Rilke et Balthus, Lettres à un jeune peintre
Ne trouvant pas le sommeil, je cherche un livre assez mince pour ne pas m’emmener jusqu’au matin, et assez beau pour m’éblouir et déchirer d’un coup la maigre blancheur de cette nuit.
Le regard trouve ces quelques lettres de Rilke au jeune Balthus, coincées entre une biographie illustrée de Frida Kahlo et le Zibaldone. Je me dis désormais, après les avoir relues, qu’il serait dommage d’en rester là, d’éteindre simplement la lumière, au lieu de la tendre plus loin.
La tendresse est le seul bien qui nous accompagne, tendresse reçue et partagée, qui n’affirme rien, et nous survit.
Rodin me racontait un jour qu’en lisant l’Imitation de Jésus-Christ, il remplaçait partout le nom de Dieu par le mot « Sculpture » ; c’est ainsi que vous devez, en parcourant ce digne document, remplacer mon nom qui y figure, par le vôtre ; car ma contribution à votre ouvrage sera trop petite pour que je m’arroge ce rôle prépondérant que je n’ai dû assumer que par la convention du traité. Votre part à cette œuvre était toute travail et douleur ; la mienne sera mince et elle ne sera que plaisir. RILKE
Rilke écrivit cette lettre en 1920, six ans avant sa mort. Balthus en avait alors douze. L’enfant venait de publier Mitsou (nom de son chat perdu), son premier recueil de quarante dessins, préfacé par Rilke.
Rien ne finit.
Rilke, Lettres à un jeune peintre, Balthus, Éditions de l’Aire Archimbaud 1993