Que n’ai-je
« N’attends pas que tout se décide en dehors de toi », Jean-Claude Martin
Il choisit, à chaque fois, un angle d’attaque très précis. S’empare d’un détail. Qu’il va travailler en orfèvre pour parvenir, en un tour de passe-passe dont il a le secret, à le faire entrer dans une prose brève, subtile, concise.
« Le soleil va finir. Ce ciel qu’on crut transparent va tourner à l’ombre, à l’invisible. C’est la vie usée par les heures, les attentes. Trop d’encre maintenant, et l’on perd la face et la douceur du lavis. Seul le bord du lac est tiède encore des soleils perdus... »
Il ouvre en permanence des brèches dans ce qui paraît simple et évident. Et du coup, ça l’est beaucoup moins. Il y ajoute son grain de sel. Qu’il polit et qu’il glisse dans les rouages. Il sait qu’il est bon que le poème se mette parfois, lui aussi, à boiter. À l’image de la mémoire, du corps et du temps présent.
« Tombe le soir... L’esprit capitule. Récapitule. Tu ne verras plus tes fautes jusqu’à demain. Tout s’estompe, se dilue. Les arbres tiennent la toile de la tente. Je mets une petite laine pour me protéger des fraîcheurs de l’oubli. Même dans la chambre éclairée, la nuit m’absout. »
Jean-Claude Martin cerne ces instants fragiles qui, d’ordinaire, nous échappent. Il les fixe en de courtes séquences – qui sont autant de promenades intérieures – où il questionne à sa manière (autrement dit sans attendre de réponse) la teneur (bienfaits ou désagréments) de l’aube, de l’eau, de la neige, des ombres, des routes, du vent, du soir, de la nuit, maintenant, dans ce livre-ci, les êtres humains un peu en retrait.
Jean-Claude Martin : Que n’ai-je, Tarabuste éditeur.