Eric Ferrari / Un rien d’air

Éric Ferrari signe le premier titre des éditions Simili Sky.


Sans faire de bruit, dans l’ombre, avec discrétion et efficacité, Éric Ferrari s’affirme peu à peu comme l’un des poètes les plus sûrs de l’époque. Celui qui nous avait séduit l’an passé avec Les Inventions (éditions Cheyne) nous offre aujourd’hui Un rien d’air, suite apparemment désordonnée, puzzle à reconstruire en un alliage de touches brèves, acérées, rugueuses parfois.

« dans les fraisiers de la douleur des voix poussent au naufrage, j’ai une houe à la main, mes cuisses pleurent

qui me touche me lave, il y a des sécrétions de vieillards autour de l’absence »

Poésie de l’ellipse, de l’énigme, de la vivacité, des bonds imprévisibles (si chers à Reverdy) où se mêlent veilles inquiètes, rêves attenants et bribes de réalité pour suggérer, en pointillés, le provisoire (mais aussi la profusion) d’une vie aux aguets. Ce sont ces instantanés de vie glanés sur le tranchant des jours, en équilibre, en attente d’un souffle, d’un regard, d’un signe, d’un geste, d’un rien qu’Éric Ferrari collecte pour aller de l’avant et continuer à construire (son vaste chantier) dans le désordre.

« il y aura toujours une valise prête, quelque part un cintre vide aussi, je regarde par la fenêtre et cela me brûle »

Sans cesse présents, en filigrane, la peur, l’appel d’un rai de lumière, le peu ("le regard affligé d’un chien de compagnie, ce peu qui nous ravaude"), l’infime ("une existence de coin de rue"), la clarté ("quelque chose de bleu pour rendre plus blanc") disent, au milieu de différents états d’âme, l’infinie palette d’émotions qui passent, allant de la détresse à l’espoir d’un fragment l’autre.

La respiration (l’air) occupe une place importante. Elle ne sert pas seulement les poumons mais le corps (et évidemment le texte) tout entier. On sent qu’elle a dû manquer et créer bien des peurs, des disfonctionnements.

« ton souffle tient dans ma main, je m’empenne d’une double gueuse, l’endroit est clos »

Un rien d’air pour alimenter le centre, le moteur, le coeur, unique façon d’irriguer le cerveau et ses multiples routes ou autres voies d’accès à l’au-delà du réel : pour cavaler du rien à l’être en maîtrisant les subtils et inopinés décalages de la pensée.

« je suis devenu plus rapide dans le recoupement de mes traces, une image de moi sans moi, d’un même appel ou flot de paroles »

Ce livre d’Éric Ferrari est le premier publié par les éditions Simili Sky (qui annoncent la parution à venir des Scintillants squelettes de rosée de Pierre Peuchmaurd).


Simili Sky / Chez Véronique Loret : 9 rue Garibaldi 93400 Saint Ouen.

27 juillet 2007
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