Seconde solitude
"Je crois à l’émerveillement triste", Éric Ferrari.
« Chasseurs pouilleux, royalement souples, au cœur de l’unique brûlure, on maîtrise les forces d’inertie, et lorsque nous croisons nos traces dans cet espace qui a perdu les noms, il souffle un air de terreau frais, de proies débarbouillées. »
Les terres traversées sont rudes. Entrecoupées de pentes raides, de vallées en friche et de points d’eau difficiles d’accès. On y enterre la foudre et on sait que celle-ci ne dort jamais tout à fait. L’homme, s’il veut devenir un peu plus que cet être de passage dont l’ombre disparaît avant même de s’être posée sur une surface plane, devra se plier à quelques règles de précarité et d’humilité qui le feront, peu à peu, devenir (un) résistant.
« Remue beaucoup. Arrache-toi. Enfouis ce manque nouveau dans tes pensées fugitives. Demande que l’on marque ton visage d’une pierre blanche. »
Ce monde âpre, sauvage, intérieur et parallèle qu’il installe lentement dans son livre n’empêche pas l’auteur de faire de brefs retours dans un monde plus proche, ne serait-ce que pour retoucher quelques fragments liés à l’enfance et susceptibles de raviver d’anciennes émotions, telle la peur, qui reste intacte, en embuscade, lui demandant de se cacher, de retenir son souffle et de regarder (écouter) à nouveau sans être vu.
« Quelquefois, je m’accroupis au fond d’une penderie. Le vide éprouvé à l’intérieur des vêtements accrochés prolonge l’impression d’être pris dans l’immobilité d’une nasse liquide. »
Ce qui happe le lecteur, dans Seconde solitude, comme dans les précédents recueils d’Éric Ferrari, c’est cette écriture simple, concise, coupante, efficace. Reliée aux paysages (qu’elle ne décrit que par touches), elle s’imprime en proses courtes et concrètes. Ce sont des brèches, des entailles, des points de contact précis qui marquent les contours d’une contrée extrême et austère où vaque celui qui l’a conçue.
Éric Ferrari : Seconde solitude, Cheyne éditeur.