit. De colère, il se jeta dans les sombres territoires de la Magie en espérant ainsi arracher par la violence à la nature ce qu’elle nous cache si obstinément. Sa première conquête fut l’insolite invention de l’imprimerie, ce qu’il en retira en second lieu fut plus effrayant. Il découvrit au hasard de ses recherches la terrible formule permettant d’évoquer de son Enfer le Diable et de l’assujettir à la volonté de l’homme...
Ainsi commence, avec énergie, le premier des cinq livres de La vie de Faust, ses exploits et comment il fut précipité en enfer de Friedrich Maximilian Klinger, traduit de l’allemand, annoté et présenté par François Colson, avec six gravures de Daniel Chodowiecki, édité chez Grèges, collection Lenz.
Ce que le traducteur nous apprend :
Goethe ne fut pas le seul à s’inspirer de Faust à la fin du XVIIIe siècle. Son ami de jeunesse, F.M. Klinger (1752-1831), s’est lui aussi laissé tenter par le sujet, poussant d’ailleurs Goethe à le reprendre. Dans ce roman, paru en 1791, mais amplement remanié à deux reprises (1794, 1813), Faust conclut un pacte avec les forces du mal afin de prouver la prééminence de la vertu. Flanqué du diable, il parcourt l’Europe médiévale en philosophant sur l’universalité du mal : la morale, la justice, mais aussi, et c’est plus inhabituel dans les traitements littéraires de la légende, la politique, sont au cœur de ses réflexions, qui se déclinent sur tous les tons, du sarcasme à la méditation en passant par le sentimentalisme. En homme de théâtre, Klinger prend un plaisir évident à orchestrer de façon magistrale la course folle de son personnage et les horreurs de l’Enfer.
La collection Lenz, petite bibliothèque de l’idéalisme allemand, se propose de rassembler des textes produits dans la période qui va de 1771 (le poète Lenz arrive à Strasbourg) à 1835 (le poète Büchner écrit la nouvelle Lenz). C’est, entre ces deux dates, un long printemps de l’esprit allemand.
Dans cette collection, de Jakob Lenz nous avons lu et nous avons aimé Le plus sentimental des romans.