Sabine Huynh | En taxi dans Jérusalem

Texte d’autant plus juste et tranchant, d’autant plus tendre et désespéré, qu’il dit la blessure d’exister sans se défendre du vertige, sans chercher aucun surplomb, mais se tenant au contact de ce qu’il dit, agissant de l’intérieur à la manière d’un prisme, déchirant non pas la lumière mais l’inconnu, en faisant jaillir le texte, le corps et la villle.

Traque du langage... Danse et mouvement perpétuel de l’écriture affrontant sa nécessité. Dispositif dont se dégage, comme un mort se relevant du tombeau, une créature de lettres à mi-distance entre le vivant et la chose, mi-humaine, mi-urbaine.

Durant cette danse, ou manière d’approcher ce qui se défausse, d’apprivoiser la béance du dire et du vivre amalgamés, ce qui ne peut être saisi se présente malgré tout, finit par se produire hors préméditation, comme chez Roger Laporte, peut-être, affirme sa souveraineté : une victoire hésitante mais reconduite sur le silence de la matière.

Texte comme le lieu des guérisons, aussi : un abandon lucide se fortifie d’abriter son contraire, une innocence devant la destruction, la vie sans qualificatifs.

Parole ancienne, enfin, blessée jusqu’à la moelle (mais pudique toujours, malgré sa radicalité), charbonneuse et claire comme la torche qui tombe dans l’abîme, faisant le jour au milieu ténèbres.

Sabine Huynh, "En taxi dans Jérusalem", publie.net 2013, avec des photos d’Anne Collongues


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3 août 2013
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